Des manifestants violemment passés à tabac par la police à Istanbul
Le 8 juin 2018, 20 manifestants et deux reporters ont été frappés par la police et placés en détention préventive. Environ 50 manifestants pacifiques, dont des lycéens et des jeunes diplômés, se sont rassemblés pour une marche dans la rue principale de Kadıköy, dans le centre d'Istanbul, pour manifester contre les insuffisances du système éducatif turc. Tous les manifestants ont été libérés le lendemain en attendant une enquête du parquet. À ce jour, aucune action n'a été intentée contre les policiers impliqués.
Les manifestants sont membres de plusieurs groupes étudiants qui critiquent l'oppression politique et les politiques conservatrices, notamment les réformes de l'éducation. Les récentes réformes augmentent les références religieuses dans les programmes scolaires et obligent certains étudiants à aller dans des écoles religieuses en réduisant le nombre d'écoles non religieuses. En plus de demander l'accès à l'éducation scientifique, les groupes de jeunes critiquent la nature très compétitive du système éducatif. Ils plaident aussi pour les droits des jeunes emprisonnés pour leur activisme étudiant ou victimes de violences policières. Le 8 juin, des étudiants manifestants se sont rassemblés pour marcher et donner au gouvernement une note symbolique pour ses politiques éducatives.
Selon des témoins, des bandes de vidéo surveillance et des photos, près de 50 policiers et agents en civil ont bloqué la marche des manifestants pacifiques et ont commencé à les attaquer. Les manifestants, ainsi que deux reporters qui couvraient les violences policières, ont été malmenés et menottés et conduits dans un bus de la police où ils ont été violemment frappés. Ils ont été maintenus dans le bus de la police pendant près de quatre heures et victimes de violences physiques. Ils ont ensuite été conduits à l'hôpital de Numune pour y être examinés.
Les manifestants mineurs ont été conduits au poste de la police en charge des enfants et les autres ont été conduits au poste de police d'İskele à Kadıköy où ils ont été interrogés. Les manifestants ont été libérés le 9 juin vers 4h30. À ce jour, aucune action n'a été intentée contre les policiers impliqués.
Selon les avocats des manifestants, une enquête a été ouverte afin de déterminer si les manifestants et les deux journalistes ont violé la loi sur les rassemblements et les manifestations. Cette loi est employée pour entraver le droit de manifester pacifiquement. Au moins trois manifestants font aussi l'objet d'une enquête pour "agression criminelle" et "entrave à agent de police".
Selon l'un des manifestants, lorsqu'ils étaient dans le bus, les policiers les ont insultés et ont menacé de leur casser les bras et les jambes. Les manifestants ont également indiqué que l'un d'eux soufrait d'une blessure à la tête et avait perdu connaissance pendant que la police le frappait. Certains manifestants auraient subi des électrochocs et trois autres auraient été fouillés à corps au poste de police. Selon des avocats, des ecchymoses et des blessures étaient visibles sur les corps des manifestants placés en détention préventive.
Front Line Defenders est extrêmement préoccupée par l'actuelle criminalisation des manifestants pacifiques qui défendent les droits humains en Turquie. Front Line Defenders pense que les manifestants sont pris pour cible pour avoir exercé leurs droits fondamentaux à la liberté d'expression et de rassemblement pacifique, garantis par le droit national et international. Nous appelons les autorités turques à abandonner toutes les charges portées contre les manifestants et à mener immédiatement une enquête minutieuse et impartiale sur les allégations, dans le but de traduire les coupables en justice conformément aux normes internationales. Nous appelons les autorités à garantir qu'en toutes circonstances, tous-tes les défenseur-ses des droits humains en Turquie puissent mener à bien leur travail légitime, sans craindre ni restrictions ni représailles.