Représailles contre des manifestants pacifiques qui protestaient contre empiétement sur des pâturages à Madhavanai et Mayilathamadu, Batticaloa
Front Line Defenders condamne fermement la persécution et les représailles perpétrées par les autorités sri-lankaises contre des manifestants pacifiques à Madhavanai et Mayilathamadu, Batticaloa, qui manifestent contre empiétement de leurs pâturages. Les autorités répondent à leur expression de désaccord, à leurs manifestations et à l’exercice de leur droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique par des agressions et des intimidations.
La police sri-lankaise a fait usage d’une force excessive contre un rassemblement de manifestants pacifiques qui s’étaient réunis pour exprimer leur solidarité avec les éleveurs tamouls minoritaires et leurs familles de Madhavanai et Mayilathamadu à Batticaloa. Ces agriculteurs ont manifesté sans relâche pendant 24 jours pour exprimer leur inquiétude face à l’incapacité du gouvernement à résoudre le problème de empiétement des terres par des colons cinghalais illégaux majoritaires originaires de districts comme Ampara et Polonnaruwa, qui partagent une frontière avec Batticaloa. Au cours de cette manifestation, la police a procédé à des passages à tabac aveugles, ciblant spécifiquement les manifestants pacifiques, y compris les défenseur⸱ses des droits humains et les familles de disparus.
Depuis 2013, les pâturages de Madhavanai et Mayilathamadu sont occupés, avec le soutien de l’État, par des colons majoritairement cinghalais originaires de districts comme Ampara et Polonnaruwa. Cette occupation contraint les éleveurs tamouls à vendre leur bétail, ce qui entraîne une augmentation de la mortalité du bétail et la nécessité de trouver d’autres possibilités d’emploi. Les agriculteurs ont entamé une action en justice afin d’expulser certains des occupants illégaux de ces pâturages. Cependant, à ce jour, plus de 500 familles majoritairement cinghalaises continuent de perturber les activités quotidiennes de ces éleveurs tamouls par divers moyens. En janvier 2021, des éleveurs tamouls à la recherche de leur bétail disparu ont été enlevés et brutalement agressés par des Cinghalais armés. En outre, ces éleveurs tamouls sont injustement accusés d’allégations infondées par les autorités gouvernementales, qui ont également engagé des poursuites judiciaires à leur encontre. Plusieurs cas d’abattage de bétail ont été signalés dans ces régions, ce qui crée un environnement hostile pour les éleveurs et les empêche de subvenir à leurs besoins. Malgré les nombreuses difficultés rencontrées, les agriculteurs ont organisé une manifestation pacifique pour exprimer leurs préoccupations et obtenir le contrôle de ces pâturages. Ils ont adopté une stratégie de manifestation par rotation de 24 heures ; ils ont commencé leur protestation le 15 septembre 2023, et la poursuivent encore aujourd’hui. Au 22e jour de leur protestation, les agriculteurs ont organisé une manifestation symbolique en mendiant devant le temple Siththaandy Pillayar à Batticaloa, soulignant les circonstances désastreuses qu’ils sont contraints de subir.
Le 8 octobre 2023, des centaines de manifestants et de défenseur⸱ses des droits humains ont entamé une marche pacifique en direction du Chenkalady Central College à Batticaloa, dans l’intention de rencontrer le président sri-lankais. Le président était venu à Batticaloa pour assister à un événement scolaire. L’objectif de la manifestation était de dénoncer les représailles dont sont victimes les agriculteurs tamouls en raison de la présence de colons cinghalais illégaux et de rechercher des solutions concrètes. Toutefois, dans le but d’entraver la manifestation, la police sri-lankaise est intervenue et a érigé des barricades pour empêcher la poursuite de la marche.
En outre, la police a eu recours à des agressions physiques contre des manifestants pacifiques, dont des femmes, des défenseur⸱ses des droits humains et des familles de disparus. Un policier a également utilisé un mégaphone pour annoncer que la manifestation était enregistrée et a averti que des poursuites judiciaires seraient engagées si les manifestants ne se dispersaient pas rapidement. Un policier a agressé et poussé de force le chef des familles de disparus du district de Batticaloa. La manifestation a également été enregistrée par les services de renseignement, et l’escouade anti-émeute de la police, armée de canons à eau, de boucliers et de matraques, était également présente sur le site de la manifestation. En outre, un bus transportant près de 50 manifestants, dont des membres des familles de disparus forcés d’Ampara venus se joindre à la manifestation, a été arrêté par la police au pont de Kallady à Batticaloa vers 8 h 30 et n’a pas été autorisé à poursuivre sa route jusqu’à la fin de la manifestation.
Ce n’est pas la première fois que des militants, y compris des défenseur⸱ses des droits humains, sont persécutés alors qu’ils enquêtent sur cette question. En août 2023, une délégation composée de personnalités interconfessionnelles, de défenseur⸱ses des droits humains et de journalistes s’est rendu sur place pour exprimer sa solidarité et recueillir les doléances des agriculteurs dont les terres ont été occupées. Ils parlaient avec l’un de ces agriculteurs dont les terres avaient été confisquées pour la construction d’un temple bouddhiste. Cependant, la situation des activistes a mal tourné lorsqu’ils ont été confrontés à un moine bouddhiste et à ses associés qui les ont pris en otage pendant plus de 5 heures. Pendant ce temps, les moines ont agressé physiquement un prêtre hindou, menacé de brûler tous les militants en mettant le feu à leurs véhicules, confisqué le matériel des journalistes et effacé délibérément leurs fichiers.
Front Line Defenders est extrêmement préoccupée par les représailles continues contre les manifestants pacifiques, y compris les défenseur⸱ses des droits humains en particulier dans le nord et l’est du Sri Lanka. Des rapports quotidiens font état d’un harcèlement contre les défenseur⸱ses des droits humains, les manifestants pacifiques, les activistes de la société civile et les journalistes dans le pays, en représailles contre leur travail. Les défenseur⸱ses des droits humains des minorités tamoules et musulmanes, notamment ceux qui travaillent dans des régions fortement militarisées et touchées par des conflits, sont particulièrement vulnérables aux représailles. Nous appelons à la fin de la répression, du harcèlement et de l’intimidation contre les manifestants pacifiques, y compris les défenseur⸱ses des droits humains et les familles de disparus, qui plaident pour la justice et expriment pacifiquement leurs demandes à Batticaloa.