Yu Wensheng doit être entièrement libre le 1er mars — Pas de « fausse libération » pour l’avocat en droits humains chinois
Nous exhortons les autorités chinoises à veiller à ce que Yu Wensheng puisse retrouver sa famille à Pékin le 1er mars, exercer son droit de circuler et de communiquer librement, et à ce qu’il ne soit pas soumis à la surveillance et au harcèlement. Yu Wensheng doit également pouvoir reprendre son travail juridique sans restrictions. Nous exhortons également les autorités à mettre fin à la surveillance et au harcèlement de la famille de Yu Wensheng.
L’avocat en droits humains chinois Yu Wensheng devrait quitter la prison de Nanjing (province de Jiangsu) le 1er mars 2022, après avoir été détenu pendant 50 mois, alors qu’il est sur le point de finir de purger une peine arbitraire pour « incitation à la subversion du pouvoir de l’État ». Au cours des derniers mois, son épouse Xu Yan n’a signalé aucune amélioration de son mauvais état de santé découlant de la torture et des mauvais traitements qu’il a subis. Il souffre notamment de tremblements à la main droite, de laquelle il est incapable d’écrire, de faim chronique, et il a perdu plusieurs dents ce qui l’empêche de mâcher des aliments normalement. Les autorités auraient refusé d’utiliser les fonds transférés par Xu Yan pour couvrir une opération dentaire ou pour acheter de la nourriture. Yu Wensheng n’est pas autorisé à sortir de sa cellule plus de deux fois par mois.
Nous condamnons le refus des responsables de la prison de Nanjing de permettre à Yu de se rendre une dernière fois au chevet de son père gravement malade le 9 janvier 2022, et de le pleurer et de le voir une dernière fois le lendemain de sa mort le 10 janvier 2022. Cette restriction n’est ni nécessaire, ni proportionnée, et reflète le traitement inhumain des défenseur-ses des droits humains détenus par les autorités chinoises.
Nous sommes vivement préoccupés par le fait que Yu Wensheng ne sera peut-être pas entièrement libre le 1er mars 2022, et qu’il sera plutôt placé en détention à domicile de facto, où ses mouvements et ses communications seront sévèrement restreints et d’où il ne pourra pas retrouver sa famille à Pékin. Un certain nombre de défenseur⸱ses des droits humains, y compris ceux qui ont été ciblés par la répression dite des « 709 », a fait l’expérience de telles restrictions à l’issue de leur peine, une pratique connue sous le nom de « non-release release » (« fausse libération »). Le 24 septembre 2019, des experts de l’ONU ont condamné le harcèlement et la surveillance de l’avocat Jiang Tianyong après la fin de sa peine sur la base d’une peine supplémentaire de « privation des droits politiques », considérant cette pratique comme « gratuitement punitive et légalement injustifiée ». La peine de Yu Wensheng comprend également trois ans de « privation de droits politiques ».
Nous exprimons nos sérieuses inquiétudes à l’égard d’une surveillance et de restrictions aussi strictes ciblant Xu Yan. Elle a déclaré avoir été assiégée chez elle pendant deux jours à l’approche de la Journée des droits humains (le 10 décembre 2021), lorsque des inconnus l’ont agressée verbalement, poussée dans les escaliers et ont bloqué la porte de son appartement. Elle a décrit une situation semblable le 17 septembre 2021, alors qu’elle devait assister à un événement à l’ambassade des États-Unis. De plus, elle rapporte avoir été surveillée par au moins sept caméras et par un groupe d’habitants locaux et de policiers à un poste de service installé devant sa résidence. Xu Yan déclare être en grande détresse psychologique, et a exprimé son inquiétude quant au risque que la récente recrudescence des attaques contre elle puisse présager une possible arrestation.
Yu Wensheng est une éminente personnalité de la communauté des avocats en droits humains en Chine. Il a notamment défendu un certain nombre d’affaires très sensibles, notamment des personnes demandant au gouvernement de remédier à des atteintes des droits, des activistes des droits civils et des collègues avocats en droits humains comme Wang Quanzhang — arrêté lors de la « répression des 709 » en juillet 2015. Ses efforts pour protéger les droits humains ont été accueillis par de fortes représailles des autorités, qui ont révoqué sa licence d’avocat le 16 janvier 2018. Trois jours plus tard, il a disparu de force et a été placé « sous surveillance résidentielle dans un lieu désigné (RSDL) », un jour après avoir publié une lettre ouverte appelant à une réforme constitutionnelle. Il a été jugé en secret le 9 mai 2019, mais Xu Yan n’a été informée de sa peine de quatre ans de prison qu’en juin 2020. Yu aurait été placé à l’isolement pendant plus de 20 mois, et n’a été autorisé à rencontrer un avocat de son choix qu’en août 2020.
Yu Wensheng est le lauréat du Prix Martin Ennals 2021 pour les défenseur⸱ses des droits humains et du Prix franco-allemand des droits de l’Homme et de l’État de droit 2018.
Les avocats en droits humains en Chine continuent de faire face à de grands risques pour leur intégrité physique et mentale et pour leur droit d’exercer leur profession, lorsqu’ils promeuvent la réforme de l’état de droit en Chine. Les experts des Nations Unies ont exprimé leur « consternation face au traitement des défenseur⸱ses des droits humains et des avocats en Chine qui continuent à être inculpés, détenus, disparus de force et torturés », et que « les mauvais traitements infligés aux défenseur⸱ses des droits humains détenus par la Chine demeurent endémiques et peuvent équivaloir à de la torture ».
Nous exhortons les autorités chinoises à garantir qu’en toutes circonstances, tous les avocats en Chine, y compris les avocats en droits humains, soient en mesure d’exercer leurs fonctions professionnelles légitimes sans crainte de représailles et sans restrictions.
Nous demandons aux responsables des Nations Unies, aux experts indépendants et aux gouvernements de surveiller de plus près la situation de Yu Wensheng et de Xu Yan, ainsi que celle des défenseur⸱ses des droits humains et des avocats en Chine.