L'amendement de la Russie à la loi sur les "agents de l'étranger" impose de nouvelles restrictions importantes au travail des défenseur-ses des droits humains
Le 2 décembre 2019, le président de la Fédération de Russie a promulgué deux lois autorisant les autorités à classer les individus qui diffusent des informations à un "nombre illimité de personnes" et qui reçoivent des fonds provenant de l'étranger en tant qu'"agents de l'étranger". La loi "sur la modification de la loi sur les médias de Fédération de Russie" et la loi fédérale "sur l'information, les technologies de l'information et la protection de l'information" étendent en réalité la loi de 2012 sur les "agents de l'étranger" aux particuliers. La loi fédérale a été adoptée par la Douma le 21 novembre 2019 et a été approuvée par le conseil de la Fédération le 25 novembre 2019.
La nouvelle loi donne au ministère de la Justice le pouvoir de classer parmi les '"agents de l'étranger" toute personne qui reçoit quelconque financement provenant de l'étranger et qui diffuse des informations à un "nombre illimité de personnes" et à les inscrire sur le registre des agents de l'étranger". Le ministère de la Justice, en coordination avec le ministère des Affaires étrangères, tiendra également un registre des médias considérés comme des agents de l'étranger. Selon la nouvelle loi, les citoyens reconnus comme des "agents de l'étranger" devront marquer toutes leurs publications, y compris leurs publications sur les réseaux sociaux, de la mention spéciale "agents de l'étranger". Ils devront également s'inscrire en tant que personnes morales et soumettre des rapports sur leurs dépenses au ministère de la Justice. Tous les "agents de l'étranger" seront tenus de soumettre des rapports fiscaux une fois par trimestre, des rapports d'activité une fois tous les six mois et de subir un audit annuel. Selon l'article 19.34 du Code des infractions administratives, les sanctions pour violation de la loi s'élèvent à 500 000 RUB (environ 7 000 EUR).
Les critères pour classer une personne parmi les "agents de l'étranger" sont extrêmement larges et peuvent potentiellement s'appliquer non seulement aux blogueurs et journalistes, mais aussi aux utilisateurs ordinaires des réseaux sociaux, aux étudiants qui reçoivent des bourses étrangères pour leurs études ou aux personnes qui vendent des biens à l'étranger sur Internet. Comme le ministère de la Justice ne pourra pas inscrire toutes ces personnes sur le registre des "agents de l'étranger", la loi sera très probablement appliquée de manière sélective, ce qui violera également le droit constitutionnel à l'égalité devant la loi.
Front Line Defenders est profondément préoccupé par l'extension de la loi sur les "agents de l'étranger" aux particuliers, car elle met en danger les défenseur-ses des droits humains et entrave davantage leur travail pacifique et légitime en faveur des droits humains. Avec les deux lois précédentes ciblant les organisations étrangères - la loi de 2012 sur les "agents de l'étranger" et la loi de 2015 sur les "organisations indésirables" - la nouvelle loi aggravera encore la situation déjà difficile de la société civile indépendante en augmentant la pression sur les journalistes, les blogueurs et les défenseurs des droits humains.