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2 Août 2024

5 ans après l’abrogation du statut d’État — La répression systématique des défenseur⸱ses des droits humains au Cachemire sous administration indienne

Le 5 août 2024 marque le cinquième anniversaire de l’abrogation unilatérale du statut d’autonomie du Jammu-et-Cachemire par le gouvernement indien. Dans les semaines et les mois qui ont suivi, le Cachemire sous administration indienne (CAI), l’une des régions les plus militarisées au monde, a été le théâtre de violations généralisées des droits humains, notamment d’arrestations, de tortures, de raids, de surveillances et d’attaques, dans un contexte où internet et les communications ont été coupés. Les défenseur⸱ses des droits humains, y compris les journalistes qui documentent ces violations, ont été pris pour cible, menacés d’arrestation et ont fait l’objet d’une surveillance intense de la part de la police et des services de renseignement.

Cinq ans plus tard, la violence dans le Cachemire sous administration indienne (CAI) se poursuit. Plusieurs organismes internationaux de défense des droits humains expriment de sérieuses inquiétudes concernant les violations des droits humains fondamentaux au CAI, mais le gouvernement indien a réagi en restreignant encore plus strictement les libertés essentielles et en refusant de communiquer à propos du Cachemire.

Front Line Defenders documente les représailles contre les défenseur⸱ses des droits humains (DDH), y compris les journalistes, dans le CAI, notamment la surveillance, les raids, les menaces, les arrestations, la détention préventive, les interdictions de voyager et les menaces contre les membres de leurs familles. Des DDH ont été qualifiés de terroristes pour avoir simplement effectué leur travail régulier et légitime en faveur des droits humains. Ils sont visés par la loi régressive sur la prévention des activités illégales (UAPA), se voient régulièrement refuser la liberté sous caution et sont également menacés de détention préventive en vertu de la loi sur la sécurité publique du Jammu-et-Cachemire (PSA).

L’incarcération du défenseur des droits humains Khurram Parvez, coordinateur de la Jammu and Kashmir Coalition of Civil Society (JKCCS), depuis novembre 2021, et du défenseur des droits humains et journaliste Irfan Mehraj depuis mars 2023, a servi d’avertissement brutal à la communauté des droits humains du CAI, en particulier à ceux qui sont liés au défenseur des droits humains. Khurram Parvez fait l’objet de deux plaintes déposées en 2021 et 2023 au titre de l’UAPA et Irfan Mehraj a été arrêté dans le cadre de la plainte déposée en 2023 en raison de ses liens avec Khurram Parvez et la JKCCS. Fait inquiétant, l’Agence nationale d’investigation (NIA) a déclaré au tribunal en 2023 qu’elle envisageait de procéder à d’autres arrestations dans cette affaire.

La détention préventive prévue par la PSA, qui autorise la détention sur la base de simples soupçons pour une période de deux ans, est utilisée pour cibler les défenseur⸱ses des droits humains, en particulier les journalistes. La PSA a été invoquée dans plusieurs affaires, notamment celles des journalistes Sajad Gul et Fahad Shah et du défenseur des droits humains Mohammad Ahsan Untoo, pour empêcher leur libération lorsqu’une libération sous caution leur a été accordée dans d’autres affaires, y compris en vertu de l’UAPA. La ré-arrestation et le dépôt de plaintes multiples sont également une stratégie courante utilisée pour prolonger l’incarcération et infliger un maximum de souffrances. Le journaliste Aasif Sultan, emprisonné depuis août 2018, a été libéré en février 2024. Un jour après sa libération, le journaliste a été de nouveau arrêté dans le cadre d’une nouvelle affaire relevant de l’UAPA. Il a depuis été libéré sous caution en mai 2024 sous conditions strictes.

La répression des médias indépendants vise à faire taire les voix critiques qui dénoncent les violations des droits humains, la discrimination et la violence perpétrées dans la région. La répression de la liberté de la presse comprend des raids successifs de la police et de la NIA au domicile des journalistes, la saisie de documents, des listes informelles de contrôle des sorties, le blocage des sites web des médias, l’imposition d’obstacles financiers et bureaucratiques stricts, et la publication d’une nouvelle politique relative aux médias qui a permis aux autorités de censurer plus facilement l’information dans le CAI. Le raid sur le Kashmir Press Club en janvier 2022 et la suspension de son enregistrement sont emblématiques de la répression subie par les médias dans le CAI. Une circulaire de 2021 permet de refuser l’habilitation de sécurité aux personnes engagées dans des activités antinationales, ce qui peut avoir des conséquences pour les défenseur⸱ses et les journalistes du CAI, notamment en ce qui concerne l’obtention de documents de voyage.

Front Line Defenders constate une augmentation de la répression au cours des cinq dernières années, ce qui constitue une escalade de la répression et de la persécution qui sévissent depuis des décennies dans le CAI. Les personnes qui prennent position pour les droits humains et contre les violations, y compris les défenseur⸱ses des droits humains à l’extérieur de la région, font l’objet de représailles juridiques. Malgré les nombreux appels afin que les autorités indiennes rendent des comptes pour les violations systématiques commises dans le CAI, elles continuent à persécuter les défenseur⸱ses des droits humains et les journalistes dans le but de masquer les violations des droits humains. Plus de cinq ans après l’abrogation du statut spécial du Jammu-et-Cachemire, les autorités ont instauré une atmosphère de peur et d’incertitude.

À l’occasion du cinquième anniversaire de l’abrogation du statut d’autonomie du Cachemire, Front Line Defenders réitère sa demande aux autorités indiennes de libérer immédiatement et sans condition les défenseur⸱ses des droits humains emprisonnés, notamment Khurram Parvez et Irfan Mehraj, d’annuler les charges fabriquées de toutes pièces contre eux, et de s’assurer que les DDH, y compris les journalistes, soient libres de mener leur travail pacifique sans entrave dans le Cachemire sous administration indienne.