Libérez immédiatement et sans condition Dominga González Martínez et cinq co-accusés
Front Line Defenders appelle à la libération immédiate et inconditionnelle de Dominga González Martínez et de cinq co-accusés emprisonnés pour avoir défendu le droit à l'eau de leur communauté.
Il y a un an, le 27 novembre 2017, la défenseuse des droits des populations autochtones Dominga González Martínez a été condamnée à 50 ans de prison : ses cinq co-accusés, tous d'éminents membres de la "Comisión para la défensa del Agua", ont été condamnés à la même peine. Ils ont été accusés d'avoir pris part au meurtre d'Alejandro Issak Basso lors d'un conflit entre la communauté de San Pedro Tlanixco et des producteurs de fleurs de Villa Guerrero, concenant l'accès à l'eau du Rio Texcaltenco. Dominga González Martínez est membre de la population autochtone Nahua ; depuis de nombreuses années elle est membre du "Comisariado Ejidal de San Pedro Tlanixco", qui lutte contre la privatisation des sources d'eau qui sont vitales pour sa communauté.
Des témoins ont vu Alejandro Issak Basso décéder après une chute. Pourtant, l'affaire intentée contre Dominga González Martínez et ses co-accusés a continué et été jugée sans preuve à charge tangible. Dominga González Martínez et ses co-accusés sont des défenseur-ses des droits humains (DDH) innocents des accusations portées contre eux et le procès est un déni de justice.
Depuis 1980, lorsque les autorités ont accordé une concession pour la rivière, qui prend source dans la ville de San Pedro Tlanixco, à la municipalité de Villa Guerrero, il y a des pénuries d'eau dans la région car l'eau est détournée par les producteurs de fleurs. La communauté se retrouve fréquemment sans eau, parfois pendant des semaines. En 2002, la CONAGUA (Commission nationale de l'eau) a concédé le droit à l'eau du Rio Texcaltenco à Villa Guerrero, mais elle a donné les droits sur quatre sources à la communauté locale. Plusieurs années plus tard, on a dit à la communauté que ces droits n'étaient plus valables et que désormais, ces sources d'eau appartenaient également à Villa Guerrero. Le conflit entre la communauté et les producteurs de fleurs de Villa Guerrero a émergé ainsi. Les producteurs de fleurs bénéficient d'un important soutien politique et la communauté locale n'a pas été convenablement consultée.
Le 1er avril 2003, un groupe d'hommes de Villa Guerrero, mené par Alejandro Issak Basso, a été vu en train de remonter une section très raide des berges de la rivière tout en insultant et employant des termes très racistes contre la communauté et en l'accusant de polluer l'eau. Des femmes ont fait sonner les cloches de l'église pour alerter la communauté et dans la confusion, Alejandro Issak Basso a glissé et a chuté dans un ravin où il est décédé. Les autorités n'ont pas mené une enquête convenable sur sur cet accident et se sont contenté d'accepter les déclarations des hommes de Villa Guerrero, qui affirment qu'Alejandro Issak Basso a été tué par les membres de la communauté.
Au lieu d'ouvrir une enquête impartiale, les autorités ont lancé une série de raids et de perquisitions, souvent la nuit, dans le but d'intimider la communauté. Au cours des semaines suivantes, trois protecteurs de l'eau ont été arrêtés : Rómulo Arias Mireles, Teófilo Pérez González et Pedro Sánchez Berriozabal. Deux hommes, Lorenzo Sánchez Berriozabal et Marco Antonio Pérez González, ont été arrêtés en 2006 et Dominga Pérez González a violemment été arrêtée chez elle le 9 juillet 2007.
Depuis le début, l'enquête est marquée par des par des incohérences. Le procès, devant le "Primer Tribunal de Alzada del Distrito de Toluca", est également basé sur des preuves de "témoins" qui n'étaient pas présents sur les lieux au moment de l'incident, et la recevabilité des preuves était à la fois contradictoire et peu plausible. Un témoin de l'accusation a admis par la suite que la soeur d'Alejandro Issak Basso avait dit aux témoins qui il fallait accuser. Un enseignant qui aurait pris part à l'attaque, selon l'accusation, se trouvait dans un autre village dans une classe, au moment de l'incident, tandis qu'un autre accusé était décédé depuis plusieurs années. Dominga González Martínez elle-même se trouvait dans l'église avec deux autres femmes, mais le juge a tout bonnement ignoré ces preuves. Durant les quatre premières années de l'enquête, aucune femme n'était impliquée dans l'incident. Puis, en 2007, l'un des témoins a déclaré qu'une femme indigène petite et brune faisait partie du groupe impliqué dans le décès d'Issak Basso. C'est la seule "preuve" qui relie Dominga González Martínez à ce crime présumé. Un appel a été interjeté le 28 mai 2018 et un verdict est attendu dans les 12 mois.
Lors de la condamnation, Dominga González Martínez avait déjà passé 10 ans en détention préventive. M. Jan Jarab, représentant du Haut commissaire aux droits de l'Homme au Mexique, a fait part de ses préoccupations concernant les graves violations des procédures requises.1 Dans une déclaration faite lors de l'appel, M. Jarab a déclaré qu'il était temps que l'État du Mexique "rectifie une injustice grave qui a jeté six personnes en prison pendant plus de dix ans".
Dans un rapport conjoint publié le 4 juillet 2018, le Groupe de travail de l'ONU sur les détentions arbitraires, le Rapporteur spécial sur la question des droits et obligations liés à un environnement sûr, propre et sein , le Rapporteur spécial sur la liberté d'expression, le Rapporteur spécial sur les déchets dangereux, le Rapporteur spécial sur la situation des défenseur-ses des droits humains, le Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats, le Rapporteur spécial sur les droits des populations autochtones, les Rapporteur spécial sur les formes actuelles de racisme, discrimination et xénophobie, et le Rapporteur spécial sur le droit à l'eau potable et à l'assainissement ont tous déclaré que : "Les procédures judiciaires relatives à l'affaire susmentionnée ne contiennent pas les éléments basiques des procédures requises, et la condamnation à 50 ans de prison pour des crimes qualifiés d'homicide et de privation illégale de liberté visent à criminaliser les défenseur-ses des droits humains impliqués dans la défense du droit à l'eau.
Front Line Defenders considère que Dominga González Martínez et les cinq co-accusés sont des défenseur-ses injustement emprisonnés à cause de leur travail pacifique pour la défense des droits de leur communauté et ils devraient être libérés immédiatement et sans condition.
Pour plus d'informations:
Jim Loughran
jim@frontlinedefenders.org
1. https://www.youtube.com/watch?v=tyupLw7nddY