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27 Février 2018

Des ONG publient une déclaration sur le DDH Ahmed Mansour, détenu au secret aux EAU

Le 27 février, le Prix Martin Ennals pour les défenseurs des droits humains a publié une déclaration conjointe avec Front Line Defenders et d'autres ONG sur la situation du DDH Ahmed Mansoor, arrêté en mars 2017 aux Émirats Arabes Unis.

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Des avocats tentent de contacter le défenseur des droits humains Ahmed Mansoor, qui est détenu au secret aux Émirats Arabes Unis

Genève - Le 26 février 2018, des avocats irlandais ont contacté le ministère de l'Intérieur des Émirats Arabes Unis (EAU) pour tenter d'entrer en contact avec l'éminent défenseur des droits humains Ahmed Mansoor, détenu depuis le 20 mars 2017 à cause de ses activités en faveur des droits humains. Ahmed Mansoor, qui a reçu le Prix Martin Ennals pour les défenseur-ses des droits humains en 2015, est membre du Conseil consultatif du Gulf Centre for Human Rights (GCHR).

Compte tenu de l'usage répandu de la torture par les autorités des EAU et de la mise à l'isolement, ainsi que l'absence de toute information indépendante concernant Ahmed Mansoor, nous sommes vivement préoccupés pour sa sécurité. De nombreuses organisations ont fait part de leurs inquiétudes qu'il puisse être torturé et victime de mauvais traitements pendant sa détention.

Plusieurs heures après son arrestation, le site d'information officiel géré par l'État, l'Emirates News Agency, avait annoncé qu'Ahmed Mansoor avait été arrêté sur ordre du procureur public en charge des cybercrimes, à cause de ses messages postés sur les réseaux sociaux. Onze mois plus tard, nous ignorons quelles charges, le cas échéant, sont portées contre lui, si des poursuites ont été lancées et s'il a un avocat. En outre, on ignore où il est détenu, et il n'y a aucune information sur la façon dont il est traité ni s'il est placé à l'isolement. À l'exception de deux visites de sa famille le 3 avril et le 17 septembre 2017, Mansoor n'aurait eu aucune autre visite.

À Abu Dhabi, les avocats ont contacté le ministère de l'Intérieur, l'autorité qui contrôle et dirige les prisons. Le ministère a renvoyé les avocats vers la police, qui n'est pas responsable des prisons. La police leur a ensuite conseillé de contacter la prison Al-Wathba, ce qu'ils ont fait, mais on leur a dit que Mansoor ne s'y trouve pas. L'incapacité des autorités compétentes à donner des informations sur Mansoor est flagrante, étant donné que Mansoor est détenu depuis près d'un an.

La mission était mandatée par le GCHR, la Fondation Martin Ennals, Front Line Defenders, l'International Service for Human Rights (ISHR) et l'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains, un partenariat entre la FIDH et l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT).

Les partenaires de la mission continuent à appeler les autorités des EAU à:

1. Libérer immédiatement et sans conditions Ahmed Mansoor, car il est un prisonnier de conscience détenu uniquement pour avoir défendu pacifiquement les droits humains sur les réseaux sociaux;
 
2. En attendant sa libération, révéler l'endroit où il se trouve et garantir qu'il est détenu dans un centre de détention officiel et protégé de tout acte de torture et autres mauvais traitements;
 
3. Garantir un accès immédiat et régulier à un avocat de son choix, à sa famille et à des soins médicaux appropriés.

Pour plus d'informations, contactez:

Erin Kilbride
erin@frontlinedefenders.org

Michael Khambatta +41 79 474 8208
khambatta@martinennalsaward.org

Contexte

Ahmed Mansoor a été arrêté par une douzaine d'agents de sécurité chez lui à Ajman, le 20 mars 2017 avant l'aube, et conduit dans un lieu inconnu. Les agents de sécurité ont minutieusement fouillé sa maison et saisi tous les téléphones et ordinateurs portables de la famille, y compris ceux de ses jeunes enfants. La famille n'a eu aucune information à propos de Ahmed Mansoor jusqu'à ce que le Ministère des Affaires étrangères poste une déclaration sur son site internet le 29 mars 2017, affirmant qu'il était détenu dans la prison centrale d'Abu Dhabi. Depuis son arrestation, sa famille n'a été autorisée à lui rendre visite que deux fois, le 3 avril et le 17 septembre 2017, et il n'a aucun accès à un avocat.

Dans leur déclaration publique, les autorités des EAU disaient qu'Ahmed Mansoor était accusé d'avoir utilisé les réseaux sociaux pour "publier de fausses informations préjudiciables pour l'unité nationale". Le jour de son arrestation, l'agence de presse officielle des EAU, WAM, a annoncé qu'il avait été arrêté sur ordre du parquet en charge des cybercrimes, et placé en détention le temps de l'enquête pour les accusations "d'utilisation des réseaux sociaux [dont Twitter et Facebook] pour publier des informations fausses et fallacieuses préjudiciables pour l'unité nationale, l'harmonie sociale et la réputation du pays" et "promotion d'un programme sectaire et qui incite à la haine". La déclaration taxe ces accusations de "cybercrimes", indiquant qu'elles sont basées sur la violation présumée de la loi de 2012 sur les cybercrimes, que les autorités utilisent pour emprisonner de nombreux militants et qui prévoit de lourdes peines de prison et de sévères pénalités financières.

Dans les semaines précédant son arrestation, Ahmed Mansoor avait utilisé Twitter pour appeler à la libération de l'activiste Osama Al-Najjar, qui est toujours emprisonné bien qu'il soit arrivé au terme de sa peine de trois ans de prison en 2017, pour ses activités pacifiques sur Twitter, ainsi que l'éminent universitaire et économiste Dr Nasser bin Ghaith, arrêté en août 2015 et condamné à 10 ans de prison en 2017. Les deux hommes ont été inculpés pour des accusations relatives à des messages pacifiques postés sur la plateforme Twitter. Ahmed Mansoor a utilisé son compte Twitter pour attirer l'attention sur les violations des droits humains perpétrées dans la région, notamment en Égypte et au Yémen. Il avait aussi signé une lettre conjointe avec d'autres militants de la région appelant les leaders du Sommet Arabe, réunis en Jordanie en mars 2017, à libérer les prisonniers politiques de leur pays.

À cause de ses efforts désintéressés et sans relâche pour défendre les droits des migrants et des ressortissants émiratis aux EAU, il est devenu une épine dans le pied des autorités des EAU et par conséquent, la cible d'années de harcèlement et de persécutions perpétrés par le gouvernement.

Depuis son arrestation, un groupe d'experts des Nations Unies a appelé les EAU à libérer Ahmed Mansoor, décrivant son arrestation comme une "attaque directe contre le travail légitime et pacifique des défenseur-ses des droits humains aux EAU". Ils ont indiqué avoir peur que cette arrestation "puisse constituer un acte de représailles contre son engagement auprès des mécanismes de l'ONU, contre les opinions qu'il a exprimées sur les réseaux sociaux, notamment sur Twitter, et contre le fait qu'il soit membre actif de plusieurs organisations de défense des droits humains". Le groupe d'experts inclut les Rapporteurs spéciaux sur les défenseur-ses des droits humains, sur la promotion et la protection de la liberté d'expression et d'opinion, ainsi que le groupe de travail sur les détentions arbitraires et le groupe de travail sur les disparitions forcées et involontaires.

Les EAU ont piraté le système Apple IOS pour tenter d'espionner Mansoor

Les autorités des EAU ne reculeront devant rien pour tenter de réduire Ahmed Mansoor au silence, comme le montre leurs tentatives pour pirater son iPhone. Dans une affaire largement relayée, les EAU avaient été dénoncés après que les soupçons d'Ahmed Mansoor ont été révélés, et après qu'il a contacté le Citizen Lab (Labo citoyen) de l'Université de Toronto au Canada, qui a publié un rapport sur l'affaire.

Précédentes affaires contre Ahmed Mansoor

Ahmed Mansoor, ainsi que le Dr Nasser bin Ghaith, et les militants en ligne Fahad Salim Dalk, Ahmed Abdul-Khaleq et Hassan Ali al-Khamis avaient été arrêtés en avril 2011 et accusés d'avoir "publiquement insulté" les dirigeants des EAU. Le 27 novembre 2011, un panel de quatre juges de la Cour Fédérale avait reconnu les cinq hommes coupables et condamné Ahmed Mansoor à trois ans de prison et les autres accusés à deux ans. Les quatre hommes avaient été libérés le lendemain, après avoir été graciés par le président Sheikh Khalifa bin Zayed Al-Nahyan.