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10 Août 2022

Attaques ciblées contre des activistes du droit à l’information

Le 2 juin 2022, le défenseur des droits humains et militant du droit à l’information (DAI), Ranjeet Soni, a été abattu devant le bureau du Service des travaux publics (PWD) dans l’État du Madhya Pradesh, dans le centre de l’Inde. Le défenseur déposait régulièrement des demandes pour obtenir des informations concernant les travaux publics, y compris des informations sur les dépenses du gouvernement, les sommes allouées aux hôpitaux publics ou les détails de la construction des routes ; il déposait ensuite plainte et demandait réparation aux fonctionnaires accusés de corruption présumée et d’autres irrégularités

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L’assassinat de Ranjeet Soni est le dernier d’une série inquiétante d’attaques et de meurtres de militants du droit à l’information en Inde ces dernières années. La Commonwealth Human Rights Initiative (CHRI), une organisation de défense des droits humains qui recense les assassinats, les attaques et toute autre forme de harcèlement auxquels sont confrontés les activistes pour le DAI en Inde, a recensé 99 homicides depuis 2006, 180 autres agressions physiques et 187 autres formes de menaces et de harcèlement contre des militants.

La loi sur le droit à l’information a été promulguée par le gouvernement indien en 2005, après une lutte soutenue des militants anticorruption menée par le Mazdoor Kisan Shakti Sangathan (MKSS)1. La promulgation de la loi sur le droit à l’information est un outil majeur entre les mains de tous les citoyens pour exiger une plus grande transparence dans la gouvernance, la CHRI estimant qu’environ 5,5 millions de demandes de DAI sont déposées chaque année en Inde. Le système judiciaire indien a des antécédents bien documentés en matière de défense et de promotion du droit à l’information. Dans l’arrêt historique dans Uttar Pradesh contre Raj Narain (1975), la Cour suprême de l’Inde a fait observer que le droit à l’information découle du droit fondamental à la liberté d’expression. Elle a statué que le peuple indien « a le droit de connaître chaque acte public, tout ce qui est fait publiquement par ses fonctionnaires ». Depuis ce jugement, la Cour suprême et divers tribunaux supérieurs en Inde ont confirmé l’importance du droit à l’information et, dans certains cas, l’ont assimilé au droit fondamental à la vie et à la liberté. La vague d’attaques contre les militants du DAI ces dernières années constitue non seulement une violation des droits des défenseur⸱ses des droits humains, mais permet d’établir des pratiques corrompues qui menacent les droits fondamentaux de tous les citoyens.

Il est important de noter que l’article 4 de la loi de 2005 sur le DAI oblige les autorités à rendre tous les renseignements liés au fonctionnement du gouvernement accessibles dans le domaine public et sur leurs sites Web respectifs. Les informations recherchées par les activistes du droit à l’information devraient donc être accessibles au public et accessibles à tous. Toutefois, en raison du non-respect constant de la loi sur le DAI par les organismes publics et les fonctionnaires, les activistes du DAI jouent un rôle crucial pour tenir les organismes gouvernementaux et les fonctionnaires responsables de leurs actes et assurer le fonctionnement d’une démocratie saine. Bien que la Loi sur le DAI ait été considérée comme révolutionnaire et progressiste lorsqu’elle a été promulguée pour la première fois en 2005, un amendement adopté en 2019 a servi à diluer l’indépendance de la Commission centrale de l’information, accordant au gouvernement central le pouvoir de déterminer le mandat, les salaires, les indemnités et les autres conditions de service du commissaire en chef à l’information et des commissaires à l’information.

Le 23 septembre 2021, le militant pour le DAI Vipin Agarwal a été abattu en plein jour dans l’État du Bihar, dans l’est de l’Inde. Le défenseur déposait des demandes de DAI et dénonçait des cas d’accaparement des terres et d’empiétement par des mafias foncières ayant des liens avec le monde politique. Six mois plus tard, son fils de 14 ans s’est suicidé désespéré par l’inaction de la police du Bihar qui n’a pas arrêté les coupables de l’assassinat de son père. La grande majorité des militants du DAI sont des citoyens préoccupés, qui n’ont pas accès aux ressources et aux espaces de soutien et de protection. Les assassinats et les attaques envoient un message effrayant à ceux qui souhaitent s’engager dans ce travail et avoir un impact direct sur l’avenir de leur famille. Personne n’a été tenu de rendre des comptes ou passible de poursuites pour les violences contre les activistes du DAI — beaucoup des personnes responsables sont des individus puissants qui sont souvent liés au pouvoir de l’État et des entreprises. Même dans les cas où la police enregistre une plainte (First Information Report – FIR) et commence une enquête, seuls les auteurs immédiats sont poursuivis, tandis que les commanditaires ne font face à aucune conséquence. Les lois qui visent à protéger les activistes, telle que la loi sur la protection des lanceurs d’alerte (Whistle Blowers – Protection – Act), promulguée en 2014 pour étendre la protection à ceux qui dénoncent la corruption des fonctionnaires, n’est toujours pas appliquée ; les lois qui offrent une protection aux activistes du DAI et assurent la justice pour les militants lorsqu’ils sont attaqués et/ou tués n’ont pas encore été présentées.

Front Line Defenders reconnaît les militants du DAI en Inde comme des défenseur⸱ses des droits humains qui font face à des risques considérables lorsqu’ils demandent des comptes et revendiquent la justice dans le pays. Nous condamnons fermement les homicides de tous les activistes du DAI, et prenons note en particulier des assassinats des défenseurs du droit à l’information documentés ces dernières années par le Mémorial des DDH2 ; Amrabhai Boricha (2021), Shridhar T (2021), Vengatesh Nr (2021), Rai Singh Gurjar (2021), Vipin Agarwal (2021), Buddhinath Jha (2021), Pankaj Kumar (2020), et Ranjan Kumar Das (2020). Nous appelons à l’ouverture d’enquêtes immédiates et impartiales sur ces assassinats et d’autres, en vue de traduire en justice les auteurs matériels et intellectuels des crimes, et d’offrir protection et indemnisation aux familles des activistes. Nous appelons en outre les autorités à garantir une protection adéquate aux activistes du DAI confrontés à des attaques, à des menaces et à d’autres formes de harcèlement et à faire tous les efforts possibles pour poursuivre les responsables.

 

1Mazdoor Kisan Shakti Sangathan (MKSS) est une organisation populaire qui travaille avec les ouvriers et les paysans dans les villages du Rajasthan central. Elle a été créée par les habitants de la région en 1990 pour renforcer les processus démocratiques participatifs, afin que les citoyens puissent vivre leur vie avec dignité et justice. En savoir plus à propos du MKSS : http://mkssindia.org/

2Le Mémorial des DDH est une initiative mondiale dirigée par 14 organisations nationales et internationales de défense des droits humains chargées de recueillir et de vérifier des informations sur les cas des défenseur⸱ses des droits humains (DDH) tués et dont les homicides sont considérés comme étant liés à leur travail en faveur des droits humains. Voir le site www.hrdmemorial.org pour plus d’informatio