Répression sans précédent contre les organisations de défense des droits humains au Kazakhstan
Entre le 15 et le 25 janvier 2021, les autorités fiscales kazakhes ont ordonné une suspension de trois mois du fonctionnement et des activités de trois organisations de défense des droits humains : Kazakhstan International Bureau for Human Rights and the Rule of Law, The International Legal Initiative Foundation et l'association publique Echo. Les autorités fiscales ont également infligé des amendes aux trois organisations susmentionnées ainsi qu’à l'organisation Erkindik Kanaty, pour violations présumées de la déclaration de fonds étrangers.
Le Kazakhstan International Bureau for Human Rights and the Rule of Law (KIBHR), fondé en 1993, est devenu l'une des plus grandes organisations de défense des droits humains au Kazakhstan. Avec dix antennes régionales dans tout le pays, le KIBHR promeut la protection des droits civils et politiques et contribue au développement démocratique, à l'état de droit et au renforcement de la société civile par l'éducation, le suivi (collecte de données, analyse et diffusion d'informations) et le plaidoyer.
L'International Legal Initiative Foundation (ILI) a été fondée en 2010 dans le but de protéger et promouvoir les droits humains au Kazakhstan. L'ILI travaille sur des réformes législatives dans le pays et fournit une aide juridique gratuite aux victimes de violations des droits humains et aux membres des familles de personnes d'origine kazakhe emprisonnées dans des camps de rééducation politique en Chine. Elle plaide pour protéger les victimes de graves violations des droits humains dans le Xinjiang.
L’association publique Echo est une organisation de défense des droits humains, créée en 1998, qui promeut les droits humains, procède à l’analyse de la législation, surveille publiquement les activités des organes de l’État kazakh, et contribue à la participation des citoyens au processus de prise de décision. Echo effectue une surveillance électorale indépendante depuis 20 ans. Erkindik Kanaty (Ailes de la liberté) est un mouvement de jeunes pour les droits humains qui promeut les droits humains et les libertés par la protection du public, des programmes éducatifs, la recherche, le suivi et la participation à la législation. Erkindik Kanaty organise également l'observation indépendante des élections.
Entre mi-octobre et fin novembre 2020, au moins 13 organisations de défense des droits humains au Kazakhstan ont reçu des avis selon lesquels elles avaient violé l'article 460-1 du Code des infractions administratives pour ne pas avoir correctement déclaré des fonds étrangers qu'elles avaient reçus. Les organisations ont été sanctionnées pour des différences dans les chiffres déclarés dans les formulaires soumis aux autorités fiscales concernant les fonds reçus de l'étranger et les dépenses de ces fonds. Cependant, ces écarts sont dus à : des fluctuations du taux de change, à la restitution des fonds non dépensés aux donateurs et à une erreur dans la duplication d'un don d'un donateur qui a été traitée en conséquence. Après avoir été informés de ces soi-disant écarts, le KIBHR, l'ILI, Erkindik Kanaty et Echo ont rectifié les formulaires de déclaration et ont envoyé les documents révisés aux autorités fiscales locales avant que les affaires ouvertes à leur encontre ne soient examinées. Toutefois, les quatre organisations ont été accusées.
Le 25 janvier 2020, l'administration fiscale des districts respectifs d'Almaty a suspendu les activités du KIBHR et de l'ILI pendant trois mois et a infligé de lourdes amendes aux deux organisations. Le KIBHR a été condamné à payer 2,3 millions de KZT (environ 4500 euros) tandis que l'ILI a été condamnée à payer une somme s'élevant à plus de 1,1 million de KZT (environ 2280 euros).
Le 18 janvier, le Bureau des impôts du district de Yesilsky de Nur-Sultan a condamné Erkindik Kanaty à payer une amende de 277 800 KZT (environ 540 euros). Le 27 janvier, Erkindik Kanaty a fait appel de cette décision. Le 15 janvier, l'administration fiscale du district d'Almatinsky à Almaty a ordonné à Echo de suspendre ses activités pendant trois mois et de payer une amende de plus de 1,1 million de KZT (environ 2280 euros). Echo a fait appel de cette décision le 22 janvier.
Le directeur du KIBHR, Yevgeniy Zhovtis, a souligné le processus d'action en justice et les résolutions déposées contre trois organisations : KIBHR, ILI et Echo ont un caractère identique. Toutes les résolutions indiquent que les organisations sont des petites entités commerciales et font référence au Code des entreprises. Cette catégorisation est incorrecte car les associations et fondations publiques sont des organisations à but non lucratif et que le Code des entreprises ne s'applique donc pas à elles. Toutes les résolutions indiquent la même période de suspension d'exactement trois mois à compter du jour de l'annonce de la décision sur l'affaire Echo.
Des affaires contre au moins quatre autres organisations de défense des droits humains devraient être examinées par les autorités fiscales et le tribunal administratif dans les prochains jours.
Front Line Defenders condamne cette campagne coordonnée de harcèlement qui utilise les mécanismes de pression des autorités fiscales du Kazakhstan à l'encontre de l'International Bureau for Human Rights and Rule of Law, l'International Legal Initiative Foundation, Erkindik Kanaty, l'association Echo et d'autres organisations de la société civile. Front Line Defenders pense que les organisations sont ciblées uniquement en raison de leur travail de promotion et de protection des droits humains au Kazakhstan, et prévient que ces actions contre ces organisations aura un effet dissuasif sur la société civile, entravant le rôle important de ces organismes de contrôle indépendants pour garantir le respect des droits humains.
Front Line Defenders exhorte les autorités fiscales du Kazakhstan à abandonner immédiatement et sans condition toutes les charges et à annuler les amendes infligées aux organisations de défense des droits humains et à abroger les décisions de suspendre leurs opérations, car ces mesures semblent uniquement liées à leurs activités légitimes en faveur des droits humains, et constituent en outre une violation directe de leurs droits.