Plusieurs attaques contre des défenseur-ses des droits humains et des journalistes dans le contexte de la crise politique au Nicaragua
Front Line Defenders condamne la vague d'attaques contre les défenseur-ses des droits humains et les journalistes qui documentent les graves violations des droits humains perpétrées dans le contexte des manifestations qui se déroulent actuellement au Nicaragua.
Depuis le 18 avril 2018, des manifestants opposés aux réformes de la sécurité sociale et à l'administration du président Daniel Ortega font face à une violente répression, tout comme les défenseur-ses des droits humains et les journalistes qui dénoncent de nombreuses exactions. Des meurtres, disparitions, détentions arbitraires, agressions physiques par l'usage de pierres, matraques, balles de caoutchouc et gaz lacrymogène, ainsi que des menaces et actes d'intimidation sont perpétrés lors de ces manifestations. Selon des organisations locales, ces attaques sont perpétrées par les forces de sécurité de l'État et par des groupes civils liés à la Juventud Sandinista (Jeunesse sandiniste) qui agissent en toute impunité. Elles sont perpétrées avec la complicité et le consentement de la police et ont provoqué une flambée de la violence, faisant déjà au moins 300 morts des des milliers de blessés. Des centaines de personnes ont été arrêtées.
Plusieurs membres du Centro Nicaraguense de Derechos Humanos - CENIDH sont victimes d'une campagne de diffamation et d'intimidation depuis trois mois. Dr. Vilma Núñez de Escorcia, présidente du CENIDH, fait l'objet d'une campagne de diffamation continue contre elle et son travail au Nicaragua. Des photos de la défenseuse ont été publiées sur les réseaux sociaux et dans les médias grand public pro-gouvernement, sur lesquels elle apparait couverte de sang et qui la décrivent comme l'une des instigatrices de la violence. Adelayda Sánchez et Braulio Abarca, défenseur-ses des droits humains et membres du CENIDH, reçoivent continuellement des menaces et sont accusés d'être à l'origine des violentes manifestations dans le pays. Des inconnus ont aussi jeté des pierres contre la maison de la coordinatrice régionale du CENIDH à Matagalpa, causant d'importants dégâts. La défenseuse était avec son mari et ses deux enfants dans la maison lors de l'attaque.
Le 30 mai 2018, 13 membres de la Comisión permanente de Derechos Humanos - CPDH ont été arbitrairement arrêtés à Rivas. Le groupe était dans la ville pour une mission d'enquête sur les disparitions dans la région. Les défenseur-ses ont été libérés après six jours, cependant, ils ont été accusés de possession d'armes illégales, tentative d'homicide, mise en danger et meurtre, à cause de leur participation à la manifestation violente de Boaco.
Selon le CENIDH, depuis le début des manifestations, les journalistes qui couvrent les violences sont aussi la cible d'attaques et de campagnes de diffamation dans tout le pays. Le 10 juin, Sydney Josué Garay, un journaliste du quotidien national La Prensa qui a parlé de l'usage excessif de la force par les autorités pendant les manifestations au Nicaragua ainsi que des morts qu'elles ont causées, a été agressé chez lui par deux hommes. Les coupables l'ont frappé et ont demandé son téléphone professionnel et son passeport. Ils ont également menacé de le tuer à la machette. Le journaliste avait reçu des menaces de la Juventud Sandinista quelques semaines auparavant, demandant qu'il cesse d'écrire des articles critiques à l'encontre du gouvernement.
Le 12 juin 2018, Arnaldo Arita et Jorge Cabrera, des journalistes de terrain qui travaillent pour Reuters au Nicaragua, ont été agressés et volés alors qu'il couvraient une manifestation réprimée par la police à El Eden, Managua. Selon le CENIDH, les coupables étaient des hommes cagoulés gardés par la police nationale qui ont violemment pris les téléphones, appareils photo, chargeurs, ordinateurs, argent et papiers des journalistes. Il y en aurait pour au moins 6000 dollars de matériel volé.
Le 14 juin 2018, des journalistes de canal 10 et de Radio Corporación ont été agressés par des policiers à Nindiri, alors qu'ils couvraient l'usage de la force contre les manifestants dans cette ville. Les policiers ont confisqué et détruit la caméra des reporters de Canal 10. Le journaliste Yilber Idiáquez de Radio Corporación à Masaya, a aussi indiqué que la police avait tiré sur une équipe de journalistes lors d'une manifestation, bien que ces derniers se soient identifiés en tant que membre de la presse en montrant leur carte et leur matériel.
La criminalisation et les campagnes de diffamation contre les défenseur-ses des droits humains limitent leur capacité à défendre les droits humains, qui sont gravement bafoués dans le contexte de la crise qui touche le Nicaragua. En outre, les attaques contre les journalistes et les membres de la presse ne font pas que violer leur droit à la liberté d'expression, elles violent aussi le droit d'accéder à l'information et sont un risque pour les reportages indépendants sur ces évènements.
Front Line Defenders exhorte le gouvernement du Nicaragua à mettre fin à la répression et aux violences perpétrées par les forces armées, la police et les groupes civils liés au gouvernement contre les défenseur-ses des droits humains et les journalistes, et à traduire les coupables en justice.