Harcèlement contre les journalistes et les défenseur-ses des droits des migrants au Chiapas
Déclaration coinjointe de Front Line Defenders, Center for Justice and International Law, Ibero Ciudad de México, Iniciativa Mesoamericana de Mujeres Defensoras de Derechos Humanos, Red Nacional de Derechos Humanos en México with Observación Internacional de SweFOR México et Brigadas Internacionales de Paz-México
21 septembre 2021
Les organisations signataires expriment leur profonde préoccupation face au climat d’hostilité persistant et à l’augmentation récente de la violence contre les migrants, les journalistes et les défenseur-ses des droits des migrants dans le sud-est du Mexique. Des groupes de défense des droits humains, des journalistes et des organisations, en particulier dans l’État du Chiapas et de Tabasco, sont confrontés à une nouvelle vague de harcèlement par de membres de la Garde nationale et de l’Institut national des migrations (INM).
Depuis le 28 août 2021, la Garde nationale et l’INM mènent régulièrement des opérations conjointes pour arrêter le transit des migrants qui tentent de quitter le Chiapas en raison des retards dans la résolution de leur régularisation migratoire ou des procédures liées au statut de réfugié. Selon des rapports d’organisations telles que le Collectif pour l’observation et le suivi des droits humains dans le Sud-Est mexicain (COMDHSE), les opérations sont menées avec violence et sans protocoles adéquats qui respectent les droits et la dignité des migrants. Les défenseur-ses des droits humains qui accompagnent les migrants dans leurs revendications pour leurs droits subissent de nouvelles vagues de harcèlement de la part des autorités mexicaines.
Le 28 août 2021, une caravane de migrants a quitté Tapachula au Chiapas avec des journalistes, des défenseur-ses des droits humains et des responsables de la Commission nationale des droits humains (CNDH). En chemin, des défenseur-ses des droits humains et des membres du COMDHSE ont remarqué que des inconnus dans des véhicules aux vitres teintées suivaient et surveillaient la caravane. Vers 18 h, des membres de la Garde nationale ont bloqué le passage des défenseur-ses des droits humains, des journalistes et des responsables de la CNDH, les empêchant de mener à bien leur travail de documentation, d’observation et d’accompagnement. La réponse de la Garde nationale était disproportionnée : il y avait environ 50 véhicules de l’INM, de la Garde nationale et de l’armée, ainsi que des véhicules avec des vitres teintées transportant des hommes armés habillés en civils.
Le 2 septembre 2021, des responsables de l’INM ont bloqué le passage de voitures appartenant au COMDHSE et à des journalistes à Mapastepec, qui étaient là pour documenter une caravane de migrants. Le 5 septembre, le COMDHSE a documenté une opération conjointe disproportionnée menée par des éléments de la section antiémeute de la Garde nationale et de l’INM à Huixtla. Au cours de l’opération, qui a duré plus de huit heures, de multiples détentions violentes et arbitraires ont eu lieu ; lors de ces arrestations, des défenseur-ses des droits humains ont également été agressés par des membres de la Garde nationale qui ont utilisé des boucliers antiémeute pour les repousser.
Les attaques, le harcèlement et la surveillance contre ceux qui défendent les droits des migrants et, en particulier, contre les membres du COMDHSE ne sont pas nouveaux ; en juillet 2021, plusieurs Rapporteurs spéciaux des Nations Unies ont fait part de leurs préoccupations concernant le harcèlement contre le réseau d’organisations au premier semestre 2021. En 2019, Front Line Defenders, le Programme des affaires migratoires de l’Université ibéro-américaine de Mexico (PRAMI) et le Red Todos los Derechos para Todas y Todos (Red TDT) ont enquêté sur, et dénoncé les menaces continues auxquelles sont confrontés ceux qui défendent les droits des migrants et les conséquences que cela a sur la population de migrants.
Les organisations signataires rappellent au gouvernement mexicain son obligation de garantir l’intégrité personnelle de toutes les personnes qui transitent par le territoire mexicain. Elles rappellent également au Gouvernement son engagement à protéger les droits humains de toutes les personnes migrantes ou résidant dans le pays, y compris les étrangers, conformément aux principes de la Loi de 2011 sur les migrations.
Les organisations soussignées exhortent les autorités mexicaines à reconnaître et permettre aux défenseur-ses des droits des migrants, aux journalistes et aux organisations de la société civile de mener à bien leur travail en faveur des droits humains, en particulier le fait de documenter la situation des migrants et leur accompagnement à la frontière sud du Mexique. Ces organisations condamnent le harcèlement des défenseur-ses des droits des migrants dans cette région par des représentants des autorités nationales, et estiment qu’ils sont pris pour cible uniquement en raison de leur travail légitime et pacifique en faveur des droits humains. Elles appellent également au respect des droits humains de toutes les personnes qui transitent par le territoire mexicain, rappelant que la migration et la demande de refuge sont un droit garanti par la Constitution mexicaine et par les instruments internationaux desquels le Mexique est partie.