Fédération de Russie - La définition amendée d'une "activité politique" adoptée en première lecture
Le 20 avril 2016, la Douma de Fédération de Russie (la chambre basse du parlement) a adopté un projet de loi projet de loi en première lecture, qui modifie la "loi sur les organisations non commerciales", en clarifiant le concept d'"activité politique", introduit par la loi de 2012 sur les agents étrangers.
La loi fédérale №121-FZ, communément appelée "loi agents étrangers", adoptée en juillet 2012, oblige toutes les organisations non commerciales qui reçoivent des fonds de l'étranger et qui sont engagées dans des activités politiques, à s'enregistrer en tant qu'"agents étrangers". Les organisations sont ensuite soumises à des audits minutieux. Les agences gouvernementales de supervision sont autorisées à intervenir dans les affaires internes des organisations et à suspendre leur travail pour une période allant jusqu'à six mois si une infraction à cette loi est constatée. L'adoption de cette loi a entrainé la fermeture d'un grand nombre d'organisations en Russie, soit à cause de leur volonté de ne pas être taxées d'agents étrangers, soit à cause des nouvelles mesures prévues par la loi.
Le 19 février 2016, le ministère de la Justice a présenté un projet de loi à la douma, "sur l'introduction de changements à l'article 2, paragraphe 6, de la loi fédérale sur les organisations non commerciales, pour apporter des clarifications sur la notion d'activité politique". Le ministère a clarifié le concept d'"activité politique" qui demeurait vague en terme de ce qui peut être défini comme une activité politique. Une "activité politique" est actuellement définie comme l'organisation et la tenue d'actions politiques et le fait d'influencer l'opinion publique "dans le but d'influencer l'adoption par le gouvernement de décisions cherchant à changer les politiques qu'il mène". La définition adoptée en première lecture détaille plus précisément les formes que peuvent prendre les activités politiques et les sphères d'action reconnues comme politiques.
Une "activité politique" peut prendre la forme d'un évènement tel qu'un rassemblement ou une réunion; la participation aux élections, scrutins et référendums, notamment la surveillance de ces évènements est également considérée comme une "activité politique". Par ailleurs, le ministère de la Justice considère que la distribution d'informations contenant une évaluation des autorités de tout niveau et de leurs politiques est une activité politique, en particulier si une telle évaluation est faite dans le but de changer des lois existantes. Cela inclus les déclarations publiques et les lettres ouvertes à plusieurs dignitaires.
Ces amendements indiquent que les activités des ONG sont considérées comme politiques si elles touchent au domaine de "l'état de droit, l'ordre public, la sécurité de l'État et publique, la défense nationale, la politique étrangère, le développement socio-économique et le développement national de la Fédération de Russie, le fonctionnement du système politique, des autorités et des gouvernements locaux, les règles législatives des droits humains et des libertés", et si l'activité est menée "dans le but d'influencer le développement et l'application de politiques publiques sur la formation d'organes gouvernementaux, de gouvernement autonomes locaux, leurs décisions et actions".
Certains parlementaires sont d'avis que l'adoption d'une nouvelle définition éliminera l'ambigüité juridique et minimisera l'abus d'autorité des agences chargées de faire appliquer la loi, car elle permettra de mieux distinguer les soi-disant organisations non-gouvernementales et celles qui sont impliquées dans des activités politiques. Les défenseur-ses des droits humains en Russie admettent qu'il est nécessaire de clarifier de toute urgence la notion d'"activité politique" afin de réduire sa portée et d'éviter que des ONG dont le travail n'a pas de lien avec la politique soient taxées d'agents étrangers. Cependant, les amendements ne vont pas vers cet objectif, car ils donnent une définition encore très large de l'activité politique. En fait, la plupart des activités des organisations de défense des droits humains, qui visent à influencer les décisions et les actions du gouvernement dans le domaine de la législation relative aux droits humains et aux libertés, seront considérées comme politiques. Par conséquent, chaque organisation de défense des droits humains qui opère en Russie et qui reçoit des fonds étrangers tombera très certainement dans la catégorie des "agents étrangers".
Front Line Defenders est préoccupée par l'adoption en première lecture du projet de loi sur la clarification du concept d'"activité politique". S'il est adopté par le parlement russe, ce projet loi pourrait avoir un impact extrêmement négatif sur le travail des défenseur-ses des droits humains en Russie. Front Line Defenders réitère ses inquiétudes à propos de la loi fédérale N°121-F3, "qui introduit des changements dans certaines parties de la législation de Fédération de Russie concernant la régulation des activités des organisations non commerciales qui remplissent les fonctions d'agents étrangers";
Front Line Defenders exhorte les autorités russes à:
1. Retirer le projet de loi "sur l'introduction de changements à l'article 2, paragraphe 6, de la loi fédérale sur les organisations non commerciales, pour apporter des clarifications sur la notion d'activité politique".
2. Abroger la loi fédérale N°121-FZ, "qui introduit des changements dans certaines parties de la législation de Fédération de Russie concernant la régulation des activités des organisations non commerciales qui remplissent les fonctions d'agents étrangers";
3. Garantir qu’en toutes circonstances, tous-tes les défenseur-ses des droits humains en Russie puissent mener à bien leurs actions légitimes en faveur des droits humains, sans craindre ni restrictions ni représailles.