Intimidation des défenseur⸱ses des droits humains et des journalistes, notamment par le biais de multiples raids, d’arrestations, d’informations erronées et d’étiquetage.
Front Line Defenders condamne fermement les récents raids visant les défenseur⸱ses des droits humains, les organisations de la société civile et les journalistes en Inde. Les 2 et 3 octobre 2023, la police de Delhi et l’agence nationale d’investigation (NIA) ont mené des perquisitions dans plusieurs endroits de New Delhi, ainsi que dans les États de l’Andhra Pradesh et du Telangana. L’affirmation de la NIA selon laquelle les perquisitions ont été menées dans le cadre d’une affaire de financement du terrorisme et d’activités liées au terrorisme s’inscrit dans une tendance dangereuse consistant à étiqueter les défenseur⸱ses des droits humains comme des terroristes et à les prendre pour cible en représailles contre leur travail pacifique.
Le 3 octobre 2023, la police de Delhi a arrêté le fondateur du site d’information Newsclick, Prabir Purkayastha, ainsi qu’une autre personne. Ces arrestations font suite à de multiples raids des domiciles et bureaux de plusieurs journalistes, universitaires et défenseur⸱ses des droits humains associés à Newsclick, ainsi qu’à la saisie d’appareils électroniques, notamment des téléphones et des ordinateurs portables. Les perquisitions ont été menées dans le cadre de la plainte (First information report 224/2023), déposée le 17 août 2023 en vertu des articles 13, 16, 17, 18 et 22 de la loi indienne relative à la lutte contre le terrorisme, la loi sur la prévention des activités illégales (UAPA), ainsi que des infractions prévues par le Code pénal indien.
Le même jour, la police de Delhi a perquisitionné le domicile de Teesta Setalvad à Mumbai, dont la demande de libération sous caution a été récemment confirmée par la Cour suprême de l’Inde en juillet 2023.
Le 2 octobre, la NIA a effectué des raids dans 62 localités de l’Andhra Pradesh et du Telangana, notamment aux domiciles et aux bureaux de défenseur⸱ses des droits humains associés à l’Human Rights Forum, à l’Indian Association of People, au Civil Liberties Committee, au Committee for the Release of Political Prisoners, à la Revolutionary Writers Association. Ces perquisitions sont liées à une plainte déposée en novembre 2020 accusant des militants d’être liés au Parti communiste indien (maoïste) (CPI [M]), un parti interdit. Dans sa déclaration, l’Human Rights Forum a nié tout lien avec le CPI(M) et a indiqué que plusieurs appareils électroniques, dont des téléphones, des ordinateurs portables, des disques durs, des livres et des documents ont été saisis au cours des perquisitions.
Les récentes perquisitions font partie d’une escalade de la violence et des actes d’intimidation à l’encontre des défenseur⸱ses des droits humains au cours des derniers mois. Il s’agit notamment de raids, d’intimidations et de persécutions policières et juridiques à l’encontre de celles et ceux qui s’expriment contre les politiques de l’État.
Le 20 septembre, les médias locaux du Jharkhand ont rapporté que la branche spéciale de la police de l’État du Jharkhand avait ouvert une enquête sur 64 organisations pour leurs liens présumés avec le CPI(M). Parmi les personnes visées figurent Jharkhand Jan Adhikar Mahasabha, People's Union for Civil Liberties (PUCL), Adivasi Women’s Network, Bagaicha — l’organisation de feu Stan Swamy — et Visthapan Vidrohi Jan Vikas Andalon, l’organisation qu’il avait contribué à créer. Le 21 septembre, plus de 25 organismes de défense des droits civils, désignés par la police du Jharkhand comme cibles de son enquête, ont écrit au directeur général de la police du Jharkhand pour demander des éclaircissements sur les motifs de l’enquête et ont nié tout lien avec le CPI(M).
Le 5 septembre 2023, la NIA a effectué des perquisitions dans huit localités de l’Uttar Pradesh dans le cadre de l’affaire RC-01/2023/NIA-LKW, contre des défenseur⸱ses des droits humains et des avocats associés au PUCL, au Bhagat Singh Student Morcha et au Samyukta Kisan Morcha. Seema Azad, secrétaire nationale du PUCL, et son mari Vishwa Vijay ont été détenus et interrogés pendant 12 heures à la suite de la perquisition de leur domicile. La NIA affirme que les perquisitions ont été menées parce que « plusieurs organisations et ailes étudiantes ont été chargées de motiver/recruter des cadres et de propager l’idéologie du CPI(M) dans l’intention de mener une guerre contre le gouvernement de l’Inde ».
Les raids et la désinformation/l’étiquetage des défenseur⸱ses des droits humains, qui sont catalogués comme des terroristes, sont extrêmement préoccupants, en particulier à l’heure où l’Inde se prépare à des élections nationales en 2024. Alors que les défenseur⸱ses des droits humains devraient être valorisés pour leur contribution en faveur des communautés et de la promotion des droits humains et des valeurs démocratiques, les autorités indiennes relancent une campagne de persécution et d’intimidation à leur encontre. Le schéma d’abus est mis en évidence avec l’arrestation de 16 DDH dans l’affaire Bhima Koregaon ; l’arrestation massive de celles et ceux qui font campagne pacifiquement contre la loi régressive de 2020 sur la modification de la citoyenneté ; le ciblage des journalistes et des DDH au Cachemire sous administration indienne ; et les attaques/persécutions des défenseurs dalits et autochtones qui militent pour les droits, y compris le droit à la terre, à l’eau et pour l’environnement.
Front Line Defenders est profondément préoccupée par les persécutions incessantes et appelle les autorités indiennes à cesser immédiatement leurs attaques contre les défenseur⸱ses des droits humains et les organisations en Inde, à libérer les personnes actuellement emprisonnées et à créer un environnement où les DDH peuvent mener à bien leur travail en faveur des droits humains sans crainte de représailles.