Mexique : Stop aux attaques contre les défenseur·ses du droit à la terre et des territoires autochtones dans le cadre du mégaprojet de corridor interocéanique de l’isthme de Tehuantepec
- Les organisations signataires soutiennent fermement la libération de neuf défenseur·ses zapotèques du territoire de Santa María Mixtequilla, arrêtés arbitrairement le 27 janvier 2024 pour s’être opposés à une « zone de développement » liée au Corridor interocéanique de l’isthme de Tehuantepec (CIIT).
- Les attaques contre les défenseur·ses du droit à la terre et des territoires autochtones et des communautés perpétrées dans le cadre du CIIT ont persisté au cours des dernières années, et ont même augmenté de manière alarmante au cours des derniers mois.
- Il est du devoir du gouvernement mexicain de garantir un environnement sûr à toutes les personnes qui défendent légitimement leurs droits et luttent contre l’imposition de ce mégaprojet sur leur territoire.
Tôt dans la matinée du 27 janvier, neuf défenseur·ses du territoire de Santa María Mixtequilla ont été arbitrairement arrêtés et accusés d’avoir volé une voiture de la police locale lors des manifestations organisées par la communauté contre l’imposition d’une « zone de développement » liée au mégaprojet de Corridor interocéanique. Le lendemain, de nombreux agents de la police d’État, des membres de la marine et de la garde nationale étaient présents, ce que les membres de la communauté considèrent comme un acte d’intimidation visant à mettre un terme à leur mobilisation.
Ces actes récents d’intimidation et de criminalisation s’ajoutent à un scénario inquiétant et inacceptable d’attaques contre les défenseur⸱ses des droits humains, du droit à la terre et du territoire et contre les communautés de la région. Cela a déjà été documenté par la Mission civile d’observation [1], du 25 au 27 juillet 2023, au cours de laquelle 23 organisations nationales et internationales de la société civile et 11 représentants des médias ont rendu visite aux défenseur·ses du droit à la terre et aux communautés affectées de la région nord de Mogoñé Viejo, de Santa María Mixtequilla, de Santa Cruz Tagolaba et de Puente Madera, dans l’État d’Oaxaca.
Les personnes, les collectifs et les communautés qui défendent la terre, le territoire, la nature et les droits des peuples autochtones, qui résistent au mégaprojet ou qui ont soulevé des questions spécifiques sur le corridor interocéanique, font état d’un contexte systématique d’attaques continues à cause de leur travail légitime. De 2021 au 29 janvier 2024, différentes organisations ont recensé au moins 46 attaques au total [2] de la part d’institutions étatiques, d’entreprises ou de personnes ayant des intérêts liés à la construction du mégaprojet.
Selon les personnes et les communautés affectées par le CIIT, l’État, par l’intermédiaire de la police et de la garde nationale, ainsi que des agents privés et d’autres personnes issues des entreprises impliquées et de la criminalité organisée, sont les principaux auteurs de ces attaques. La majorité des victimes étaient des peuples et des communautés autochtones, notamment les Mixe, les Zapotèques, les Zoque et les Popoluca. Les attaques peuvent être classées dans les catégories suivantes : I) 20 cas d’intimidation et de harcèlement à l’encontre des défenseur·ses, de leur famille ou de leurs collectifs ; II) 15 cas de menaces directes ; III) 7 cas de criminalisation avec un total de 52 plaintes pénales à l’encontre des autorités locales et des défenseur·ses communautaires dans les communautés de San Juan Guichicovi, Mogoñe Viejo, Mogoñé Estación, Paso Real, Estación Sarabia, Tagolaba, Puente Madera et Santa María Mixtequilla, 11 emprisonnements et deux cas de diffamation par le biais de médias publics de grande portée ; IV) 10 cas de violence physique et psychologique ; et V) trois homicides — les défenseurs Jesús Manuel García Martínez, Noel López Gallegos et Félix Vicente Cruz.
En outre, au cours des six mois qui ont suivi la mission d’observation, les personnes affectées ont signalé aux organisations participant à la mission au moins 13 menaces et attaques, ce qui montre que la violence persiste à l’encontre des défenseur·ses et des communautés dans le contexte du CIIT. Parmi les menaces signalées, les défenseur·ses de la région affirment que des coups de feu sont tirés en l’air à proximité de leur domicile et des bureaux de leurs organisations communautaires, et que des acteurs privés et des agents de police les surveillent en permanence. D’autres menaces et violences physiques ont été proférées à l’encontre des communautés et des organisations qui, depuis le début de la construction du mégaprojet, ont mis en garde contre les dommages et l’absence de consultation libre, préalable et éclairée.
Compte tenu de la gravité des attaques, les organisations nationales et internationales qui ont participé à la mission d’observation appellent d’urgence les autorités fédérales, étatiques et municipales compétentes à :
- Libérer immédiatement les neuf défenseur·ses autochtones zapotèques de Santa María Mixtequilla qui ont été arbitrairement arrêtés : Adelaido López Gallegos, Armando Sánchez Gómez, Orlando de la Cruz Gallegos, Roberto Vázquez Orozco, Ricardo Vargas Ruiz, Alba Pérez Santana, Ana Sanchez Castro, Albino Palacios Orozco et Jorge Ontiveros Álvarez.
- Retirer les forces armées de la communauté de Santa María Mixtequilla et mettre fin à tous les actes d’intimidation et de harcèlement de la part de la police et des forces armées.
- Mettre fin à toutes les formes de menaces, de criminalisation et d’attaques contre les peuples autochtones, les défenseur⸱ses des droits humains et de l’environnement, et prendre les mesures nécessaires pour garantir un environnement sûr dans le cadre de l’article 9 de l’accord d’Escazú.
- Reconnaître et respecter les droits humains et les droits collectifs des communautés indigènes Zapoteco, Mixe, Zoque, Popoluca et autres à l’autodétermination, à l’autonomie, au territoire, au consentement libre, préalable et éclairé, et à la vie, en reconnaissant la juridiction indigène de l’assemblée communautaire comme la plus haute instance de décision et en appliquant les normes de protection les plus strictes.
- Enfin, les organisations ayant participé à la Mission d’observation réaffirment qu’elles assureront le suivi des violations et attaques documentées contre les défenseur⸱ses des droits humains dans le cadre du CIIT, et qu’elles ne cesseront d’appeler l’État mexicain à respecter son obligation de protection jusqu’à ce que cessent les menaces et les attaques contre les défenseur⸱ses dans la région.
Organisations participant à la mission d’observation :
- Brigadas Internacionales de Paz (PBI)
- Territorios Diversos para la Vida, A.C. (TerraVida)
- Front Line Defenders
- Grupo de Trabajo «Fronteras, regionalización y globalización» del Consejo Latinoamericano de Ciencias Sociales (CLACSO)
- Red Nacional de Organismos Civiles de Derechos Humanos “Todos los derechos para todas, todos y Todes” (Red TDT)
- Unión de Comunidades Indígenas de la Zona Norte del Istmo (UCIZONI)
- Asamblea de Pueblos Indígenas del Istmo en Defensa de la Tierra y el Territorio (APIIDTT)
- Indigenous Peoples Rights International IPRI-México
- Centro de Derechos Humanos de los Pueblos del Sur de Veracruz Bety Cariño
- Proceso de Articulación de la Sierra Santa Marta
- Artículo 19 México, Oficina Regional para México y Centroamérica
- Servicios para una Educación Alternativa A.C. (EDUCA)
- Servicios y Asesoría para la Paz A.C. (SERAPAZ)
- Consorcio para el Diálogo Parlamentario y la Equidad Oaxaca, A.C.
- Centro de Información sobre Empresas y Derechos Humanos
- Centro de Derechos Humanos Miguel Agustín Pro Juárez, A.C.
- Comisión de Coordinación y Seguimiento del Congreso Nacional Indígena/Concejo Indígena de Gobierno
- Brigada Humanitaria Marabunta y Brigada Humanitaria Marabunta capítulo Oaxaca
- Espacio OSC para la Protección de Personas Defensoras y Periodistas. Las organizaciones que integran el Espacio OSC son: ARTICLE 19; Casa del Migrante Saltillo; Centro de Derechos Humanos de la Montaña Tlachinollan; Centro de Derechos Humanos Zeferino Ladrillero (CDHZL); Centro Mexicano de Derecho Ambiental (CEMDA); Centro Nacional de Comunicación Social (Cencos); Comisión Mexicana de Defensa y Promoción de los Derechos Humanos, (CMDPDH); Comunicación e Información de la Mujer A.C. (CIMAC); Instituto de Derecho Ambiental (IDEA), Red Nacional de Organismos Civiles de Derechos Humanos “Todos los Derechos para Todas, Todos y Todes” (Red TDT); SMR: Scalabrinianas, Misión con Migrantes y Refugiados; Servicios y Asesoría para la Paz (Serapaz). El Espacio OSC está acompañado por Brigadas Internacionales de Paz (PBI).
Notes: [1] Pour plus d'informations: https://www.cemda.org.mx/mision-civil-de-observacion-registra-violaciones-a-derechos-humanos-enmarcadas-en-el-megaproyecto-corredor-interoceanico-del-istmo/
[2] Une attaque peut comporter de multiples actes et personnes affectées.