Préoccupations croissantes concernant la situation des défenseuses des droits humains dans le nord-est du Guatemala
Front Line Defenders est profondément préoccupée par la recrudescence des violences et des menaces à l'encontre des défenseuses des droits humains et des organisations de défense des droits autochtones dans le nord-est du Guatemala. Les défenseur-ses des droits humains qui s’emploient à protéger les terres et le territoire des Mayas Q’eqchi à Cahabón, Carcha, San Juan Chamelco, les zones urbaines de Cobán et la vallée de Polochic, y compris Sepur Zarco, sont pris pour cible en représailles contre leur travail en faveur des droits humains. Les défenseuses des droits humains qui défendent le droit à la terre et au territoire, les droits de la communauté LGBTIQ+ et les droits des femmes autochtones sont particulièrement en danger.
L’intensification des campagnes de dénigrement, la diffamation et la criminalisation contre les défenseuses Maya Q’eqchi dans le nord-est du Guatemala se produit dans le contexte historique d'inégalités, de violence et d'oppression dans lequel se trouvent les femmes autochtones et d'ascendance africaine. Ce groupe de femmes est désormais confronté à encore plus de défis en raison du contexte politique complexe actuel, de la pandémie de COVID-19 et des conséquences humanitaires des ouragans ETA et IOTA, qui ont dévasté de nombreuses communautés au Guatemala. La volonté de l'État d'abuser de l'état d'urgence et de cibler les défenseur-ses des droits humains sous couvert de pandémie de COVID-19, de crime organisé et de trafic de drogue, renforce le climat de tension et les attaques contre les défenseuses des droits humains, en particulier celles qui défendent le droit à la terre de leurs communautés.
Tzk´at ; La Red de Sanadoras Ancestrales del Feminismo Comunitario Territorial desde Iximulew- Guatemala (Réseau des guérisseuses ancestrales du féminisme des communautés territoriales d'Iximulew- Guatemala) est une organisation de défense des droits des femmes et des autochtones qui apporte un soutien fondamental pour maintenir et renforcer la résistance des femmes et des peuples du Guatemala. L'organisation dénonce la stigmatisation, la criminalisation et les poursuites politiques constantes auxquelles elle est confrontée, ainsi que la surveillance dont elle fait l'objet par les agences d'État, des fonctionnaires corrompus, des propriétaires fonciers et les familles oligarchiques du territoire. Ces attaques, menaces, criminalisations et poursuites ont un impact profond sur la sécurité psychosociale de ses membres, ainsi que sur leur santé physique, émotionnelle et spirituelle.
Depuis juin 2020, la défenseuse des droits humains Maya Q’eqchi et d'ascendance africaine Lourdes Gómez Willis fait l’objet d’agressions répétées. Les auteurs de ces agressions seraient des acteurs puissants du secteur de l'huile de palme dans la région, qui s'en prennent à la défenseuse des droits humains à cause de son travail en faveur de la résistance communautaire contre les violations des droits humains perpétrées par l'industrie de l'huile de palme. Les membres de sa propre communauté la prennent eux aussi pour cible pour avoir dénoncé le sexisme et la violence institutionnelle au sein des organisations locales. Depuis le 5 décembre 2020, la situation sécuritaire de Lourdes Gómez Willis s'est aggravée ; elle fait face à des poursuites judiciaires de la part d'acteurs privés et gouvernementaux à cause du soutien qu'elle apporte aux communautés qui ont besoin d'une aide humanitaire suite aux dégâts causés par les ouragans Eta et Iota. Le bien-être de la défenseuse est affecté par l'absence de protection et de soutien de la part de l'État.
Les défenseur-ses des droits humains Maya Q'eqchi'-Jalan-Trans qui travaillent dans la municipalité de San Pedro Carchá et ses environs ont constaté d'importantes représailles à cause de leur travail en faveur des droits humains, notamment sous la forme de harcèlement par des inconnus sur les réseaux sociaux. Ce harcèlement auquel ils font face est chargé de discours de haine et lié au fondamentalisme religieux. Les défenseur-ses des droits humains Maya Q'eqchi'-Jalan-Trans dénoncent ces discours de haine sur internet, ainsi que le harcèlement qu'ils subissent à cause du soutien qu'ils apportent aux défenseur-ses des droits humains criminalisés et lorsqu'ils documentent les cas de trans-feminicides dans la région, surveillent la santé des personnes vivant avec le VIH dans le contexte de la pandémie de COVID-19 et fournissent un soutien aux personnes pauvres et économiquement défavorisées ainsi qu'aux membres de la communauté LGBTIQ+.
Le 29 décembre 2020, la défenseuse des droits Jalan-Trans de Maya Q’eqchi, Roberta Pitán, a été agressée par des inconnus alors qu'elle tentait de prendre le bus qui la ramène régulièrement chez elle, à environ 20 minutes du centre de Cobán dans la communauté de Gualom. Après l'attaque, Roberta Pitán a été secourue par des passants qui lui ont donné les premiers soins alors qu'elle était inconsciente. Elle a été conduite à l'hôpital régional de Cobán. Les membres de Tzk´at ont dénoncé l'attaque et le ministère public de Cobán a ouvert une enquête.
Le 11 janvier 2021, le deuxième tribunal de première instance pénale de Cobán a confirmé un certain nombre d'accusations contre la défenseuse des droits humains Delia Adelina Leal Mollinedo. La défenseuse, enseignante et féministe de Cobán, Alta Verapaz, fait la promotion de la santé sexuelle et reproductive auprès des femmes des communautés autochtones de la région Q’eqchi ’y Poqomchi’. Depuis son arrestation, Delia Adelina Leal Mollinedo est victime d'une campagne de diffamation et de stigmatisation publique dans les médias et sur les réseaux sociaux. Plusieurs médias départementaux et nationaux ont rendu public son affaire en faisant des interprétations erronées avec un contenu misogyne et déformant les informations et les faits, ce qui n'a contribué qu'à créer une atmosphère de désinformation et de stigmatisation autour de l'affaire et des procédures inappropriées dirigées par le parquet de Cobán pour les femmes et par le ministère public.
La défenseuse des droits humains trans Chahim A´j am Vásquez Leal (Corporalidad Plural Intersexual ) est membre de Tzk'at. Depuis mai 2020, Chahim A´j am Vásquez Leal est de plus en plus souvent harcelée sur les réseaux sociaux et dans sa vie quotidienne, notamment en raison de l'accompagnement spirituel et de l'assistance qu'elle apporte aux défenseur-ses des droits humains criminalisés sur le territoire de Q'eqchi ', comme la lutte contre la corruption des agents publics et l'accompagnement des défenseur-ses des droits humains à leurs audiences. La défenseuse affirme que les poursuites judiciaires auxquelles elle est confrontée résultent de son travail en faveur des droits humains et sont également liées à son implication présumée dans l'affaire de la défenseuse des droits humains Delia Adelina Leal Mollinedo.
Front Line Defenders reconnaît le contexte particulièrement dangereux pour les défenseuses des droits humains au Guatemala. Selon l'Observatoire des femmes du ministère public, entre le 1er et le 17 janvier 2021, 23 femmes ont été brutalement assassinées dans le pays. Front Line Defenders est profondément préoccupée par le schéma de violence et d'insécurité auxquels les défenseuses des droits humains sont confrontées dans le nord-est du Guatemala. Elle est particulièrement préoccupée par le fait que les défenseuses soient victimes de stigmatisation, d'intimidation et de surveillance à cause de leur travail en faveur des droits des femmes, du droit à la terre et au territoire et des droits de la communauté LGBTIQ+. Front Line Defenders appelle les institutions et les organisations nationales et internationales à protéger les défenseur-ses des droits humains au Guatemala et à fournir la protection urgente et nécessaire pour sauvegarder l'intégrité et la vie de ces défenseur-ses des droits humains. Front Line Defenders exhorte également le procureur en charge des droits humains à suivre les cas de criminalisation et de poursuites intentées contre les défenseuses dans la région Q'eqchi ', qui ont augmenté dans le contexte de la pandémie de COVID-19 et de la crise humanitaire. Front Line Defenders réaffirme qu'il est de son devoir légal d'enquêter et de rendre visible la complexité des violations des droits humains contre les défenseuses dans la région.