Les défenseur⸱ses des droits humains et du droit à la terre de la communauté autochtone Chontal El Coyul criminalisés et menacés de mort
Front Line Defenders et la Red Nacional de Organismos Civiles de Derechos Humanos « Todos los Derechos para Todas, Todos y Todes » (Red TdT) condamnent la peine prononcée contre les défenseur⸱ses des droits humains et du droit à la terre Román Sosa Miñon, Saúl Robles Aragón et dix-neuf autres membres de la communauté autochtone de Chontal El Coyul. Les organisations dénoncent les menaces, le harcèlement et la criminalisation auxquels sont confrontés les défenseur⸱ses des droits humains et du droit à la terre, car elles pensent qu’il s’agit de représailles contre leur travail pacifique pour la défense de leurs terres et de leur écosystème.
Le 26 novembre 2024, le premier tribunal pénal spécialisé pour adolescents, rattaché à la Cour supérieure de justice de l’État d’Oaxaca, a annoncé la suspension de l’audience dans l’affaire concernant vingt-et-un défenseur⸱ses des droits humains et du droit à la terre, jusqu’à nouvel ordre. Parmi les accusés se trouvent les défenseurs Román Sosa Miñon et Saúl Robles Aragón, de la communauté autochtone Chontal El Coyul, de la ville d’Huamelula, Oaxaca.
Román Sosa Miñon est pêcheur, guide écotouristique, représentant de l’assemblée communautaire de la communauté indigène Chontal El Coyul, membre de l’Asamblea de los Pueblos Indígenas del Istmo en Defensa de la Tierra y el Territorio (APIIDTT), et défenseur des droits humains et du droit à la terre. Il œuvre activement pour la défense du territoire autochtone et la conservation de la zone de mangrove, y compris sa flore et sa faune endémiques, en facilitant par exemple la nidification des tortues sur la plage d’Ensenada, qui est une zone naturelle protégée. En raison de son travail en faveur des droits humains, il subit des représailles telles que des menaces, la dépossession et a été licencié de son travail en 2021 ; il fait aussi face à une procédure de criminalisation menée à son encontre par des personnes extérieures à la communauté autochtone Chontal El Coyul qui tentent de s’approprier le territoire ancestral de la communauté.
Saúl Robles Aragón est paysan, représentant de l’assemblée communautaire de la communauté indigène Chontal El Coyul, membre de la coordination régionale de l’Asamblea de los Pueblos Indígenas del Istmo en Defensa de la Tierra y el Territorio (APIIDTT) et défenseur des droits humains et du droit à la terre. Depuis 2022, il représente la Sociedad Agrícola Ganadera El Coyul qui représente 221 familles. Les familles luttent depuis 1972 pour défendre 1452 hectares de terres comprenant des forêts tropicales, des lagunes et des plages, dont elles sont dépossédées depuis décembre 2023.
Le 8 mai 2024, le Tribunal unitaire de première instance n° 2 du Circuit judiciaire de l’isthme de Tehuantepec a déclaré les vingt-et-un membres de la communauté autochtone Chontal El Coyul coupables du délit de dépossession aggravée de terres à l’encontre du groupe privé Sociedad Agrícola y Ganadera El Coyul Oax S. C. et les a condamnés à cinq ans de prison, à payer cinquante-cinq millions de pesos mexicains à l’entreprise à titre de dédommagement et à une amende de quatre-vingt-dix mille pesos mexicains.
C’est la troisième fois que l’on tente de criminaliser des membres de la communauté autochtone pour leur action pacifique en faveur des droits humains, la première fois datant de 2011 lorsque le même groupe privé a déposé une plainte contre eux. Cette affaire avait été close la même année suite à l’abandon des poursuites. La deuxième tentative de criminalisation des membres de la communauté a eu lieu en 2019 et s’est soldée par une décision de ne pas les poursuivre en 2022. Dans les deux cas, les membres étaient accusés du délit de dépossession aggravée de terres. Cette troisième affaire a été ouverte en 2022 et les défenseurs des droits humains et du droit à la terre ont été condamnés le 8 mai 2024.
Dans cette troisième affaire, la Sociedad Agrícola Ganadera El Coyul, qui représente 221 familles autochtones, a fourni des preuves importantes confirmant que la communauté indigène est propriétaire des 1 452 hectares de territoire, mais le tribunal a refusé de les prendre en considération. La communauté Chontal El Coyul estime qu’il s’agit d’une tentative de faire taire ses efforts continus pour défendre les droits et le territoire des peuples autochtones contre les sociétés immobilières, dans le but d’expulser la communauté de son territoire, de s’approprier ses terres et d’exploiter les ressources situées dans la forêt tropicale de plaine, chacune de ces actions causant des dommages supplémentaires à l’écosystème local.
Outre l’appropriation du territoire de leur communauté, les défenseurs des droits humains et du droit à la terre Román Sosa Miñon et Saúl Robles Aragón ont également signalé des menaces et des actes de harcèlement qui leur ont valu d’être renvoyés de leur lieu de travail. En novembre 2024, les défenseurs ont reçu des menaces de mort contre eux et leur famille par le biais d’appels téléphoniques et ont trouvé des poulets morts devant leurs maisons.
Front Line Defenders et le Red TdT condamnent les peines prononcées à l’encontre des défenseurs des droits humains Román Sosa Miñon, Saúl Robles Aragón et les dix-neuf autres membres de la communauté indigène Chontal El Coyul. Les organisations dénoncent les menaces, le harcèlement et la criminalisation auxquels sont confrontés les défenseur⸱ses des droits humains et du droit à la terre, car elles pensent qu’il s’agit de représailles contre leur travail pacifique pour la défense de leurs terres et de leur écosystème.
Les deux organisations expriment leur inquiétude quant à la tendance à la criminalisation des personnes qui défendent les droits humains, en particulier les droits des peuples autochtones, car il s’agit d’une forme d’attaque contre ces peuples au Mexique.
Front Line Defenders et le Red TdT appellent les autorités et le système judiciaire mexicains à respecter les normes internationales en matière de droits humains qui reconnaissent le droit de défendre les droits humains, y compris les droits des peuples autochtones, et à respecter les obligations du Mexique envers la communauté internationale.
Front Line Defenders exhorte les autorités mexicaines à :
1. Abandonner immédiatement toutes les charges retenues contre les défenseurs des droits humains Román Sosa Miñon, Saúl Robles Aragón et les dix-neuf autres accusés de la communauté indigène de Chontal El Coyul, car il semble que cela soit uniquement motivé par leur travail légitime et pacifique en faveur des droits humains ;
2. Mener une enquête efficace et rapide sur les menaces proférées à l’encontre des défenseurs des droits humains Román Sosa Miñon et Saúl Robles Aragón, en poursuivant les responsables et en préservant leur intégrité physique et mentale ;
3. Veiller à ce que tous les défenseur⸱ses des droits humains au Mexique puissent mener leurs activités pacifiques et légitimes dans le domaine des droits humains sans restrictions injustifiées et sans crainte de harcèlement, de menaces ou de représailles, y compris l’acharnement judiciaire.