Enlèvement et agression sexuelle d'une femme proche de Marylen Serna Salinas
Le 7 avril 2017, une femme proche de la défenseuse des droits humains Marylen Serna Salinas a été enlevée, interrogée, frappée, torturée et agressée sexuellement par trois inconnus à Popáyan.
Marylen Serna Salinas est leader de l'organisation paysanne Movimiento Campesino de Cajibio - MCC; elle occupe également un rôle de leader au sein des organisations Coordinador Nacional Agrario – CNA et la Cumbre Agraria, Campesina, Étnica y Popular (Sommet agraire, paysan, ethnique et populaire). La défenseuse est porte-parole nationale du Congreso de los Pueblos. Le MCC est un mouvement de défense des droits des populations autochtones et du droit à la terre dans la région du Macizo Colombiano dans le nord de la Colombie. La CNA est une organisation qui coordonne les mouvements paysans et autochtones en Colombie, afin de faciliter leur lutte pour le droit à la terre et les autres droits.La Cumbre rassemble différents mouvements autochtones, afro-descendants, paysans et populaires dans le but de proposer un nouveau modèle pour renforcer leurs droits et leur travail. Le Congreso de los Pueblos est un mouvement social qui rassemble différents secteurs et acteurs sociaux. Depuis son lancement en 2010, il a joué un rôle important pour la mobilisation sociale en Colombie, notamment les grève agricoles de 2013, 2014 et 2016.
Le 7 avril 2017, une femme proche de la défenseuse des droits humains Marylen Serna Salinas a été enlevée, interrogée, frappée, torturée et agressée sexuellement par trois inconnus à Popáyan.
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Dans la matinée du 7 avril 2017, trois hommes armés ont abordé une femme paysanne proche de Marylen Serna Salinas, l'ont forcée à monter dans un véhicule et lui ont couvert la tête avec un sac noir. Les hommes ont frappé la femme au visage et au bras et lui ont injecté une substance inconnue dans le bras droit. Elle a été interrogée sur l'endroit où se trouvait Marylen Serna Salinas et ils lui ont demandé de clarifier la nature de ses liens avec la défenseuse. Après l'interrogatoire, les criminels ont conduit le véhicule dans un lieu tranquille de la ville, où ils ont attaché la femme et ont abusé d'elle sexuellement. Les criminels sont ensuite partis sans détacher et libérer la femme et ils ont appelé Marylen Serna Salinas pour qu'elle confirme ses liens avec la victime, déclarant qu'il s'agissait d'un acte perpétré à cause de leur relation et du travail de la défenseuse. Le parquet national avait déjà été informé de ce crime.
Cet acte de violence sexuelle est le dernier incident d'une série d'attaques, assassinats, menaces et actes d'intimidation perpétrés contre des mouvements autochtones, paysans et pour le droit à la terre en Colombie. Le mois dernier, Front Line Defenders a signalé plusieurs exactions contre des défenseur-ses des droits humains dans le pays. Entre le 21 et le 22 mars 2017, à l'occasion d'une opération coordonnée, la police et l'armée ont perquisitionné les maisons de plusieurs leaders sociaux et défenseur-ses des droits humains du département de Bolivar, dans le sud du pays, dont des membres du Congreso de los Pueblos, et les ont arrêtés. L'État colombien a déjà accusé des leaders sociaux d'être liés à des groupes de la guérilla sans preuve concrète.
Front Line Defenders est préoccupée par la situation des droits humains en Colombie. Le 2 mars 2017, l'assassinat de Ruth Alicia Lopez Guisao a fait monter le nombre de leaders communautaires assassinés dans le pays à 25 depuis le début de l'année 2017. La défenseuse travaillait avec les populations autochtones et était membre du Congreso de los Pueblos. Dans son rapport annuel 2017, qui couvre la période entre janvier et décembre 2016, Front Line Defenders a signalé 281 assassinats de défenseur-ses des droits humains à travers le monde. 86 de ces assassinats ont été perpétrés en Colombie, faisant d'elle le pays où l'on compte le plus grand nombre d'assassinats de DDH.
Selon un rapport du bureau de l'Ombudsman colombien, 156 leaders sociaux et défenseur-ses des droits humains ont été tués au cours des 14 derniers mois. En outre, 5 disparitions, 33 attaques et plus de 500 menaces ont été répertoriées. Selon l'Ombudsman, Carlos Alfonso Negret Mosquera: "l'une des principales causes de ce phénomène est la tentative des groupes armés illégaux d'occuper les territoires anciennement contrôlés par les FARC".
Le 2 avril 2017, dans l'après-midi, le défenseur des droits humains José Vicente Murillo Tobo, également membre du Congreso de los Pueblos, a participé à une table ronde basée sur l'échange culturel pour le dialogue et la consultation entre les organisations de défense des droits des populations autochtones et du droit à la terre avec le gouvernement colombien. Après la réunion, le défenseur a reçu un sms et un appel téléphonique de menaces à cause de son travail. La personne a dit s'appeler Camilo, leader d'Águilas Negras, une organisation paramilitaire colombienne.
Le gouvernement de Colombie a signé un accord de paix avec les rebelles des Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia (Forces armées révolutionnaires de Colombie, FARC) en novembre 2016, mais cela n'a pas rendu le pays plus sûr pour les défenseurs indigènes et des droits humains. Bien que tout prouve le contraire, le gouvernement continue d'affirmer que ces assassinats ne sont ni systématiques, ni liés à des activités paramilitaires, et refuse de reconnaitre la cause de ces morts au lieu d'agir pour que cela n'arrive pas.
Front Line Defenders est préoccupée par ce dernier acte de violence perpétré contre une femme proche de la défenseuse Marylen Serna Salina, étant donné qu'il a un lien direct avec son travail en faveur des droits humains et son rôle de leader dans sa communauté et les organisations. Front Line Defenders fait part de ses préoccupations quant aux violences contre les leaders sociaux en Colombie, en particulier les défenseur-ses des droits humains qui travaillent dans des zones historiquement affectées par la présence de groupes armés illégaux.
Front Line Defenders exhorte les autorités colombiennes à :
1. Ouvrir immédiatement une enquête approfondie et impartiale sur les crimes perpétrés contre une proche de la défenseuse Marylen Serna Salina, dans le but de publier les conclusions et de traduire les responsables en justice conformément aux normes internationales;
2. Prendre toutes les mesures nécessaires afin de garantir l'intégrité physique et psychologique de la femme proche de Marylen Serna Salina, ainsi que la la défenseuse elle même et de tous les membres du Congreso de los pueblos, et des autres organisation populaires en Colombie;
3. Enquêter sur la tendance aux assassinats et au harcèlement contre les défenseur-ses des droits humains, identifier les causes et les auteurs et engager des actions déterminées pour empêcher que cela se produit.