Déclaration sur l'expulsion de Vanessa Kogan de Russie
Le 2 décembre 2020, les autorités russes de l'immigration ont révoqué le permis de séjour de Vanessa Kogan, notre collègue, avocate spécialisée en droits humains et directrice de Justice Initiative Project. La révocation est basée sur le motif infondé que Vanessa Kogan «constitue une menace pour la sécurité nationale de la Fédération de Russie». Vanessa Kogan a deux semaines pour quitter la Russie. Les organisations soussignées considèrent l'expulsion de Kogan comme une mesure de représailles contre son excellent travail en faveur des droits humains et exhortent les autorités russes à annuler immédiatement cette décision.
Justice Initiative Project est un groupe d'entités juridiques et d'avocats en droits humains principalement basés en Russie et qui se consacrent à lutter contre l'impunité pour les graves violations des droits humains et la violence sexiste dans la région post-soviétique. En Russie, le groupe travaille particulièrement dans la région du nord du Caucase, où les victimes de violations des droits humains n'ont pas accès à la justice et ne parviennent pas à obtenir réparation. Au fil des ans, les avocats du groupe ont fourni une aide juridique à des milliers de personnes qui demandent justice pour des violations des droits humains, notamment des enlèvements et des disparitions forcées, des exécutions extrajudiciaires, des actes de torture et des violences sexistes. L'organisation est l'une des plus actives en Russie pour porter des affaires devant la Cour européenne des droits de l'Homme, avec plus de 250 arrêts rendus en faveur des plaignants. Nombre de ces jugements, comme ceux concernant les disparitions forcées et la violence domestique, ont créé un précédent important pour toute la région. Justice Initiative Project a toujours été ouvert et transparent concernant son travail.
La décision de révoquer le permis de séjour de Vanessa Kogan en représailles à son travail viole nombre de ses droits, y compris son droit à la vie de famille ainsi que ses droits à la liberté d’association et d’expression. Vanessa Kogan, citoyenne américaine, vit en Russie depuis 11 ans. Son mari et ses enfants sont russes et ils résident en Russie. L'expulsion de Vanessa Kogan va perturber sa vie familiale et, compte tenu des restrictions imposées dans le contexte de la pandémie de COVID-19, peut entraîner une longue séparation avec sa famille.
Le départ de Vanessa Kogan de Russie va perturber le fonctionnement de l’organisation, car elle est également directrice de l’une des principales entités constitutives de Justice Initiative à Moscou, l’ONG «Astreya». Astreya va se retrouver dans un vide administratif et sera plus vulnérable aux attaques des autorités. Enfin, il y a un risque réel que l’accès à la Cour européenne des droits de l’Homme pour les clients actuels et potentiels de l’Initiative Justice soit bloqué.
L’expulsion de Vanessa Kogan portera un double coup au travail de Justice Initiative car le mari de Vanessa Kogan, Grigor Avetisyan, est également avocat en droits humains et fait partie intégrante de l’organisation ; il coordonne les travaux sur l'application des jugements et le plaidoyer international.
Nous sommes convaincus que le travail de Vanessa Kogan ne représente pas une menace pour la sécurité nationale. Au contraire, son travail est important pour contribuer à l'avancement des droits humains, à l'état de droit et au changement social grâce au rétablissement des droits des victimes de violations des droits humains.
Les représailles auxquelles Vanessa Kogan est confrontée sont un autre exemple de la manière dont les défenseur-ses des droits humains sont ciblés et harcelés par les autorités en Russie. Cela illustre également la chasse aux sorcières menée par les autorités russes contre la coopération, la solidarité et le soutien international dans le domaine des droits humains.
Ce n'est pas la première fois que les autorités russes poussent des défenseur-ses des droits humains étrangers hors du pays. En 2018, la Cour européenne des droits de l'Homme a jugé que l'expulsion de Russie de Jennifer Gaspar, pour des motifs identiques, constituait une violation de sa vie de famille. Avant que son permis de séjour ne soit annulé à tort, Jennifer Gaspar, une militante des droits humains, vivait à Saint-Pétersbourg avec son mari, un éminent avocat en droits humains russe et leur enfant.
Nous considérons la révocation du permis de séjour de Vanessa Kogan comme un exemple inacceptable de la pratique plus large consistant à cibler les défenseur-ses des droits humains. Nous appelons les autorités russes en charge de l’immigration à rétablir immédiatement le permis de séjour de Kogan et à veiller à ce qu’elle puisse poursuivre son travail en faveur des droits humains sans crainte de représailles.
Amnesty International
Civil Rights Defenders
Front Line Defenders
Human Rights Watch
International Partnership for Human Rights
Norwegian Helsinki Committee