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25 Juin 2024

Brésil : Attaque contre Antonio Alves et menaces de mort contre les défenseur⸱ses des droits humains de Quilombo Onça dans le Maranhão

Front Line Defenders exprime sa profonde inquiétude concernant l’augmentation des attaques contre les défenseur⸱ses des droits humains (DDH) quilombolas au Brésil, ainsi que les assassinats de DDH, en particulier contre ceux qui défendent leurs territoires et leurs communautés dans des états tels que le Maranhão.

Le 30 mai 2024, le défenseur des droits humains quilombola Antonio Alves, 73 ans, a été attaqué et frappé avec le dos d’un fusil par deux hommes alors qu’il se rendait de sa communauté à la ville de Santa Ines, dans l’État du Maranhão. Les hommes ont tiré des coups de feu qui, heureusement, n’ont atteint ni Antonio Alves ni l’autre quilombola qui l’accompagnait. Ils ont également menacé de mort le défenseur, ainsi que trois autres leaders et DDH de Quilombo Onça, Antonio Jean, Valdivino Lopes et Reginaldo da Conceição, à qui ils ont dit qu’ils seraient tués ensuite.

Antonio Alves, Antonio Jean, Valdivino Lopes et Reginaldo da Conceição sont des leaders quilombolas de Quilombo Onça, située dans la région de Médio Mearim à Santa Ines. Ils sont membres du Mouvement Quilombola du Maranhão (MOQUIBOM) et de l’Articulation nationale des Quilombos (ANQ), ainsi qu’organisateurs du Réseau des peuples et communautés traditionnels du Maranhão. Depuis 2010, Quilombo Onça se bat pour obtenir le titre de propriété de ses terres traditionnelles, qui sont envahies et déboisées par des éleveurs pour élever du bétail.

Le 30 mai, le défenseur des droits humains quilombola Antonio Alves, 73 ans, a été attaqué et frappé avec le dos d’un fusil par deux hommes alors qu’il se rendait de sa communauté à la ville de Santa Ines, dans l’État du Maranhão. Le défenseur a été grièvement blessé, notamment aux yeux et à une oreille. Il a récemment été opéré des yeux et il a perdu ses lunettes pendant l’attaque. Les agresseurs ont tiré des coups de feu et proféré des menaces de mort à l’encontre du défenseur et de trois autres leaders et DDH de Quilombo Onça, Antonio Jean, Valdivino Lopes et Reginaldo da Conceição, à qui ils ont dit qu’ils seraient les prochains à être tués. Après l’agression, le défenseur a déposé plainte le même jour auprès de la police civile de l’État de Maranhão, dans laquelle il a également signalé les menaces de mort proférées à l’encontre des trois autres leaders de Quilombo Onça. Malgré la plainte adressée aux autorités locales, l’enquête n’a toujours pas progressé.

Le 19 avril, la communauté Quilombo Onça a vu ses champs et ses cultures détruits après qu’un agriculteur et six de ses employés ont lâché 250 bovins sur le territoire quilombola. L’attaque a détruit les récoltes qui auraient normalement permis aux familles de vivre pendant plusieurs mois. La communauté fait l’objet de menaces et d’intimidations dans le contexte conflictuel avec les propriétaires terriens locaux. Les quilombolas affirment que les agriculteurs se sont approprié une partie de leur territoire. Les trois dirigeants et DDH Antonio Jean, Valdivino Lopes et Reginaldo da Conceição ont déjà fait l’objet de menaces par le passé. Antonio et Reginaldo font officiellement partie du Programme de protection des défenseur⸱ses des droits humains, des écologistes et des journalistes (PPDDH — Programa de Proteção a Defensores de Direitos Humanos, Ambientalistas e Jornalistas') du gouvernement fédéral, en partenariat avec le gouvernement de l’État de Maranhão. L’État brésilien ne fournit aucune mesure de protection à Valdivino Lopes.

La Coordenação Nacional de Articulação das Comunidades Negras Rurais Quilomboas (Coalition nationale des communautés noires rurales Quilombolas) - CONAQ, a exprimé son inquiétude face aux violences commises contre les dirigeants de quilombola dans le Maranhão. La CONAQ souligne que le Maranhão est l’un des États où le taux d’assassinats de défenseur·ses quilombolas est le plus élevé du pays, avec 12 leaders tués au cours des quatre dernières années. Selon le Mouvement Quilombola du Maranhão (MOQUIBOM), « des attaques de ce type, ainsi que des menaces et des homicides à l’encontre de la population quilombola du Maranhão, sont constantes au cours des dernières décennies, et inquiètent les familles et les défenseur⸱ses des droits humains qui protègent les territoires ».

L’un des facteurs qui aggravent la situation dans la région est l’absence de reconnaissance officielle des territoires quilombolas par l’État. Seules six des 419 communautés quilombolas du Maranhão voient leur titre de territoire collectif quilombola reconnu. L’absence de soutien juridique et de politiques publiques concrètes en faveur des populations quilombola permet des attaques offensives perpétrées par des éleveurs de bétail et des agriculteurs pratiquant la monoculture. Ces agriculteurs s’approprient des terres dans les territoires quilombolas et s’appuient sur des groupes de sécurité privés qui, dans de nombreux cas, intimident les communautés et menacent les leaders quilombolas.

Front Line Defenders condamne les attaques subies par le défenseur des droits humains quilombola Antonio Alves, ainsi que les menaces de mort proférées à l’encontre des leaders quilombolas et des défenseurs des droits humains Antonio Jean, Valdivino Lopes et Reginaldo da Conceição. Front Line Defenders fait part de sa profonde inquiétude concernant l’augmentation des attaques contre les défenseur·ses des droits des quilombolas au Brésil, ainsi que les homicides de DDH, en particulier contre ceux qui défendent leurs territoires et leurs communautés dans des états tels que le Maranhão. L’organisation souligne que les personnes qui défendent les droits des quilombolas sont régulièrement victimes d’attaques et ne reçoivent pas de protection adéquate de la part des autorités nationales, malgré plusieurs demandes et signalements de menaces.

Front Line Defenders exhorte les autorités brésiliennes à :

  1. Adopter immédiatement des mesures de protection pour garantir l’intégrité physique et psychologique des défenseurs des droits humains Antonio Alves, Antonio Jean, Valdivino Lopes et Reginaldo da Conceição ;
  2. Garantir un traitement médical nécessaire au rétablissement de la santé du DDH Antonio Alves, victime d’une agression physique ;
  3. Ouvrir une enquête immédiate, exhaustive et impartiale sur l’agression et les menaces contre le défenseur des droits humains Antonio Alves, et les menaces de mort proférées contre les leaders communautaires Antonio Jean, Valdivino Lopes et Reginaldo da Conceição, afin d’identifier efficacement les auteurs de ces actes et de les traduire en justice ;
  4. Ouvrir une enquête sur les menaces et les attaques contre les défenseur⸱ses des droits humains et les communautés, ainsi que sur l’implication des forces de sécurité privées agissant au nom des agriculteurs et des représentants de l’agro-industrie ;
  5. Front Line Defenders appelle également les autorités à améliorer la rapidité et l’efficacité de l’assistance aux DDH en danger incluse dans le Programa de Proteção a Defensoras e Defensoras de Direitos Humanos, Ambientalistas e Jornalistas (PPDDH) ;
  6. Mettre en œuvre des mesures visant à réduire et à atténuer les risques auxquels les Leaders quilombolas sont confrontés dans l’ensemble du pays, notamment dans l’État de Maranhão.