Narges Mohammadi
Iran steps up crackdown on journalists and activists
"La société iranienne revendique ouvertement son droit à la démocratie. Les étudiants, travailleurs, enseignants, femmes, les jeunes ont des demandes précises, et le gouvernement devra leur donner une réponse. Une réponse satisfaisante. Ce n'est pas le problème d'un groupe élitiste, c'est le problème d'une nation toute entière".
Narges Mohammadi est défenseuse des droits humains et directrice adjointe et porte-parole du Defenders of Human Rights Centre (DHRC) en Iran. Elle plaide pour l’abolition de la peine de mort en Iran, ainsi que pour les droits des prisonniers. À cause de son travail en faveur des droits humains, elle a été emprisonnée à plusieurs reprises. À partir de 1998, ses critiques à l’égard du gouvernement iranien l’ont conduite à être emprisonnée pendant un an, puis en 2010, elle a été incarcérée pendant un mois dans le cadre de son travail avec le DHRC.
Le 18 mai 2016, le tribunal révolutionnaire l’a condamnée à 16 ans de prison pour des accusations liées à son travail en faveur des droits humains. Elle a été libérée le 8 octobre 2020, après avoir purgé 4 ans de sa peine, suite à la ratification d’une loi réduisant les peines de prison pour les prisonniers politiques. Narges Mohammadi a poursuivi ses activités en faveur des droits des prisonniers en prison et, après sa libération, elle a intensifié ses actions, soutenant une campagne contre la « torture blanche », une technique de torture psychologique employée par les autorités iraniennes qui comprend le recours à l’isolement cellulaire et à la privation sensorielle complète pour les prisonniers dans le pays.
Un peu plus d’un an après sa libération, le 16 novembre 2021, Narges Mohammadi a de nouveau été arrêtée, et quelques jours plus tard, le 22 novembre 2021, elle a été traduite devant le tribunal de Shahid Moqadas Amniat (Evin) pour une audience portant sur de nouvelles accusations. Une liste d’activités liées aux droits humains a été présentée comme preuve des actes criminels qu’elle a commis depuis sa libération en octobre 2020, notamment sa nomination au Prix Nobel de la paix, qui aurait été interprétée comme de l’espionnage au profit d’un État hostile ; sa « participation à la commémoration des victimes des manifestations de masse de novembre 2019 » et à la « commémoration des victimes du vol 752 d’Ukraine International Airlines abattu en janvier 2020 par le Corps des Gardiens de la révolutionnaire islamique (CGRI) ». La liste faisait également référence au livre qu’elle a écrit et qui s’intitule « White Torture », qui comprend des témoignages de victimes d’isolement carcéral et de celles qui se sont prononcées contre l’exploitation sexuelle des prisonnières dans les prisons iraniennes.
Le 12 janvier 2022, après avoir été détenue à l’isolement pendant 64 jours consécutifs, dont 40 jours au secret, sans accès aux appels téléphoniques de sa famille ou de son avocat, elle a été traduite en justice. Le procès a duré tout juste cinq minutes. Le 25 janvier 2022, elle a informé sa famille de la nouvelle peine de 8 ans et 2 mois de prison, 74 coups de fouet et une interdiction de 2 ans d’utiliser les outils de télécommunications et les réseaux sociaux, deux ans d’exil et deux ans d’interdiction d’appartenir à des groupes politiques. La décision de la cour est fondée sur l’accusation de « collusion contre la sécurité de l’État ».
Le 19 février 2022, Narges Mohammadi a été hospitalisée pour un blocage de 75 % de l’une de ses artères coronaires et elle a subi une intervention chirurgicale d’urgence. Le 22 février, elle a obtenu une mise en liberté provisoire pour raisons médicales. Le 22 avril, elle a été violemment arrêtée chez elle et renvoyée en prison.
Plus récemment, le 9 octobre 2022, la branche 26 du tribunal révolutionnaire de Téhéran a condamné Narges Mohammadi par contumace à 15 mois de prison supplémentaires, pour « propagande contre l’État », pour avoir invité des gens à soutenir les mères en quête de justice et pour son plaidoyer contre la guerre. En outre, la défenseuse est soumise à des sanctions complémentaires, notamment le nettoyage des ordures dans un quartier désert pendant trois mois. Elle a été injustement emprisonnée durant la plupart des six dernières années, et c’est la troisième fois en moins de deux ans que la défenseuse est condamnée à des peines de prison, pour une durée totale de onze ans et onze mois.
À l’occasion de son 50e anniversaire, Narges Mohammadi a partagé un message (préenregistré) d’espoir et de solidarité inspirant (21 avril 2022). Voici la traduction française ce de message :
« Cher⸱es défenseur⸱ses des droits humains, je suis très heureuse de partager ce message vidéo avec vous aujourd’hui à l’occasion de mon 50e anniversaire. Bien que je reprenne le chemin de la prison à 17 h (le 12 avril 2022) comme je l’ai déjà fait plusieurs fois ces dernières années, je suis pleine d’espoir, libre de tout souci ou frustration. Ce n’est pas la première fois que je vais en prison. J’ai été arrêtée 12 fois, et condamnée 5 fois, à plus de 30 ans de prison et 154 coups de fouet. Plus récemment, j’ai été condamnée à 8 ans et 2 mois, 74 coups de fouet, et cela s’ajoute à 30 mois derrière les barreaux et 80 coups de fouet dans une autre affaire. Avant mon arrestation en novembre de l’année dernière, avec 85 autres activistes des droits civils, nous avons lancé une campagne intitulée “White Torture” et intenté des poursuites contre le recours à l’isolement carcéral dans les prisons iraniennes. Nous croyons que cette pratique ne devrait plus être employée, car c’est une violation flagrante des droits humains, allant même à l’encontre des lois nationales de la République islamique d’Iran (R.I.I). Il y a quatre mois, lors de ma dernière détention, j’ai été détenue pendant plus de 2 mois à l’isolement dans le quartier 209 de la prison d’Evin. Alors je me suis demandé si je devais être déçue ? Ai-je alors eu l’impression que notre campagne avait échoué quand j’ai été transférée dans une de ces cellules pour la 4e fois ? Au contraire, je crois qu’il faut du courage, de l’endurance et de la conscience pour obtenir les droits humains et la démocratie. Je pense que mes compatriotes sont maintenant plus que jamais conscients et disposés à vivre dans une démocratie après 100 ans de lutte.
Aujourd’hui, je suis pleine d’espoir. Les vastes mouvements de protestation appelant à la défense des droits des travailleurs parmi les enseignants, les femmes et les jeunes me donnent de l’espoir. Bien sûr, nous sommes réprimés par la R.I.I, mais nous croyons que c’est le signe du pouvoir et de la résilience de mon peuple et de la faiblesse des oppresseurs.
Donc, aujourd’hui, je suis pleine d’espoir, contente de retourner en prison, je souris… Surtout encouragée par le soutien de la communauté des défenseur⸱ses des droits humains… vous ! En célébrant mon 50e anniversaire, je vous renouvelle mon vœu, chers défenseur⸱ses des droits humains, d’engagement, de résilience et de persévérance jusqu’à une transition démocratique pour le peuple iranien dans le respect de ses droits. Nous n’abandonnerons pas avant ! Un jour, nous chanterons des chansons de victoire ensemble avec joie et plaisir. En attendant, je vous envoie mes meilleurs vœux. »