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14 Juin 2024

La Cour de cassation marocaine doit annuler le refus arbitraire du barreau d’Agadir d’accorder au défenseur des droits humains sahraoui Mhamed Hali le droit d’exercer le droit

Les organisations soussignées sont préoccupées par la situation du défenseur des droits humains sahraoui Mhamed Hali, qui est arbitrairement privé de son droit d’exercer en tant qu’avocat dans le système judiciaire marocain en raison des opinions qu’il a exprimées en faveur du droit à l’autodétermination du peuple du Sahara occidental.

Suite au refus du barreau d’Agadir en février 2020 d’accepter la demande d’adhésion de Mhamed Hali et suite à l’appel du défenseur des droits humains en 2021, l’affaire est restée devant la Cour de cassation marocaine pendant trois ans, une attente inhabituellement longue. L’affaire a été soudainement réactivée en mai 2024 et une audience a été programmée devant la Cour de cassation marocaine pour le 27 juin 2024.

Mhamed Hali est membre de la Ligue pour la protection des prisonniers politiques sahraouis (LPPS) et de l’Association sahraouie des victimes des violations graves des droits de l’Homme (ASVDH), deux organisations qui dénoncent les graves violations des droits humains dans la région, notamment témoignant devant les Nations unies et le Parlement européen. Il y a de bonnes raisons de penser que le travail de Mhamed Hali dans le domaine des droits humains et son soutien affiché au droit à l’autodétermination sont les principales raisons pour lesquelles on lui interdit aujourd’hui d’exercer la profession d’avocat.

En octobre 2019, Mhamed Hali a déposé une demande d’adhésion au barreau d’Agadir. Bien qu’il réponde à tous les critères légaux requis pour exercer la profession d’avocat devant les tribunaux marocains, le défenseur a été surpris d’apprendre en février 2020 que le barreau d’Agadir avait rejeté sa demande.

La décision du barreau se fonde sur un rapport fourni par les services de renseignement marocains, qui indique que « le candidat concerné est bien connu pour ses attitudes séparatistes et contre l’intégrité territoriale ». Sur la base de ce rapport, le barreau a conclu que Mhamed Hali « a violé l’obligation de respecter l’intégrité territoriale du Royaume, un pilier des principes de la nation » et qu’il a également « défendu les revendications séparatistes par des mots et des actions par le biais de déclarations, d’actions, de pratiques et de positions claires ». Bien qu’il remplisse toutes les conditions légales d’admission, y compris le fait de ne pas avoir de casier judiciaire et de ne pas faire l’objet d’une enquête, le barreau a conclu que le défenseur était inapte à exercer la profession d’avocat, en contradiction directe avec les articles 5 et 11 de la loi marocaine n° 28.08.

Cette décision constitue un traitement discriminatoire à l’égard de Mhamed Hali ; cela porte atteinte à son droit à la liberté d’expression et le prive du droit d’accès à la pratique du droit sur la base de considérations politiques subjectives. La décision crée également un précédent dangereux pour l’indépendance des avocats au Maroc en général, et pour les avocats sahraouis en particulier, ce qui affectera le droit à la défense des Sahraouis, en particulier les défenseur⸱ses des droits humains sahraouis.

L’ancien Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats, Diego Garcia, et la Rapporteuse spéciale sur la liberté d’opinion et d’expression, Irene Khan, ont déjà fait part au gouvernement marocain de leur profonde préoccupation concernant la privation arbitraire de licence de Mhamed (Al MAR 3/2022, 4 octobre 2022, Affaire Mhamed Hali). Tout en se référant au refus de licence directement lié aux opinions exprimées, les experts de l’ONU ont déclaré que cette affaire constituait une grave violation des normes internationales relatives à l’exercice libre et indépendant de la profession d’avocat. « Selon ces normes, les États doivent mettre en place toutes les mesures appropriées pour veiller à ce que les avocats soient en mesure d’exercer toutes leurs fonctions professionnelles sans intimidation, entrave, harcèlement ou ingérence indue. Les avocats, comme les autres citoyens, ont le droit à la liberté d’expression, de croyance, d’association et de réunion », ont insisté les experts de l’ONU.

Le refus d’accorder à Mhamed Hali l’admission au barreau d’Agadir, au Maroc, sur la base de ses opinions politiques, s’inscrit dans le cadre de la persécution systématique par le Maroc des défenseur⸱ses des droits humains sahraouis, y compris des avocats, comme l’ont documenté les mécanismes des Nations unies pour les droits humains. Dans une déclaration commune de 2021, les experts de l’ONU ont décrié « le ciblage systématique et implacable des défenseur⸱ses des droits humains en représailles à l’exercice de leurs droits à la liberté d’association et d’expression pour promouvoir les droits humains au Sahara occidental ». Ils ont exhorté le Maroc à « cesser de cibler les défenseur⸱ses des droits humains et les journalistes qui défendent les questions de droits humains liées au Sahara occidental, et à leur permettre de travailler sans être la cible de représailles », et l’expert de l’ONU sur les défenseur⸱ses des droits humains a déploré dans un communiqué de presse public que les rapports reçus « équivalent à des violations de la loi et des normes internationales relatives aux droits humains et vont à l’encontre de l’engagement du gouvernement marocain envers le système de l’ONU dans son ensemble ».

Nous demandons instamment au Maroc de veiller à ce que Mhamed Hali bénéficie d’un procès équitable et que son droit à la liberté d’expression soit respecté. Nous soulignons que les avocats, comme les autres citoyens, ont droit à la liberté d’expression, de croyance, d’association et de réunion.

Nous demandons également au Maroc de mettre fin à la répression contre la société civile, en particulier contre les défenseur⸱ses des droits humains sahraouis dans le territoire occupé, y compris les juristes et les avocats sahraouis, et de veiller à ce qu’ils soient en mesure de mener leur travail en faveur des droits humains sans risque de représailles et d’acharnement judiciaire.

Comme l’a recommandé l’expert indépendant sur la solidarité internationale (A/HRC/56/57), « les États devraient éliminer la criminalisation des expressions et symboles de solidarité internationale et les appels à rendre des comptes pour les violations des normes de droit international public, telles que les appels à la paix, à l’autodétermination ou à la décolonisation […] », en se référant au cas du Sahara occidental.

Par cet appel, nous invitons également les autres organisations concernées par la sécurité des défenseur⸱ses des droits humains, des juristes et des avocats à prendre des mesures urgentes avant l’audience du 27 juin 2024.

Signé par :

Front Line Defenders

International Bar Association Human Rights Institute

International Service for Human Rights

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