Mexique : La Mission civile d’observation constate des violations des droits humains dans le cadre du mégaprojet de corridor interocéanique de l’isthme
- 23 organisations de la société civile nationales et internationales documentent diverses violations des droits humains liées au mégaprojet.
- La majorité des attaques sont perpétrées contre des membres des peuples et des communautés autochtones ; la Marine et la garde nationale sont les principales instances responsables de ces violences.
Le 27 juillet, la mission d’observation civile qui a débuté le 25 juillet dans la région de l’isthme de Tehuantepec, Oaxaca, Mexique, avec l’objectif de documenter les violations des droits humains et les attaques contre les défenseur⸱ses des droits humains et les communautés dans le contexte du mégaprojet connu sous le nom de Corridor interocéanique de l’isthme de Tehuantepec (CIIT), a achevé son travail.
23 organisations de la société civile nationales et internationales et huit journalistes de la presse nationale et internationale ont participé à la mission d’observation. Au cours de cette tournée de trois jours, ils ont rendu visite aux personnes et aux communautés touchées dans la région nord dans le camp « Tierra y Libertad » à Mogoñé Viejo, État de Oaxaca, ainsi que dans la zone de développement de Santa María Mixtequilla et les communautés attaquées à Santa Cruz Tagolaba et Puente Madera.
Les personnes et organisations participant à la mission ont conclu que la mise en œuvre du CIIT constitue une violation des droits humains des habitants de ces régions et de ceux qui défendent les droits collectifs des communautés indigènes, en particulier de leurs droits : i) à l’information, car les communautés affirment qu’elles n’ont pas eu accès à toutes les informations pertinentes concernant la construction du mégaprojet et ses effets sur leurs territoires ; ii) à la participation, à l’autodétermination, au territoire, à un environnement sain et à l’identité culturelle. Cela est dû à l’absence de consultation préalable, libre et informée, conformément aux normes nationales et internationales ; et iii) à la vie, à l’intégrité, à la liberté personnelle et à la liberté d’expression, entre autres, en raison des agressions physiques, du harcèlement et de la criminalisation qu’ils subissent, en particulier ceux qui mènent la lutte pour la nature, la terre et le territoire.
Lors de la conférence de presse qui s’est tenue ce jeudi 27 juillet à Juchitán, Oaxaca, des organisations nationales et internationales ont exprimé leurs préoccupations face aux actes d’agression enregistrés dans le cadre de la construction du mégaprojet de Corridor interocéanique. Ils ont indiqué que les attaques se sont multipliées cette année et que l’intégrité des défenseurs et défenseuses qui s’opposent à ce mégaprojet est menacée. Au cours de la mission, les participants ont été témoins d’incidents de sécurité tels que la présence constante et vigilante des forces armées.
Les membres de la mission ont insisté sur le fait que la consultation visant à obtenir le consentement des communautés indigènes Ayuuk affectées par le CIIT n’a pas été effectuée. En revanche, la Marine et la garde nationale ont procédé à des interventions violentes, telles que des expulsions violentes et des détentions arbitraires, ont criminalisé les défenseur·ses à Mogoñe Viejo, Estación Sarabia et Palomares, et ont proféré des menaces et tenté de déposséder les résidents de Boca del Monte, San Juan Guichicovi, de leurs maisons.
À Santa Maria Mixtequilla, la mission a également documenté l’intimidation de l’assemblée communautaire par la garde nationale, ainsi que plusieurs cas de répression à l’encontre de personnes ayant manifesté leur résistance à la « zone de développement » qui doit être construite. Des attaques ont également été documentées dans la région de Santa Cruz Tagolaba, Tehuantepec, où il y a eu des agressions physiques, des dépossessions, des occupations illégales de terres et des déplacements forcés de membres de la communauté en raison de la spéculation causée par le corridor interocéanique, qui est situé à un endroit stratégique. La communauté indigène Binniza de Puente Madera a subi une campagne de criminalisation et de diffamation, ainsi qu’une série d’attaques telles que la détention arbitraire et la fabrication de faux crimes contre 17 défenseur·ses pour leur lutte contre l’imposition de la « zone de développement » de San Blas Atempa, dans l’État d’Oaxaca.
Les membres de la mission ont également mis en garde contre l’existence d’attaques et d’impacts différenciés sur les défenseuses autochtones qui sont victimes d’attaques, de calomnies et de diffamations basées sur les stéréotypes de genre et la sexualité. Cela a également un impact sur leur rôle de dirigeant, de membre de la communauté et au sein de la famille.
Parmi les autorités responsables des violations des droits humains signalées au cours de la mission figurent la garde nationale, la marine, l’armée, la police d’État, le ministère de la Communication et des Transports, les autorités municipales et le parquet agraire. Plusieurs entreprises, groupes armés et chefs locaux (caciques) ont également été identifiés.
Selon le rapport sur la situation des personnes et des communautés défendant les droits humains environnementaux au Mexique, présenté par le Centro Mexicano de Derecho Ambiental, A. C. (CEMDA), entre octobre 2021 et juillet 20231, 31 cas d’attaques collectives et individuelles ont été enregistrés contre des communautés, des terres, des territoires et des défenseurs des droits humains dans le cadre de la construction du Corridor interocéanique, principalement dans les États d’Oaxaca et de Veracruz. La plupart des agressions ont été commises contre des personnes appartenant à des peuples ou des communautés autochtones.
Au-delà du mégaprojet du CIIT, l’État d’Oaxaca se classe en général au premier rang pour le nombre d’agressions entre 2019 et 2022, selon le rapport. Oaxaca est l’entité qui compte le plus grand nombre d’attaques ou d’agressions documentées entre 2012 et 2018.
Les dossiers liés au CIIT indiquent au moins : 21 cas d’intimidation, de harcèlement et de menaces à l’encontre de défenseur·ses, de leurs familles ou de leurs collectifs ; 11 cas de violence physique et psychologique, ainsi que des expulsions forcées ; trois homicides de défenseur·ses entre octobre 2022 et juillet 2023 ; deux cas de diffamation par le biais de médias grand public ; et 43 cas de plaintes pénales contre des autorités locales et des défenseur·ses communautaires dans les communautés de San Juan Guichicovi, Mogoñe Viejo, Mogoñé Estación, Paso Real, Estación Sarabia, Tagolaba, et Puente Madera.
Au terme de sa visite et de son enquête sur le projet de corridor interocéanique de l’isthme de Tehuantepec, la mission d’observation a exprimé sa profonde préoccupation quant au contexte de risque pour celles et ceux qui exercent leur droit légitime à défendre leur territoire et a réaffirmé qu’elle assurerait le suivi des violations documentées ; enfin, elle a appelé les autorités fédérales, étatiques et municipales compétentes à :
Reconnaître et respecter les droits humains et collectifs à l’autodétermination, à l’autonomie, au territoire, à la participation, au consentement préalable, libre et éclairé, et à la vie des peuples autochtones, conformément au droit international.
Garantir le droit d’accès à la justice et mettre fin à toutes les formes de menaces et d’attaques contre les peuples autochtones et les défenseur·ses des droits humains et de la nature.
Prendre les mesures nécessaires pour garantir un environnement sûr dans le cadre de l’article 9 de l’accord d’Escazú afin qu’ils puissent effectuer leur travail.
Fournir aux populations autochtones les informations nécessaires, suffisantes, complètes et culturellement appropriées sur le mégaprojet et toutes ses composantes, telles que le gazoduc et les zones de développement, afin qu’elles puissent exercer leur droit à l’autodétermination.
Juchitán de Zaragoza, Oaxaca, 27 juillet 2023.
La mission d’observation est composée de :
Centro Mexicano de Derecho Ambiental, A.C.
Unión de Comunidades Indígenas de la Zona Norte del Istmo (UCIZONI)
Front Line Defenders
Brigadas Internacionales de Paz (PBI)
Asamblea de Pueblos Indígenas del Istmo en Defensa de la Tierra y el Territorio (APIIDTT)
Corriente del Pueblo Sol Rojo
Resistencia Civil Mixtequillense
Servicios para una Educación Alternativa A.C.
Tribunal Internacional de Conciencia de los Pueblos en Movimiento (TICPM)
Prevención, Capacitación y Defensa del Migrante, A.C. (PRECADEM)
Servicios y Asesoría para la Paz A.C. (SERAPAZ)
Brigada Humanitaria de Paz Marabunta
Brigada Humanitaria de Paz Marabunta Oaxaca
Consorcio para el Diálogo Parlamentario y la Equidad Oaxaca, A.C.
Centro de Derechos Humanos Miguel Agustín Pro Juárez, A.C.
Red Nacional de Organismos Civiles de Derechos Humanos Todos los derechos para todas y todos (Red TDT)
Centro de Información sobre Empresas y Derechos Humanos
Artículo 19 México
Espacio OSC
Grupo de Trabajo "Fronteras, regionalización y globalización" del Consejo Latinoamericano de Ciencias Sociales (CLACSO)
Proceso de Articulación de la Sierra Santa Marta
Indigenous Peoples Rights International IPRI-México
Congreso Nacional Indígena
1 Les données 2023 correspondent aux informations recueillies dans le cadre du nouveau rapport 2023.