Garantir la défense des droits humains au Mexique et en Amérique Centrale est aujourd'hui plus urgent que jamais
Mexique et Amérique centrale, 15 octobre 2020 - Outre le fort impact que la crise sanitaire générée par la pandémie de COVID-19 a sur l'accès aux droits et aux services de base, elle a également entraîné une aggravation de la crise de la démocratie et des droits humains dans la région mésoaméricaine. En réponse à la pandémie, certains États de la région ont mis en place des actions punitives telles que des couvre-feux, des états d'exception et la militarisation de la sécurité publique, entre autres mesures contraires aux droits humains de la population. Dans ce contexte, les défenseur-ses des droits humains font face à de nouveaux obstacles tandis que leur travail devient plus urgent que jamais.
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Voici certaines des conclusions du rapport Defending Rights in Times of COVID-19 : Challenges for Mexico and Central America" publié aujourd'hui par Espacio OSC para la protección de personas defensoras y periodistas (Espacio OSC), Front Line Defenders, la Iniciativa Mesoamericana de Mujeres Defensoras de Derechos Humanos (IM-Defensoras), la Red Nacional de Mujeres Defensoras de Derechos Humanos en México (RNDDHM), el Centro por la Justicia y el Derecho Internacional (CEJIL), la Unidad de Protección a Defensoras y Defensores de Derechos Humanos, Guatemala (UDEFEGUA), el North American Congress on Latin America (NACLA), et Trade Unions for Energy Democracy (TUED).
Ce rapport est le fruit d'une série de forums virtuels qui, sur une période de cinq semaines, ont rassemblé 26 défenseur-ses des droits humains de la région dans le but d'évaluer comment la pandémie impacte leur travail. Cette série de débats portait sur : ‘‘Les défenseuses et le droit de défendre les droits humains"; "La liberté d'expression et l'accès à l'infomation en temps de pandémie" " La lutte pour la mémoire, la vérité et l'accès à la justice"; " La défense de l'environnement et u territoire en Mésoamérique"; et ‘le droit du travail et le syndicalisme".
À l'issue de ces dialogues, les organisations ont conclu que les conditions de défense des droits et de défense de la liberté d'expression au Mexique et en Amérique centrale se sont dégradées depuis le début de la pandémie. Ils ont également dénoncé une augmentation des attaques contre les défenseur-ses, sous forme de diffamation et de stigmatisation, de représailles administratives, d'intimidation, de détention arbitraire et même de criminalisation. Selon les bilans des organisations, au moins 25 femmes défenseuses ont été tuées dans la sous-région entre janvier et août 2020.
Le rapport considère que le premier obstacle sont les restrictions à la mobilité imposées en réponse à la contingence sanitaire, qui limitent considérablement la défense des droits humains et l'exercice du journalisme. Ainsi, il estime que les défenseurs et les communicateurs n'ont pas la capacité de mener à bien des tâches telles que l'accompagnement de groupes vulnérables, la surveillance ou l'observation ou la réalisation d'enquêtes journalistiques de manière sûre.
D'autre part, les familles et les victimes de violations des droits humains se heurtent à des barrières à la fois physiques et technologiques ce qui rend l'accès à la justice encore plus difficile et les empêche de rechercher des personnes disparues. Tout cela sans que les autorités judiciaires de la région fournissent des alternatives pour l'avancement de leurs processus.
Pour les défenseuses des droits humains (FDDH), les risques sont encore plus graves. Dans la région, les FDDH doivent poursuivre leur travail dans un contexte de violence croissante à l'encontre des femmes. Au moins au Guatemala, au Costa Rica, au Salvador et au Mexique, il y a une hausse des cas de violence contre les femmes par des acteurs non étatiques depuis le début de la pandémie, y compris des attaques physiques et de la violence numérique.
Selon le rapport, les attaques contre la presse ont également augmenté de manière significative depuis la crise sanitaire. L'exclusion de la presse indépendante et des blocages de l'information ont été signalés au Salvador, au Nicaragua et au Guatemala tandis qu'au Panama, les cas d'acharnement judiciaire ont augmenté. Au Mexique et au Salvador, des journalistes ont reçu des menaces et ont été harcelés sur internet en représailles à leurs reportages.
La profession médicale a également été confrontée à des attaques liées à son travail sur la santé publique pendant le COVID-19. Au Nicaragua, au moins trente professionnels de la santé ont été renvoyés et harcelés pour avoir critiqué la politique sanitaire officielle.
En outre, l'Amérique Latine reste l'une des région les plus dangereuses pour les défenseur-ses du droit à la terre et de l'environnement, ainsi que pour les défenseur-ses des droits des populations autochtones. Au Honduras, au Mexique, au Nicaragua, au Costa Rica et au Guatemala, les invasions territoriales, les expulsions de communautés, les attaques armées et les attaques meurtrières contre les communautés défendant leur territoire se poursuivent. Dans le même temps, même avec le risque élevé de contagion dans les prisons, au Mexique, au Guatemala et au Honduras, les personnes qui défendent leur territoire sont criminalisées et emprisonnées.
En ce qui concerne la défense du droit du travail, les États sont généralement incapables de garantir un environnement de travail sûr, les industries liées aux chaînes d'approvisionnement mondiales étant les plus touchées par les épidémies. Le rapport note le recul des garanties du travail, la stigmatisation publique et l'exclusion des travailleurs du marché du travail formel et informel en représailles aux revendications des syndicats pour la sécurité et la lutte pour l'accès aux droits du travail.
Dans ce contexte, les organisations appellent les États de la région à notamment :
- Promouvoir la construction conjointe, avec les organisations de la société civile et les organes régionaux et internationaux des droits humains, de la conception et la mise en œuvre d'un effort de collaboration pour le renforcement des mécanismes de protection des défenseur-ses des droits humains prévus au niveau interne ; et la construction de politiques publiques globales de protection avec une perspective basée sur le genre et une approche intersectionnelle.
- S'abstenir de commettre et condamner tout acte de stigmatisation verbale, d'intimidation légale, de criminalisation ou de détournement du droit pénal contre les défenseur-ses des droits humains et les journalistes.
- Faire des déclarations et des campagnes de communication ayant un impact au niveau national, des états et communautaire, en faveur des défenseur-ses des droits humains et des journalistes, en mettant en évidence leur travail important dans la protection des droits humains et l'accès à l'information, en particulier dans le contexte du COVID-19.
- Mener des enquêtes complètes, diligentes et impartiales sur les crimes qui menacent la liberté d'expression et la défense des droits humains.
- Libérer les défenseur-ses détenus pour leur travail en faveur des droits humains et toute personne illégalement privée de liberté.