La Chine doit libérer Huang Xueqin et mettre fin au harcèlement des femmes défenseuses des droits humains
À l'approche de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, le 25 novembre 2019, Front Line Defenders appelle les autorités chinoises de Guangzhou à libérer immédiatement et sans condition la défenseuse des droits humains et journaliste indépendante, Huang Xueqin (黄雪琴). La police a confisqué ses documents de voyage en août et l'a ensuite arrêtée le 17 octobre 2019, l'accusant de "provoquer des querelles et des troubles", une infraction mal définie entraînant une peine maximale de cinq ans d'emprisonnement, souvent utilisée pour sanctionner le travail en faveur des droits humains.
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Huang Xueqin est défenseuse des droits humains et journaliste ; elle a travaillé pour plusieurs médias chinois. Ces dernières années, elle s’est concentrée sur la promotion des droits des femmes et elle documente et dénonce le harcèlement sexuel à l’encontre des femmes et des filles. En octobre 2017, elle a interrogé des centaines de femmes journalistes dans 15 provinces de Chine à propos de leur expérience du harcèlement sexuel sur leur lieu de travail et elle a publié un rapport sur les résultats en mars 2018. À peu près au même moment, plusieurs étudiantes de l’Université d’aéronautique et d’astronautique de Pékin ont contacté Huang Xueqin et lui ont donné des détails sur le harcèlement sexuel qu'elles ont subi de la part d’un professeur éminent. Huang Xueqin a aidé Luo Xixi, l'une des victimes, à porter publiquement plainte contre le professeur, déclenchant un débat national sur le manque de mécanismes efficaces pour lutter contre le harcèlement sexuel sur les campus.
Dans les mois qui ont suivi, plusieurs victimes de harcèlement sexuel dans les universités de Pékin, du Henan, de Sun Yat-sen, Wuhan et dans d'autres lieux de travail, ont contacté Huang Xueqin. Elle a signalé ces cas et a conseillé et aidé les victimes à réclamer justice par divers moyens. En juin 2019, la police a rendu visite à sa famille à Guangzhou et l’a interrogée après que la défenseuse a écrit un blog sur les manifestations à Hong Kong opposées au projet de loi sur l’extradition proposé par le gouvernement local.
La détention et le harcèlement de Huang Xueqin et d’autres défenseuses des droits humains sont incompatibles avec les obligations de la Chine en matière de droits humains et sapent les évolutions positives récentes dans la lutte contre l’inégalité et la discrimination entre les sexes. En novembre 2018, le ministère de l'Éducation a publié une directive interdisant les relations "abusives" entre éducateurs et étudiants, y compris le harcèlement sexuel, et a chargé les établissements d'enseignement de mener des enquêtes effectives et de punir les coupables. En décembre 2018, la Cour suprême populaire a publié une directive ajoutant deux causes de litiges civils pour la discrimination à l’emploi et pour les dommages résultant du harcèlement sexuel dans des actes délictueux mettant en cause des établissements d’enseignement. En juillet 2019, un tribunal de la ville de Chengdu s'est prononcé en faveur d'une femme qui avait poursuivi son ancien employeur pour harcèlement sexuel et avait ordonné à l'homme de s'excuser. En octobre 2019, le ministère de l'Éducation a de nouveau exhorté les universités à améliorer le traitement des allégations de harcèlement sexuel, notamment par la mise en place de comités d'enquête spéciaux.
En 2013, les États membres des Nations Unies ont adopté une résolution historique sur la protection des femmes défenseuses des droits humains ; la résolution appelle les gouvernements à "veiller à ce que la promotion et la protection des droits humains ne soient pas incriminées ou soumises à des limites contraires à leurs obligations et engagements en vertu du droit international relatif aux droits humains, et que les défenseuses ne soient pas empêchées de jouir de leurs droits universels liés à leur travail. "
Lors de son dernier examen en 2014 du respect par la Chine de la Convention des Nations Unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW), le Comité de la CEDAW a recommandé à la Chine de "prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les défenseuses des droits humains" et "d'adopter des dispositions légales qui obligent les employeurs à assumer la responsabilité en cas de harcèlement sexuel sur le lieu de travail." En mars 2019, la Chine avait également accepté de nombreuses recommandations lors de son troisième Examen périodique universel visant à garantir que les défenseur-ses des droits humains puissent mener à bien leur travail en toute sécurité et à lutter contre la discrimination basée sur le genre.
En juillet 2019, les États membres du Conseil des droits de l'Homme de l'ONU, y compris la Chine, ont adopté par consensus une résolution sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes et des filles, qui reconnait la "contribution majeure" des femmes défenseuses des droits humains à l'autonomisation et à la réalisation des droits des femmes et des filles. La résolution exhortait également les gouvernements à "développer, soutenir et protéger un environnement propice à la participation pleine, significative et égalitaire" des défenseuses des droits humains et des organisations de défense des droits des femmes à la promotion de l'égalité des sexes et des droits humains.
Cependant, de nombreuses défenseuses des droits humains en Chine continuent de faire l'objet de harcèlement tandis que d'autres sont en attente de jugement ou déjà emprisonnées, notamment la défenseuse du droit au logement Chen Jianfang, l'avocate en droits humains Li Yuhan, la défenseuse du droit à la terre Li Yanxiang, la défenseuse du droit à la santé He Fangmei et la défenseuse des droits des pétitionnaires Li Xiaoling.
L'année prochaine marquera le 25e anniversaire de la Déclaration et du Programme d'action de Pékin (BDPA), adoptés par la Chine et tous les autres gouvernements ayant participé à la quatrième Conférence mondiale sur les femmes à Pékin. En vertu de la BDPA, les gouvernements se sont engagés à combattre, prévenir et éliminer toutes les formes de discrimination basée sur le genre, y compris le harcèlement sexuel des femmes et des filles dans les établissements d’enseignement et les lieux de travail. Le travail légitime et pacifique de Huang Xueqin contribue de manière positive à la réalisation des objectifs de la BDPA et au respect des obligations légales de la Chine de respecter, protéger et appliquer les droits fondamentaux des femmes.
Alors que le monde se prépare à célébrer également la Journée internationale des femmes défenseuses des droits humains, le 29 novembre 2019, Front Line Defenders exhorte le gouvernement chinois à honorer et à soutenir le travail important et légitime des défenseuses des droits humains. Nous appelons la Chine à libérer toutes les femmes défenseuses des droits humains détenues ou emprisonnées pour leur travail pacifique dans le domaine des droits humains et à s'abstenir de toute forme de harcèlement et d'intimidation à leur encontre.