La Chine revient au Conseil des droits de l'Homme après un an de répression sans relâche
Ce mois marque le début du cinquième mandat du gouvernement chinois en tant que membre du Conseil des droits de l'Homme des Nations Unies. Front Line Defenders exhorte tous les États membres de l'ONU, y compris les membres du Conseil, à prendre des mesures fermes et urgentes pour tenir le gouvernement chinois responsable des violations graves, systématiques et généralisées des droits humains dans le pays, en particulier à la lumière de la répression continue menée contre les défenseur-ses droits humains tout au long de 2020 et qui ne montre aucun signe de ralentissement.
En 2020, les autorités chinoises ont arbitrairement détenu, fait disparaitre, poursuivi, condamné et confirmé des peines injustes contre de nombreux défenseur-ses des droits humains. Elles font pression sur les avocats en droits humains qui travaillent sur des affaires "sensibles" impliquant d'autres défenseur-ses des droits humains et des dissidents, et elles mènent des actions visant à révoquer les licences de ces avocats qui défient la pression gouvernementale. Les membres des familles et les partenaires des défenseur-ses des droits humains détenus font également l'objet d'interrogatoires de police, de surveillance, de harcèlement, de disparition ou d'assignation à résidence. Ces actions sont marquées par des procédures judiciaires et administratives profondément viciées, arbitraires et injustes, ainsi que par des mesures extrajudiciaires, qui contreviennent à la fois aux lois nationales et aux obligations internationales de la Chine en matière de droits humains.
Des défenseur-ses des droits humains comme A-nya Sengdra (阿亚桑扎), Ge Jueping (戈觉平), Ge Zhihui (葛志慧), Lin Lanying (林兰英), Lin Yingqiang (林应强), Liu Jinxing (刘进兴), Tang Zhaoxing (唐兆星), Liu Yanli (刘艳丽), Yu Wensheng (余文生), Zhang Zhan (张展), ainsi qu'Agnes Chow (周庭), Ivan Lam (林朗彦), et Joshua Wong (黃之鋒) à Hong Kong, ont été inculpés et condamnés à des peines de prison en 2020. La plupart des défenseurs condamnés sur le continent sont maintenus en détention provisoire prolongée, souvent sans accès à leur famille ni à l'avocat de leur choix.
Le rejet de l'appel de Ge Jueping, le procès de Ge Zhihui et Zhang Zhan, la confirmation de la peine de 20 ans prononcée en 2019 contre le Dr Gulshan Abbas, sœur de la défenseuse ouïghoure basée aux États-Unis Rushan Abbas, et la condamnation de Liu Jinxing et Zhang Zhan ont tous eu lieu durant la seconde moitié de décembre 2020.
Les défenseur-ses des droits humains Cai Wei (蔡伟), Chang Weiping (常玮平), Chen Mei (陈玫), Ou Biaofeng (欧彪峰), Wang Zang (王藏), Xie Fengxia (谢丰夏) et Xu Zhiyong (许志永) ont tous été arrêtés en 2020 et sont actuellement à différentes phases de leur détention préventive. Les avocats Ding Jiaxi (丁家喜), Li Yuhan (李昱函) and Qin Yongpei (覃永沛), ainsi que les défenseur-ses du droit à la santé Cheng Yuan (程渊), Liu Dazhi (刘大志) et Wu Gejianxiong (吴葛健雄) ont été arrêtés avant 2020 mais sont toujours détenus en attendant leur procès ou leur verdict.
Les avocats en droits humains risquent toujours de perdre leur licence pour avoir défendu d'autres défenseur-ses ou des victimes de violations des droits humains. En décembre 2020, la défenseuse Wang Yu a reçu un avis du barreau de Pékin l'informant que sa licence a été révoquée car elle n'avait pas été employée par un cabinet enregistré pendant plus de six mois. Au cours de la première semaine de janvier 2021, les avocats en droits humains Lu Siwei (卢思位) et Ren Quanniu (任全牛) ont tous deux reçu un avis du barreau de leur province respective les informant de la décision du gouvernement de suspendre leur licence. Les avis citaient les écrits en ligne de Lu Siwei et les déclarations que Ren Quanniu avait faites lors d'un précédent procès en 2018 pour justifier leur décision.
Ren Quanniu a récemment représenté le journaliste citoyen Zhang Zhan qui a été condamné à quatre ans d'emprisonnement le 28 décembre 2020 pour ses reportages indépendants sur l'épidémie de COVID-19 à Wuhan début 2020. Lu Siwei représente plusieurs défenseur-ses des droits humains détenus, y compris ceux cités dans cette déclaration, tels que Qin Yongpei, Wang Zang, Yu Wensheng et l'un des 12 jeunes militants de Hong Kong interceptés par les autorités chinoises l'été dernier alors qu'ils fuyaient vers Taiwan par bateau et qui ont été jugés et condamnés le 28 décembre 2020 par un tribunal du sud de la Chine.
L'adoption unilatérale d'une loi draconienne "sur la sécurité nationale" à Hong Kong le 30 juin 2020 a été suivie d'une intensification des actions gouvernementales, notamment le harcèlement policier des médias et des journalistes ; les discréditations arbitraires des législateurs pro-démocratie qui avaient été élus ; les menaces secrètes et manifestes et campagnes de diffamation contre les dissidents par des représentants du gouvernement et des médias progouvernementaux ; les arrestations, le refus de libération sous caution, l'inculpation ou la condamnation et la saisie de documents de voyage appartenant à des militants politiques et des défenseur-ses des droits humains ; les critiques par des dignitaires du continent et des médias d’État au sujet des décisions rendues par des juges de Hong Kong en faveur des manifestants et des militants ; et le gel des comptes bancaires des militants à la demande de la police. Ces actions ont jeté un froid sur la société civile hongkongaise.
En tant que membre du Conseil des droits de l'Homme, le gouvernement chinois doit respecter les normes les plus strictes en matière de respect et de protection des droits humains. La chine a également accepté les recommandations des États membres de l'ONU lors de l'Examen périodique universel, de respecter et de protéger les libertés fondamentales des défenseur-ses des droits humains, des journalistes et des acteurs de la société civile. Cependant, la triste réalité sur le terrain, illustrée par la répression incessante de l'activisme en faveur des droits humains en 2020, montre que le gouvernement chinois est soit peu disposé, soit incapable de remplir ses obligations et engagements internationaux en matière de droits humains.
Front Line Defenders considère l'adhésion au Conseil des droits de l'Homme non pas comme une récompense pour un comportement abusif, mais comme une raison forte et une opportunité pour les gouvernements concernés de renforcer encore leur engagement essentiel et de principe avec la Chine en vue d'intensifier le contrôle des violations des droits humains qui se sont produites et continuent de se produire à une échelle systémique dans tout le pays, dont certaines peuvent constituer des crimes graves au regard du droit international notamment des crimes contre l'humanité.
Front Line Defenders réitère ses recommandations au gouvernement chinois de : libérer immédiatement et sans condition tous les défenseur-ses des droits humains détenus, emprisonnés ou soumis à d'autres formes de détention arbitraire uniquement à cause de leurs activités en faveur des droits humains ; cesser et s’abstenir de toute autre forme de harcèlement contre les défenseur-ses des droits humains et les membres de leur famille, notamment la surveillance, les interrogatoires et la révocation des licences d’avocat ; et accorder des réparations aux défenseur-ses qui font l’objet de représailles, y compris une indemnisation pour le temps passé en détention arbitraire et le rétablissement de la licence d’avocat.
Front Line Defenders réitère également ses recommandations à la communauté internationale afin qu'elle convoque de toute urgence une Session extraordinaire du Conseil des droits de l'Homme pour évaluer l'éventail des violations commises par le gouvernement chinois, y compris les violations contre les défenseur-ses des droits humains, et pour établir et mettre en place des mécanismes impartiaux et indépendants pour suivre de près, analyser et rendre compte chaque année de la situation des droits humains en Chine.