Sahara occidental/Maroc : Le Maroc doit libérer immédiatement les défenseur⸱ses des droits humains de Gdeim Izik
Front Line Defenders est profondément préoccupée par l’emprisonnement des défenseur⸱ses des droits humains sahraouis arbitrairement arrêtés en novembre 2010 par les autorités marocaines lors du démantèlement du camp de Gdeim Izik. Front Line Defenders se joint au Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire (WGAD) et à de nombreuses organisations de défense des droits humains pour demander leur libération immédiate.
Le 11 octobre 2023, le groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a jugé illégale l’incarcération d’un groupe d’activistes sahraouis, condamnés il y a plus de dix ans par un tribunal marocain. Dans son avis, il a exhorté les autorités marocaines à libérer rapidement le groupe de détenus, qui comprend des journalistes et des défenseur⸱ses des droits humains du Sahara occidental. Ces détenus, appelés les prisonniers de Gdeim Izik, auraient subi des traitements inhumains depuis leurs manifestations non violentes en 2010 dans le camp de Gdeim Izik au Sahara occidental. Parmi les prisonniers, il y a un certain nombre de défenseur⸱ses des droits humains.
Entre octobre et novembre 2010, 20 000 Sahraouis se sont installés dans le camp de Gdeim Izik, au sud de la ville de Laayoune au Sahara occidental, pour protester pacifiquement contre la discrimination dont ils estimaient être victimes de la part du gouvernement marocain. Le 8 novembre 2010, les forces de sécurité marocaines ont évacué le camp par la force. Des émeutes meurtrières ont éclaté entre les forces marocaines et les manifestants sahraouis, d’abord dans le camp puis à Laayoune. Treize personnes, onze agents de sécurité marocains et deux militants sahraouis, ont été tuées.
Les « prisonniers de Gdeim Izik » font référence à la vingtaine de Sahraouis arrêtés avant, pendant et après la dispersion de la manifestation pacifique dans le camp de Gdeim Izik le 8 novembre 2010. Plusieurs « prisonniers de Gdeim Izik », condamnés par la Cour d’appel de Salé en 2017, sont d’éminents défenseur⸱ses des droits humains qui défendent ouvertement les droits humains au Sahara occidental, et sont maintenus en détention arbitraire depuis 13 ans. Trois de ces défenseur·ses, à savoir Ahmed Sbaai, co-fondateur de la Ligue sahraouie pour la protection des prisonniers politiques dans les prisons marocaines, Sid'Ahmed Lemjaid, président du Comité pour la protection des ressources naturelles au Sahara occidental (CSPRON) et Brahim Ismaili, président du Centre pour la préservation de la mémoire collective sahraouie, ont été condamnés à des peines de prison à perpétuité. Les défenseurs Enaâma Asfari, vice-président du Comité pour les libertés et le respect des droits de l’homme au Sahara occidental (CORELSO), et Mohamed Embarek Lefkir ont été condamnés respectivement à 25 et 30 ans de prison. En outre, le journaliste et défenseur des droits humains Mohamed Lamin Haddi a été condamné à 25 ans de prison. Mohamed Lamin Haddi aurait été arrêté pour avoir aidé deux médecins belges liés à « Médecins sans frontières » qui effectuaient une mission humanitaire dont l’objectif était de fournir une assistance médicale aux victimes sahraouies de l’oppression marocaine dans le camp de Gdeim Izik. El Bachir Khada, défenseur des droits humains, journaliste à l’Équipe Media et membre de l’Observatoire sahraoui des droits de l’homme au Sahara occidental, et Hassan Eddah, journaliste à RASD-TV et défenseur des droits humains associé à l’Association sahraouie des victimes de graves violations des droits de l’homme commises par l’État marocain (ASVDH), ont été condamnés respectivement à 20 et 25 ans de prison. Mohamed Tahlil, président de la section de Bojador de l’ASVDH a également été condamné à 20 ans de prison. Le défenseur Mohamed Khouna Babait, arrêté plusieurs mois après les premières arrestations, a été condamné à 25 ans de prison pour avoir participé à des marches pacifiques réclamant la libération des prisonniers sahraouis.
Le WGAD a déclaré qu’il considérait la privation de liberté des prisonniers de Gdeim Izik comme arbitraire, car elle contrevient aux articles 3, 9 et 10 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, ainsi qu’aux articles 9 et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et qu’elle relève donc des catégories I et III de la classification de la détention arbitraire établie par le WGAD. Les préoccupations soulevées par le WGAD reflètent celles exprimées précédemment par le comité des Nations unies contre la torture et par plusieurs rapporteurs spéciaux au sujet des prisonniers de Gdeim Izik.
En plaidant pour la libération des prisonniers, le groupe de travail des Nations unies a mis en évidence plusieurs violations graves, notamment le non-respect du droit des prisonniers à accéder à un avocat, l’utilisation d’aveux obtenus sous la torture et le manque d’impartialité et d’indépendance du tribunal. Le groupe a conclu que les prisonniers sont arbitrairement privés de leur liberté depuis leur arrestation en 2010. En outre, le WGAD demandé au Maroc de garantir que les victimes obtiennent réparation et a encouragé le Royaume à mener une enquête sur la privation arbitraire de liberté et à traduire en justice ceux qui en sont responsables.
Front Line Defenders est solidaire des défenseur⸱ses des droits humains sahraouis emprisonnés et de tous les autres défenseur⸱ses des droits humains au Sahara occidental qui sont pris pour cible à cause de leurs activités pacifiques.
Front Line Defenders exhorte les autorités marocaines à :
- Libérer immédiatement et sans condition tous les défenseur⸱ses des droits humains sahraouis qui sont détenus arbitrairement et leur garantir des réparations ;
- Mener immédiatement une enquête approfondie et impartiale sur leur détention arbitraire, en vue d’en publier les conclusions et de traduire les responsables en justice conformément aux normes internationales ;
- Garantir qu’en toutes circonstances, tous-tes les défenseur·ses des droits humains au Sahara Occidental puissent mener à bien leurs actions légitimes en faveur des droits humains, sans craindre ni restrictions ni représailles, y compris l’acharnement judiciaire.