Inquiétude concernant la répression et l’intimidation des défenseur·ses de la terre et de l’eau dans le Querétaro
La promulgation de la loi d’État sur la réglementation de la distribution d’eau potable, les eaux usées et les services d’assainissement dans l’État du Querétaro, connue sous le nom de « loi sur l’eau » a entraîné un conflit généralisé sur la terre et l’eau dans plusieurs municipalités de l’État. Cette loi comporte un risque accru de privatisation des puits d’eau communautaires. Le conflit, à propos duquel Front Line Defenders avait donné l’alerte en 2022, suscite des inquiétudes parmi les défenseur·ses de l’environnement et les communautés de l’État du Querétaro en raison des conséquences négatives potentielles du contrôle privé d’un bien communautaire. La tendance croissante des particuliers à envahir des biens communautaires pour s’emparer de leurs sources en eau et ensuite privatiser l’accès à ce bien est également très inquiétante.
Le 13 juin 2023, la communauté d’Escolásticas, dans la municipalité de Pedro Escobedo, a été sévèrement réprimée et intimidée par les forces de police municipale et étatique lors d’une manifestation provoquée par l’arrestation d’une fonctionnaire. La communauté défend cette fonctionnaire pour sa neutralité en ne favorisant pas les intérêts privés dans l’achat et la vente de terrains et dans la délivrance de titre de propriété territoriale sur la commune. Suite à la répression de la manifestation, onze personnes ont été arrêtées et accusées du crime d’invasion des terres ; trois d’entre elles, deux hommes et une femme, sont toujours en détention.
La communauté de la région d’Escolásticas est victime de répression et d’intimidation de la part des autorités municipales et étatiques du Querétaro à cause de ses actions pour la défense du droit à la terre et à l’eau. Il y a de plus en plus de gens qui, selon certaines sources, agissent au nom des fonctionnaires de l’État et avec l’appui des groupes paramilitaires pour prendre possession des terres communautaires. La communauté affirme que cela a pour but de transférer par la suite la propriété des terres à des fonctionnaires de l’État à des fins financières, car ces terres ont une valeur écologique élevée grâce à leurs sources d’eau. Ces sources fournissent de l’eau potable à la communauté grâce à des puits publics, et les autorités municipales et étatiques cherchent à privatiser l’accès à ces ressources ou à vendre les terres à des promoteurs immobiliers.
Le 13 juin 2023 à 8 h 30 du matin, la police municipale d’Escolásticas est allée arrêter la représentante municipale d’Escolásticas, Mariana Trinidad Osornio Flores, qui est responsable de l’approbation de l’achat et de la vente de terrains et de la délivrance de titres de propriété territoriale dans la municipalité. Elle est accusée du crime de spoliation, mais la communauté d’Escolásticas a fait valoir que cette accusation est un acte de représailles, car, contrairement aux précédents délégués et fonctionnaires, elle est restée neutre face aux pressions pour favoriser l’expropriation territoriale. Lors de son arrestation, les autorités ont également arrêté un jeune de 19 ans membre de la communauté, accusé d’avoir brisé un cadenas sur la clôture d’une zone contestée.
Le 13 juin 2023 à midi, la communauté d’Escolásticas est sortie pour protester contre ces arrestations, et la police municipale et la police d’État ont réagi en déployant environ 300 policiers armés avec des chiens de sécurité pour disperser les manifestants à l’aide de gaz lacrymogène. Selon certaines sources, la police a commencé à frapper et intimider les manifestantes. La communauté a déclaré avoir été assiégée, les gens étant interdit d’entrer ou de sortir de la zone. Onze personnes, dont Mariana Trinidad Osornio Flores et le jeune homme, ont été détenues au secret pendant huit jours. L’endroit où ils se trouvaient a été révélé après l’ouverture d’une action de protection constitutionnelle les 15 et 16 juin. Il a également été révélé que cinq des onze personnes détenues ont subi des blessures, notamment des ecchymoses et des fractures. À ce jour, huit personnes ont été libérées et trois sont toujours détenues au secret.
Le 19 juin 2023, la défenseuse des droits humains Teresa Roldán Soria a donné une conférence de presse pour révéler ce qui s’était passé. Elle est étroitement associée à la communauté d’Escolásticas et a soutenu l’action de protection constitutionnelle déposée au nom des personnes détenues. Depuis 2016, elle participe activement à la défense de zones de grande valeur écologique contre la déforestation et le développement résidentiel à grande échelle, y compris la protection des ejidos dans l’État du Querétaro. De même, elle a rapporté que le 19 juin 2023, après la conférence de presse, un véhicule blanc suspect s’est garé pendant quarante minutes devant sa maison, qui se trouve sur un terrain isolé où elle seule accède habituellement. La défenseuse affirme que c’est l’une des formes d’intimidation et de répression dont elle est victime de la part de l’État. Le 11 novembre 2020, Front Line Defenders avait déjà signalé des menaces de mort à son encontre. Teresa Roldán Soria est bénéficiaire du Mécanisme de protection des défenseur⸱ses des droits humains au Mexique. Sur la recommandation du Mécanisme, la défenseuse des droits humains utilise désormais un système d’alarme pour alerter immédiatement les autorités fédérales, qui dépendent du Secrétariat du Gouvernement national, lorsqu’elle est en danger, en raison de l’augmentation des menaces qu’elle reçoit depuis les récents événements à Escolásticas.
La communauté d’Escolásticas fait valoir qu’elle possède des documents attestant que les terres qu’elle défend ont été constituées en « ejido » par résolution présidentielle du 29 janvier 1936. Cela signifie que bien que les terres soient la propriété de l’État, étant un ejido, elles sont pour le bénéfice et l’usage de la communauté. Toutefois, pendant la pandémie de COVID-19, un particulier a acquis des terres adjacentes à l’ejido. Cet individu a posé une clôture dans la zone de l’ejido appelée « Los Sabinos », bloquant l’accès de la communauté aux sources d’eau, et a installé des tuyaux dans l’intention de privatiser l’eau. Par la suite, la personne a déposé une plainte contre les femmes de la communauté pour le crime d’expropriation et les a empêchées d’accéder aux sources.
Front Line Defenders exprime sa préoccupation pour la sécurité et l’intégrité des communautés de l’État du Querétaro, en particulier pour la communauté de la municipalité d’Escolásticas et la défenseuse des droits humains Teresa Roldán Soria. Elle exprime également son inquiétude face à la criminalisation et à la détention de onze personnes qui défendent l’eau aux côtés de leur communauté, car il semble que ces actes de harcèlement soient des représailles contre leur activité légitime en faveur des droits humains.
Front Line Defenders réitère son inquiétude concernant le climat d’impunité et le manque de protection des défenseur⸱ses des droits humains et en particulier les allégations de collusion apparente entre l’État et des particuliers qui envahissent illégalement et revendiquent la possession de terres des « ejidos » communaux, et cherchent à les privatiser ainsi que des biens communs tels que l’eau.
Front Line Defenders exhorte les autorités mexicaines à ouvrir immédiatement une enquête approfondie et impartiale sur les actes de violence contre la communauté d’Escolásticas, et à prendre toutes les mesures pour garantir leur sécurité et leur intégrité physique et psychologique, conformément aux engagements internationaux du Mexique concernant la protection des défenseur⸱ses des droits humains.