Équateur : Acción Ecológica se défend contre une ordonnance arbitraire de dissolution
Lors d'une conférence de presse du 6 janvier 2017, l'organisation des droits de l'environnement Acción Ecológica, appuyée par des juristes spécialistes des droits humains et des représentants d'organisations internationales de ce secteur, a dénoncé les tentatives du gouvernement équatorien de mettre fin à son existence.
La présidente d'Acción Ecológica, Esperanza Martínez, a déclaré :
« Il ne s'agit pas seulement de défendre la nature et la Terre, mais aussi le droit de participer, le droit d'œuvrer ensemble, le droit de manifester, le droit de s'exprimer. »
Il s'agit de la dernière tentative en date de faire taire cette organisation qui a déjà essuyé, des dix dernières années, des menaces de mort, des agressions, des tentatives d'assassinat, des diffamations, des pénalisations, des tentatives de dissolution et d'autres encore.
Le 20 décembre 2016, le vice-ministre de la Sécurité intérieure, Diego Torres Saldaña, a demandé au ministre de l'Environnement, Walter Garcia Cedeño, de lancer une procédure de dissolution immédiate d'Acción Ecológica, qui milite depuis plus de trente ans pour la protection de l'environnement et les droits des populations autochtones en Équateur. Il s'agit de la seconde tentative de mettre fin à cette organisation, ses membres ayant réussi à faire annuler une procédure similaire lancée en 2009 par les autorités. Acción Ecológica a présenté sa défense devant le Ministère de l'Environnement et attend désormais sa décision. Acción Ecológica a été citée à se faire entendre par le Ministère de l'Environnement le 11 janvier 2017.
La procédure de dissolution actuelle a été demandée deux jours après son appel à la mise en place d'une Commission de vérité environnementale pour enquêter sur les destructions de l'environnement et les violations des droits des populations autochtones dans la Cordillère du Condor et d'autres régions touchées par l'activité minière. Le vice-ministre Torres Saldaña a accusé à tort Acción Ecológica de « faire l'apologie de la violence et de commettre des violences », de « sortir de ses objectifs légalement constitués » et de « présenter une menace pour la sécurité nationale ». En réalité, l'organisation n'a eu de cesse de dénoncé le recours excessif à la force de la part de l'armée et de la police contre le peuple Shuar, qui est opposé aux projets de développement du cuivre Panantza-San Carlos et Mirador, situé en territoire shuar. Elle dénonce également le recours à l'armée pour attaquer et contrôler ces populations. Les deux projets sont menés par des entreprises appartenant à deux énormes entreprises d'État chinoises : la China Railway Construction Corporation et Tongling Nonferrous Metals Group Holding Company, de leurs noms en anglais.
Ivi Oliveira, coordinatrice de protection pour les Amériques à Front Line Defenders, a déclaré :
« Il est extrêmement préoccupant que le gouvernement de l'Équateur signe régulièrement de nouvelles lois restreignant les libertés d'association, d'expression et de manifestation pacifique afin de compliquer le travail des DDH.
Il en va ainsi des décrets 16 et 739, e particulier, qui donnent au gouvernement le pouvoir de dissoudre une ONG sur des bases mal définies et ont été systématiquement utilisés contre des droits militant pour les droits ces dernières années. »
Le 4 décembre 2013, Fundación Pachamama a ainsi été dissoute au titre du décret 16. Cette sanction est tombée eu de temps après la participation de ses membres à une manifestation pacifique contre la concession à des investisseurs étrangers de permis d'exploration pétrolière dans l'Amazone. Fundación Pachamama luttait pour les droits autochtones et environnementaux depuis plus de quinze ans, et jouissait d'une solide réputation, dans le pays comme à l'étranger.
Le 8 septembre 2015, le Secrétariat aux communications (SECOM) a notifié à Fundamedios, fondation œuvrant pour la liberté d'expression, qu'une procédure de dissolution allait être lancée à son encontre. La dissolution se fondait sur une accusation selon laquelle Fundamedios entretenait des « activités politiques » par la promotion de contenus provenant de deux blogs d'opinion tenus par des journalistes, agissant en cela hors des objectifs prévus dans ses statuts, à en croire l'accusation. La forte pression internationale qui s'en est suivie a poussé à la suspension de la procédure. Le site internet et les comptes de médias sociaux de Fundamedios ont néanmoins été les cibles fréquentes de cyber-attaques.
Plus récemment, le 21 juillet 2016, le ministère de l'Education a mis en marche une procédure de dissolution du syndicat Unión Nacional de Educadores – UNE, le plus ancien et plus important du corps enseignant. L'UNE a dénoncé cette tentative comme un acte de représailles contre l'organisation après qu'elle s'est mise en relation avec les mécanismes internationaux relatifs aux droits humains. L'UNE défend activement les droits syndicaux des professionnels de l'enseignement depuis 1950.
Front Line Defenders exhorte le gouvernement d'Équateur à garantir la constitution et le fonctionnement libres et indépendants des organisations de la société civile et à ne pas restreindre leur action légitime et pacifique. Front Line Defenders condamne le recours au Décret exécutif 739 de 2015 en vue de réduire au silence Acción Ecológica et s'associe à de nombreuses organisations des droits humains et de nombreux experts indépendants pour soutenir cette organisation. Les membres d'Acción Ecológica fournissent un travail essentiel à la protection de l'environnement et des droits des populations autochtones et méritent l'espace suffisant pour développer leur action. Front Line Defenders souligne la contradiction entre d'un côté le rôle moteur de l'Équateur au Conseil des droits de l'Homme des Nations unies, par la promotion de l'adoption d'un traité sur le commerce et les droits humains, et d'un autre la persécution de défenseurs des droits humains exigeant la transparence des entreprises des secteurs minier et pétrolier. Front Line Defenders exhorte le gouvernement équatorien à renoncer à persécuter Acción Ecológica et à abroger ou amender toute législation limitant l'action légitime des défenseurs des droits humains.