Des membres de la Resistencia Pacífica de la Microregión de Ixquisis attaqués, enlevés et torturés
Depuis la signature de l'Acuerdo para la Paz y el Desarrollo (l'accord pour la paix et le développement) signé en novembre 2018 par l'entreprise Energía y Renovación et les autorités nationales, les membres de la Resistencia Pacífica de la Microregión de Ixquisis subissent une nouvelle vague d'attaques, de harcèlement et d'intimidation. La Resistencia Pacífica de la Microregión de Ixquisis est lauréat régional du Prix Front Line Defenders pour les défenseur-ses des droits humains en danger, et a été formée en réponse aux graves violations des droits humains perpétrées au nom du développement économique au Guatemala.
Le 9 décembre 2018, le défenseur des droits humains et président du conseil de développement secondaire de la microrégion d'Ixquisis, Lucas Jorge, a été agressé. Le 16 décembre, les défenseur-ses des droits humains et membres de la Resistencia Nery Esteban Pedro et Domingo Esteban Pedro ont été tués dans ce que les défenseur-ses locaux considèrent comme un acte de représailles contre leur opposition au projet hydroélectrique.
Dans le cadre de l'application de l'accord, un contingent militaire de près de 200 soldats de l'armée a été déployé à San Mateo Ixtatán, où vivent plusieurs communautés autochtones, dont la communauté d'Ixquisis, dans le nord du département de Huehuetenango. Le contingent est arrivé le 4 février 2019, soi-disant pour sécuriser la future création d'institutions juridiques étatiques. Le 15 février, le contingent s'est retiré en raison de la pression des groupes locaux, dont la Resistencia Pacífica, dont les membres se sont sentis intimidés par la présence des forces lourdement armées, dans un contexte de constante répression des mouvements sociaux qui défendent l'environnement.
Le Mecanismo Independiente de Consulta e Investigación, MICI (mécanisme indépendant de consultation et d'enquête) de la Banque interaméricaine de développement s'est rendu à San Mateo Ixtatán le 23 janvier 2019. La visite était en réponse à une plainte déposée en août 2018 par la Resistencia Pacífica de la Microregión de Ixquisis contre le projet hydroélectrique. La délégation du MICI a rencontré des représentants des communautés et a rassemblé leurs témoignages à propos de l'impact environnemental et social du projet, et une attention particulière sur l'absence de consultation préalable et sur les violences qui découlent de la mise en place de ce projet hydroélectrique. Le 31 janvier, le MICI a publié une résolution dans laquelle il déclare avoir donné suite à la plainte.
Après la visite du MICI, le 22 février, le délégué de la communauté autochtone Chuj devant le gouvernement ancestral plurinational "“Payxail Yajaw Konob’” (Gobierno Ancestral Plurinacional “Payxail Yajaw Konob’”), allié public de la Resistencia Pacífica de la microregión de Ixquisis, Julio Gómez Lucas et six membres de sa famille ont été enlevés et torturés par des habitants de la communauté indigène voisine de Tz'ununkab. Julio Gómez Lucas était injustement accusé de trafic illégal de bois ; les autorités Tz'ununkab l'ont frappé et conduit dans un centre communautaire, où il a été torturé et maltraité pendant huit heures. Les habitants ont été appelés à se rassembler dans le centre et à être témoins de cette punition publique.
Une fois dans le centre communautaire, les accusations portées contre Julio Gómez Lucas ont changé et ont fini par être liées au rôle de la Resistencia Pacífica dans l'arrêt de la construction du barrage d'Energía y Renovación dans la municipalité ; le retrait des forces armées ; le non-respect de l'accord ; et l'absence de mise en place des infrastructures du projet par la municipalité de San Mateo Ixtatán.
Lorsque la femme du défenseur, María Felipe Gómez y Gómez, a été appelée pour voir son mari, elle et les cinq membres de sa famille qui l'accompagnaient ont également été enlevés et torturés pendant près de cinq heures. Les membres de la communauté de Tz'ununkab qui les retenaient leur ont demandé la somme de 150 000 quetzals (environ 17200 euros) en échange de la libération de Julio Gómez Lucas, affirmant que sinon il serait brûlé vif. Une cousine de María Felipe Gómez y Gómez a été victime de violences sexuelles pour avoir soi-disant tenté de filmer la scène, et ce bien qu'aucun matériel vidéo n'ait été retrouvé sur elle lorsqu'elle a été fouillée. Après avoir réalisé que la famille ne pourrait pas payer plus que les 60 000Q (environ 6900€) qu'ils avaient déjà versés, le groupe les a libérés et a menacé d'enlever de nouveau le défenseur et sa famille s'ils révélaient ce qui venait de leur arriver.
L'enlèvement de Julio Gómez Lucas et de plusieurs membres de sa famille, ainsi que les précédentes attaques et les assassinats de membres de la Resistencia Pacífica de la Microregión de Ixquisis qui défendaient les droits de leur communauté, soulignent la violence qui règne à San Mateo Ixtatán et que Front Line Defenders documente depuis juillet 2018. Le niveau de violence dans la région a considérablement augmenté et Front Line Defenders réitère son appel aux autorités locales et nationales afin qu'elles protègent convenablement les défenseur-ses des droits humains de la Resistencia Pacífica de la Microregión de Ixquisis et qu'elles garantissent leur intégrité physique et psychologique.
Front Line Defenders condamne fermement l'assassinat des membres de la Resistencia Pacífica de la microregión de Ixquisis. Front Line Defenders fait part de ses inquiétudes concernant l'absence de réponse appropriée face à l'enlèvement et aux actes de torture contre Julio Gómez Lucas et les membres de sa famille, et exhorte les autorités guatémaltèques à ouvrir immédiatement une enquête minutieuse et transparente sur ces incidents violents.
Front Line Defenders constate également avec inquiétude que la mise en place du méga-projet hydroélectrique contribue significativement à accentuer la tension entre les groupes et que les politiques adoptées par l'entreprise hydroélectrique et les autorités locales ont fomenté l'animosité et la polarisation au sein des différents groupes de la région. Front Line Defenders est convaincue que ces problèmes sont exacerbés par le fait que le droit des communautés autochtones à donner un consentement préalable libre et informé n'a pas été respecté dans le cadre des projets qui les affectent, alors qu'il est inscrit dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.