Malgré leur libération, les défenseurs des droits des migrants Cristóbal Sánchez Sánchez et Irineo Mujica risquent toujours 24 ans de prison
Front Line Defenders condamne la persécution et la criminalisation incessentes des défenseurs des droits des migrants Cristóbal Sánchez Sánchez et Irineo Mujica, dont les charges n'ont pas été abandonnées malgré leur récente libération de détention provisoire au Chiapas.
Cristóbal Sánchez Sánchez et Irineo Mujica ont été arrêtés sans mandat et détenus en vertu de fausses accusations du 5 au 12 juin 2019. Front Line Defenders a été informée qu'un appel urgent adressé aux autorités mexicaines par Front Line Defenders en février 2019 avait été utilisé comme "preuve" à l'encontre des défenseurs des droits humains. Le 12 juin 2019, un juge du Centre fédéral de justice pénale de l'État du Chiapas a ordonné leur libération, mais les accusations n'ont pas été abandonnées et, s'ils sont reconnus coupables à l'issue d'un prochain procès, les défenseurs risquent jusqu'à 24 ans de prison.
Cristóbal Sánchez Sánchez est un défenseur des droits humains mexicain qui travaille sur les questions migratoires depuis 15 ans. Il a fondé le Colectivo de Cultura Migrante, où il aide les caravanes de migrants en transit à accéder à l'aide humanitaire tels que les refuges. Il a également collaboré avec l'université Iberoaméricaine à Mexico City et l'Université de Columbia à New York pour des projets de recherches relatifs à la migration. À cause de son travail, il a déjà été arrêté en 2011 à Tapachula alors qu'il documentait les violations des droits humains perpétrées contre les migrants.
Irineo Mujica défend les droits humains depuis plus de 15 ans ; il promeut les droits des migrants et les réformes migratoires au Mexique et aux États-Unis. Il est directeur de Pueblo Sin Fronteras au Mexique, une organisation qui œuvre au Mexique et aux États-Unis pour promouvoir et protéger les droits des migrants. Il a aussi fondé sept refuges pour migrants au Mexique, il documente les atteintes perpétrées par les autorités et le crime organisé contre les migrants et accompagne plusieurs caravanes de migrants.
La semaine dernière, Front Line Defenders a reçu des informations selon lesquelles les preuves fabriquées de toutes pièces utilisées contre Cristóbal Sánchez Sánchez, y compris les plaintes qui auraient été déposées à son encontre par des migrants, contenaient des informations tirées directement d'un appel urgent adressé aux autorités par Front Line Defenders en février 2019. Dans l'appel urgent, Front Line Defenders avait attiré l'attention sur les actions incessantes à l'encontre des défenseurs des droits humains qui fournissent une aide humanitaire aux migrants. Les fichiers utilisés dans les poursuites pénales contre Cristóbal Sánchez Sánchez comprennent sa photo et une capture d'écran de l'appel urgent prises sur le site Web de Front Line Defenders. Front Line Defenders cherche à accroître la visibilité et la protection des défenseurs des droits humains en partageant des informations avec les autorités compétentes. Elle condamne fermement l'usage de ces informations par les autorités locales et nationales pour criminaliser les défenseur-ses des droits humains.
Le 12 juin 2019, après une audience qui a duré 13 heures pour Cristóbal Sánchez Sánchez et huit heures dans le cas d'Irineo Mujica, les deux défenseurs des droits humains ont été libérés faute de preuve à charge. Le lendemain, la ministre mexicaine de l'Intérieur, Olga Sánchez Cordero, a publiquement remis en question la libération des défenseurs des droits humains et a accusé Pueblo Sin Fronteras, dont le directeur est Irineo Mujica, d'attirer des migrants au Mexique. La ministre a déclaré dans une émission télévisée populaire que "d'autres personnes membres de cette organisation ont vraiment incité ces caravanes. Donc, le fait que le juge ait déterminé qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves signifie que l’enquête n’a peut-être pas été bien menée ". Le 19 juin, le parquet général a déposé un recours contre la décision du juge Héctor Manuel Cervantes Martínez de libérer Irineo Mujica faute de preuves.
Le procureur général a désormais la possibilité de présenter de nouvelles preuves et, s’ils sont déclarés coupables lors d’un prochain procès, les défenseurs des droits humains risquent 24 ans de prison. Leur actuelle criminalisation et leur persécution font écho à une tendance plus large au Mexique et le long de la route des caravanes : un prochain rapport de Front Line Defenders (juillet 2019) documente les cas de défenseur-ses des droits des migrants au Mexique et aux États-Unis qui ont été arrêtés, agressés et qui sont en procès à cause de leur travail pacifique pour la défense des droits et de la vie des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants dans les Amériques.
Front Line Defenders exhorte les autorités mexicaines à :
1. Abandonner immédiatement toutes les charges portées contre Cristóbal Sánchez Sánchez et Irineo Mujica, car il semble que cela soit uniquement lié à leur travail légitime et pacifique en faveur des droits humains ;
2. Cesser immédiatement la persécution, l'arrestation, la détention, le harcèlement, la diffamation et l'intimidation de défenseur-ses des droits des migrants au Mexique ;
3. Prendre des mesures pour garantir que les membres du gouvernement et les autres personnalités publiques s'abstiennent de faire des déclarations qui stigmatisent le travail des défenseur-ses des migrants ;
4. Prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir l'intégrité physique et psychologique et la sécurité de Cristóbal Sánchez Sánchez et Irineo Mujica, en concertation avec eux ;
5. Garantir qu’en toutes circonstances, tous-tes les défenseur-ses des droits humains au Mexique, en particulier ceux qui œuvrent pour les droits des migrants, puissent mener à bien leurs actions légitimes en faveur des droits humains, sans craindre ni restrictions ni représailles, y compris l'acharnement judiciaire.
Contact :
Maria San Martin
Coordinatrice de la visibilité
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