Déclaration — Guatemala : Préoccupation face à la violence et au manque continu de protection des défenseur·ses de la terre et du territoire de la région Maya Q’eqchi’ dans l’Alta Verapaz
Front Line Defenders est profondément préoccupée par l’absence d’enquête sur les attaques armées, les menaces et les déplacements forcés auxquels sont confrontés les défenseur⸱ses des droits humains dans le département de l’Alta Verapaz. Le manque de protection des 16 familles appartenant à la communauté Maya Q’eqchi' las Pilas Sellamch dans la municipalité de Santa Maria Cahabón, qui ont été déplacées et exposées à un danger imminent pendant plus de 70 jours, est particulièrement préoccupant.
Depuis 39 ans, les familles Maya Q’eqchi' qui composent la communauté de Las Pilas Sellamch défendent collectivement leur droit à la terre et au territoire. La communauté tente également de mettre fin aux effets négatifs de l’exploitation forestière de montagne sur l’environnement et sur le tissu social de la municipalité. En représailles contre leur travail de défense collective, les familles sont victimes de diffamation et de discrimination de la part de propriétaires terriens qui cherchent à générer des conflits et des manipulations entre les communautés et les voisins afin de bénéficier de la propriété foncière.
Les habitants de Las Pilas Sellamch sont la cible de menaces, d’attaques armées et d’intimidations depuis l’année dernière, mais le contexte s’est aggravé depuis mai 2022 alors que la communauté persiste à dénoncer l’exploitation forestière aux autorités communales. 1 Le 9 mai 2022, des voisins armés et des inconnus ont fait irruption dans la communauté afin de les expulser ; ils ont suivi les familles avec des armes, y compris les femmes enceintes, les enfants et les personnes âgées, et ont brûlé toutes les maisons de la communauté. Les familles ont fui vers les montagnes pour se mettre en sécurité, où elles sont restées pendant plusieurs jours.
À l’heure actuelle, la communauté de Pilas Sellamch est déplacée depuis plus de 70 jours, ce qui a de graves répercussions sur sa sécurité, et elle n’a aucun soutien de la Police civile nationale ou du Bureau de l’ombudsman des droits humains de l’Alta Verapaz. L’impact des menaces et des déplacements forcés sur les enfants est particulièrement préoccupant, car ils n’ont pas pu retourner à l’école en toute sécurité et ont perdu tous leurs biens dans l’incendie de leur maison.
Le Comité Campesino de Desarrollo del Altiplano (CCDA) est une organisation dédiée à la promotion du développement rural des communautés autochtones et paysannes au Guatemala afin d’améliorer leurs conditions de vie grâce à des programmes visant à créer l’égalité et à encourager la participation aux processus sociaux, économiques, culturels et politiques. Selon le CCDA, les autorités locales tentent de dépeindre les attaques contre les communautés autochtones organisées comme des problèmes entre communautés ou entre voisins dans le but de se soustraire à leurs responsabilités d’enquête et de protection. Depuis sa création, le CCDA dénonce les avancées des agriculteurs et des propriétaires fonciers dans l’appropriation des territoires ancestraux appartenant aux communautés autochtones.
Le CCDA — région Verapaces est actuellement dirigé par deux défenseuses des droits humains, Lesbia Artola, responsable de la coordination, et Imelda Teyul, responsable des aspects organisationnels. Les deux défenseuses des droits humains ont déjà été victimes de menaces, d’intimidation et de diffamation aux accents misogynes et racistes. Les attaques contre les membres du CCDA persistent depuis des années, notamment avec les meurtres en 2016 et 2018 des défenseurs des droits humains Daniel Choc Pop, José Can Xol, Mateo Chemán Pauu et Ramón Choc Sacrab. 2
Par le passé, Front Line Defenders a souligné la gravité du contexte dans lequel les défenseur⸱ses des droits humains exercent leur travail sur le territoire Maya Q’eqchi, en particulier la situation des défenseuses des droits humains dans le nord-est du Guatemala. Front Line Defenders rappelle que le manque systématique de protection des défenseuses des droits humains a un impact négatif au niveau national qui affecte profondément le tissu social et le développement des communautés dans le pays.
Front Line Defenders est profondément préoccupée par la sécurité des défenseur⸱ses des droits humains membres de la communauté de Las Pilas Sellamch et du CCDA, en particulier car les autorités ne prennent aucune mesure pour contrer les actes de violence.
Front Line Defenders appelle les autorités guatémaltèques à mettre fin au harcèlement et à la répression contre les communautés engagées dans le travail légitime en faveur des droits humains. Elle exhorte également les autorités à fournir une protection urgente et nécessaire afin que les 16 familles des défenseur⸱ses des droits humains reçoivent une réparation adéquate et puissent retourner sur leur territoire.
1https://www.prensacomunitaria.org/2022/05/comunidad-qeqchi-las-pilas-sal...
2https://www.fidh.org/es/temas/defensores-de-derechos-humanos/guatemala-e...