Russie : L’interdiction du « mouvement international LGBT » aura des conséquences désastreuses pour les défenseur·ses russes des droits LGBTI
Front Line Defenders condamne fermement la répression menée par l’État russe contre le mouvement LGBTI dans le pays. Le 30 novembre 2023, lors d’une audience confidentielle, le juge Oleg Nefedov de la Cour suprême de Russie a statué en faveur de la motion présentée par le ministère de la Justice, qui a jugé bon de classer le « mouvement LGBT international » comme extrémiste et de l’interdire. La décision prend effet immédiatement. La motion, que le ministère de la Justice a soumise à la Cour suprême le 17 novembre 2023, stipule que le « mouvement international LGBT » devrait être interdit et classé comme extrémiste, étant donné qu’il « incite à la haine sociale et religieuse ».
Cette décision marquante expose tous les défenseur⸱ses des droits des personnes LGBTI en Russie et ailleurs au risque de subir de nombreuses violations et poursuites pénales, car toute organisation LGBTI ou queer, ou toute organisation cherchant à promouvoir les droits des personnes LGBTI pourrait potentiellement être taxée d’extrémiste, étant donné que le terme « mouvement LGBT international » n’est pas clairement défini et qu’il est ouvert à l’interprétation.
Le Code pénal de la Fédération de Russie stipule que le financement ou la participation à un mouvement extrémiste est passible d’une peine pouvant aller jusqu’à 10 ans de prison (articles 282.2 [2], 282.2 [1] et 282.3). De même, le simple fait d’afficher des symboles d’un mouvement interdit (article 20.3 du Code des infractions administratives) peut entraîner jusqu’à 15 jours de détention et jusqu’à quatre ans en cas de récidive (article 282.4 du Code pénal). Les organisations et les individus peuvent être inscrits sur le « registre des organisations extrémistes », ce qui entraîne le gel de leurs avoirs. Tout défenseur⸱ses, toute organisation de défense des droits humains ou tout média qui promeut ou même discute des questions LGBTI est une cible potentielle et peut être poursuivi.
En outre, la décision de qualifier l’ensemble du mouvement d’« extrémiste » sera utilisée par les autorités russes pour exercer une pression psychologique sur les défenseur·ses des droits des personnes LGBTI, les incitant à fuir le pays. Dès que la décision a été rendue publique, les chaînes Telegram pro-gouvernementales ont commencé à publier des messages à propos des autorités qui se préparent à engager des poursuites pénales contre les défenseur·ses des personnes LGBTI, affirmant qu’elles prévoient de poursuivre pénalement les plus éminents défenseur·ses des droits humains, qu’ils résident en Russie ou à l’étranger.
La Fédération de Russie a l’habitude de harceler les défenseur·ses des droits des personnes LGBTI en raison de leur activisme en faveur des droits humains, en appliquant systématiquement les mêmes méthodes de persécution par le biais d’infractions pénales vaguement définies, sous le couvert de préoccupations en matière de sécurité et de protection. Depuis 2012, les autorités russes poursuivent la soi-disant « propagande LGBT » à l’échelle nationale, en utilisant spécifiquement l’article 6.21 du Code des infractions administratives qui, en 2012, a rendu illégale la « propagande des relations sexuelles non traditionnelles auprès des mineurs par le biais d’Internet ». Depuis lors, une loi discriminatoire est également utilisée à mauvais escient contre un certain nombre de DDH LGBTIQ+, qui ont été condamnés à des amendes administratives. Le 5 décembre 2022, la Fédération de Russie a officiellement étendu la loi dite sur la « propagande LGBT » pour y inclure les personnes de tous âges ; désormais, l’article 6.21 du Code des infractions administratives interdit la « propagande des relations et/ou préférences sexuelles non traditionnelles et du changement de sexe ».
Les défenseur·ses des personnes LGBTI dans le monde poursuivent leur travail inlassable en faveur de l’égalité et de la reconnaissance, luttant pour l’élimination de toutes les formes de discrimination ; ce travail novateur doit être soutenu, et non puni ou interdit. Les défenseur⸱ses des droits humains qui travaillent sur des questions liées à l’orientation sexuelle, à l’identité ou l’expression du genre ne sont pas seulement confrontés aux menaces et risques qui pèsent déjà sur tous les défenseur⸱ses des droits humains, mais ils sont également pris pour cible simplement en raison de leur identité, y compris leur identité en tant qu’alliés de la communauté LGBTI. Front Line Defenders condamne l’utilisation des lois sur la sécurité pour interdire le travail en faveur des droits des personnes LGBTI en Russie. Front Line Defenders exhorte la Fédération de Russie à abroger immédiatement et sans condition l’interdiction du « mouvement LGBT international » et à cesser de persécuter les défenseur·ses des personnes LGBTI pour leur travail pacifique et légitime en faveur des droits humains.