Assassinat de la défenseuse des droits humains Elizabeth Ibrahim Ekaru
C’est avec une profonde inquiétude et une profonde tristesse que Front Line Defenders a appris le meurtre de la défenseuse des droits humains Elizabeth Ibrahim Ekaru, le lundi 3 janvier 2022.
Elizabeth Ibrahim Ekaru défendait les droits des femmes, la paix ainsi que l’environnement et le droit à la terre dans le comté d’Isiolo, au Kenya. Dans le passé, Elizabeth a été reconnue pour son travail, recevant la Mention élogieuse du chef d’État pour son courage et son rôle clé dans la défense des droits humains au Kenya. Elle faisait également partie du National Network of Women Human Rights Defenders (Réseau national des femmes défenseuses des droits humains), qui est lié à la Defenders Coalition of Kenya.
Elizabeth a été assassinée le lundi 3 janvier 2022, prétendument par son voisin au sujet d’une parcelle de terre contestée. La défenseuse des droits humains, mère de cinq enfants, a été poignardée à mort à Kambi Garba dans le comté d’Isiolo, au Kenya, alors qu’elle assistait à un enterrement. Le suspect est actuellement détenu au poste de police d’Isiolo en attendant d’être traduit devant le tribunal d’Isiolo, et restera en garde à vue pendant 14 jours pour permettre à la police de conclure l’enquête. L’affaire sera présentée lors d’une audience le 20 janvier 2022.
Le meurtre d’Elizabeth Ibrahim Ekaru met en lumière la nature omniprésente de la violence contre les défenseuses des droits humains au Kenya. Son assassinat, qui aurait été perpétré alors qu’elle défendait le droit à la terre, est un véritable témoignage des risques, des défis et des attaques auxquels les femmes défenseuses des droits humains continuent de faire face dans le cadre de leur travail. Sa mort est également un exemple du prix que paient les défenseuses pour protéger les droits humains et faire progresser les droits sociaux, économiques, culturels et politiques inscrits dans la Constitution kényane de 2010. Front Line Defenders est préoccupée par l’escalade des attaques contre les femmes et en particulier contre les défenseuses des droits humains au Kenya.
Le 15 juillet 2021, la défenseuse des droits humains et écologiste Joannah Stutchbury, originaire du comté de Kiambu, a été brutalement assassinée pour avoir lutté contre l’injustice environnementale dans la forêt de Kiambu. Bien que le gouvernement kényan, par l’intermédiaire du Bureau du Président et du Directeur des enquêtes criminelles, ait promis une enquête rapide et la conclusion de l’affaire pour s’assurer que des mesures soient prises contre l(es) auteur(s), il n’y a eu aucune arrestation liée à son assassinat.
En août 2021, deux défenseuses des droits humains et militantes écologistes, Anastacia Nambo et Kavumbi Munga, de la région d’Owino Ohuru, dans la région côtière, ont également été attaquées alors qu’elles cherchaient à obtenir justice pour les résidents et les victimes de la pollution environnementale dans les bidonvilles d’Owino Ohuru, à Mombasa. Anastacia Nambo a reçu des menaces de mort qui ont suscité de graves inquiétudes pour sa vie et celle de sa famille en raison de son activisme et de sa lutte pour la défense du droit à la terre et de l’environnement de sa communauté. Kavumbi Munga est également devenue une cible et a reçu plusieurs menaces pour son plaidoyer en faveur de la justice environnementale pour les résidents d’Owino Uhuru. En 2018, elle a été agressée chez elle par des inconnus armés de machette.
Elizabeth Ibrahim Ekaru était un modèle de bravoure et de passion des défenseuses des droits des humains kényanes qui continuent de mener à bien leur travail légitime pour les droits des femmes en dépit des risques auxquels elles sont confrontées et sans garanties de sécurité adéquates de la part des autorités kényanes. Front Line Defenders salue ces défenseuses des droits humains et adresse ses plus sincères condoléances à la famille, aux amis et aux collègues d’Elizabeth Ibrahim Ekaru.
En outre, Front Line Defenders exhorte :
1. Le Bureau du Président à charger le Bureau du Directeur des Enquêtes criminelles de mener une enquête approfondie et à veiller à ce que le meurtre d’Elizabeth Ibrahim Ekaru soit traduit en justice, mais aussi qu’il rende public son rapport de situation dans les meilleurs délais ;
2. Le Bureau du Président, en collaboration avec le ministère de l’Environnement et des Forêts du Kenya, à condamner publiquement et à déclarer alarmant l’assassinat des défenseuses des droits humains au Kenya et à considèrer la question comme critique ;
3. Le parquet général à accélèrer le processus de révision et d’adoption de la Politique sur les Défenseurs des Droits Humains, qui donne des orientations sur le travail de tous les défenseur-ses des droits humains, y compris les femmes, et assure leur protection par l’État ;
4. Le Bureau du Président, à travers ses bureaux de soutien, à faire le point sur l’avancement de l’affaire du meurtre de Joannah Stutchbury et de toutes les affaires de féminicides au Kenya.