Les conclusions de l’ONU soulignent l’importance de la protection des défenseur⸱ses des droits humains dans les actions de suivi
Front Line Defenders salue la publication récente par le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme (HCDH) de l’évaluation tant attendue de la situation des droits humains au Xinjiang, ainsi que d’une série de conclusions d’autres mécanismes des Nations Unies sur un large éventail de problèmes systémiques liés aux droits humains en République populaire de Chine, notamment les représailles contre les défenseur⸱ses des droits humains.
Faisant autorité et fondée sur un examen rigoureux de documents, l’évaluation du Xinjiang publiée le 31 août 2022 fournit des preuves crédibles et exhaustives de « détentions arbitraires et discriminatoires » d’une proportion importante d’Ouïghours, Kazakhs et membres d’autres groupes ethniques principalement musulmans dans la région ouïghoure — que le gouvernement chinois appelle la région autonome ouïghoure du Xinjiang. L’évaluation conclut que ces violations « peuvent constituer des crimes internationaux, en particulier des crimes contre l’humanité ».
L’évaluation critique les lois et les politiques vaguement définies du gouvernement chinois en matière de lutte contre le terrorisme, l’« extrémisme » et le « séparatisme », qui permettent une application arbitraire et discriminatoire qui criminalise et restreint « les actes de protestation, de contestation et toutes autres activités légitimes liées aux droits humains ». Elle soulève également des préoccupations au sujet de l’arrestation et de l’emprisonnement à long terme de chercheurs ouïghours, et fait référence à des cas emblématiques repris par les experts de l’ONU, comme le cas du défenseur des droits humains Ilham Tohti, qui purge une peine d’emprisonnement à perpétuité après avoir été condamné en 2014 pour séparatisme. L’évaluation documente le schéma d’intimidation, de menaces et de représailles, de la part d’acteurs étatiques chinois ainsi que d’États voisins, contre les Ouïghours et d’autres personnes qui militent en faveur des droits humains à l’extérieur de la Chine.
Outre l’évaluation du Xinjiang, les récentes constatations de graves violations des droits humains dans toute la Chine par d’autres mécanismes de l’ONU rappellent aussi que la répression des défenseur⸱ses des droits humains est une préoccupation clé. En juillet 2022, le Comité des droits de l’Homme des Nations Unies, dans ses observations finales sur la mise en œuvre par le gouvernement de Hong Kong du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), a exprimé ses préoccupations au sujet des arrestations et détentions arbitraires de défenseur⸱ses des droits humains en vertu de la loi sur la sécurité nationale et de la loi sur la sédition, appelant à la suspension de l’application de ces lois et à leur réforme ou abrogation.
Le 2 septembre 2022, le Comité des Nations Unies pour les droits des personnes handicapées (CDPH), dans ses observations finales sur la Chine, a exprimé ses préoccupations concernant la pression et la censure continues sur les défenseur⸱ses et les organisations de la société civile pour leur travail de plaidoyer sur les droits des personnes handicapées. Il a également mis en évidence les représailles croissantes à leur encontre, notamment lorsqu’ils coopèrent avec l’ONU. Le Comité a appelé les autorités à « libérer rapidement les DDH handicapés arbitrairement privés de leur liberté et accusés de terrorisme et de subversion de la sécurité nationale ».
Les comités de suivi des traités des Nations Unies responsables des droits des femmes et des droits économiques, sociaux et culturels (ESC) ont déjà formulé des recommandations similaires aux autorités chinoises pour protéger les individus et les organisations qui défendent ces droits. En prévision de leur prochain examen du bilan de la Chine en 2023, ces deux comités ont récemment soulevé des préoccupations et interrogé le gouvernement sur la mise en œuvre de ces recommandations sur la protection des droits des femmes et des défenseurs des droits ESC.
Selon les dernières statistiques de l’ONU, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a conclu que la Chine a violé ses obligations internationales en matière de droits humains dans au moins 102 affaires depuis 1993. Une grande partie de ces affaires concerne des défenseur⸱ses des droits humains. Le Groupe de travail a averti la Chine à plusieurs reprises que « l’emprisonnement généralisé ou systématique ou toute autre privation grave de liberté en violation des règles du droit international peut constituer un crime contre l’humanité ». Front Line Defenders n’a pas connaissance de responsables chinois qui auraient été tenus responsables de ces violations.
Dans le dernier rapport annuel du secrétaire général des Nations Unies sur les cas de représailles contre les défenseur⸱ses des droits humains qui participent aux mécanismes des Nations Unies, la Chine figure parmi les pays qui ont enregistré le plus grand nombre de cas de représailles : 15 défenseur⸱ses des droits humains et une organisation.
Depuis la publication de l’évaluation du Xinjiang, le gouvernement chinois a déclaré qu’il ne coopérerait plus avec le Comité des droits de l’Homme des Nations Unies et a attaqué à plusieurs reprises l’évaluation du Xinjiang et d’autres mandats des procédures spéciales à cause de leur plaidoyer. Cela montre clairement que les efforts de bonne foi des Nations Unies et d’autres États membres en matière d’engagement et de dialogue ne sont pas réciproques, tandis que les graves violations des droits humains se poursuivent sans relâche en Chine.
L’impunité persistante pour les violations de longue date et généralisées en Chine devrait stimuler des actions efficaces de toute urgence. Cette urgence est soulignée dans un appel conjoint lancé le 9 septembre 2022 par 45 experts de l’ONU, qui ont réaffirmé leur soutien aux conclusions de l’évaluation du Xinjiang, et réitéré leur appel précédent aux États membres de l’ONU à convoquer une session spéciale au Conseil pour « aborder les questions relatives aux droits humains de façon plus générale en Chine précisément parce que les principales questions préoccupantes, en particulier la détention arbitraire, les disparitions forcées, les restrictions à la circulation, la vie privée, la liberté de religion et à la liberté d’expression existent dans d’autres régions du pays sous prétexte de sécurité nationale. »
Front Line Defenders estime que les défenseur⸱ses des droits humains jouent un rôle indispensable pour générer et maintenir des progrès dans la promotion et la protection de tous les droits humains. Les restrictions et les représailles contre leur travail légitime sont un facteur structurel clé qui contribue à la poursuite et à l’escalade des violations. Pour que les mesures internationales prises pour faire face à la crise des droits humains en Chine soient efficaces, elles doivent intégrer la protection des DDH dans un environnement sûr et progressiste comme objectif transversal.
Front Line Defenders appelle la communauté internationale à prendre des mesures immédiates et efficaces pour que les responsables rendent des comptes, en établissant un mécanisme d’enquête indépendant sur les graves violations des droits humains en Chine, y compris à Hong Kong, au Tibet et dans la région ouïghoure. Ces mesures devraient être éclairées par les conclusions de l’évaluation du Xinjiang et par les défis structurels identifiés par la société civile indépendante, ainsi que par les procédures spéciales et les organes des traités de l’ONU, en particulier en ce qui concerne la protection des défenseur⸱ses des droits humains.