Communiqué-Tunisie: La journaliste et défenseuse des droits humains Arroi Baraket inculpée
Le 30 Septembre 2021, le procureur général de Tunis a informé Arroi Baraket que son audience aura lieu le 22 Octobre 2021. La défenseuse des droits humains devra faire face à des accusations aggravées d'agression avec "extrême violence contre un fonctionnaire public". Entre-temps, la plainte déposée par Arroi Baraket le 22 Septembre 2021 devant le procureur de la République concernant l'agression violente dont elle a été victime de la part d'un agent de police le 17 Septembre 2021 à Tunis n'a toujours pas été traitée.
Arroi Baraket est une défenseuse des droits humains, journaliste et militante des droits des femmes en Tunisie. Elle est également la chargée de communication du Minority Rights Group Groupe (MRG) en Tunisie. Elle a activement couverte les manifestations anti-gouvernementales qui ont lieu depuis Décembre 2020 jusqu'aux plus récentes du mois de Septembre 2021 sur l'avenue Habib Bourguiba. Elle a vivement critiqué les politiques de sécurité du gouvernement à l'égard des manifestations pacifiques et légitimes.
Le 21 Septembre 2021, Arroi Baraket a témoigné devant le procureur général au tribunal de première instance de Beb Bnet, à Tunis. Le procureur général a estimé qu'il y avait des irrégularités de procédure dues au fait que la plainte d'Arroi Baraket a été déposée dans la meme juridiction que le lieu de l'incident. Afin de permettre une enquête impartiale, le procureur a demandé a ce que la procédure concernant Arroi Baraket soit reprise dans un lieu impartial, la garde nationale au Bardo. Par conséquent, Arroi Baraket ainsi que les deux témoins se sont rendus à la garde nationale et ont refait leur déposition. Le 28 septembre 2021, Arroi Baraket a été invité à se présenter à nouveau devant le procureur général du tribunal de première instance de Tunis. Le 30 septembre 2021, la date de l’audience a été fixée au 22 Octobre 2021. Aussi, le 22 Septembre 2021, Arroi Baraket a pu déposer sa propre plainte auprès du procureur de la Republique contre le policier qui l’a agressé.
Le 17 septembre 2021, Arroi Baraket était en train de rentrer chez elle en voiture avec deux ami.e.s lorsqu’ils/elles ont été arrêté.e.s par une patrouille de police, quelques minutes après le début du couvre-feu imposé par les autorités pour répondre à la pandémie COVID-19. Après avoir signé le PV de l’amende Arroi Baraket a vu qu'il y avait d'autres voitures dans la rue qui n'étaient pas arrêtées par la police. Alors qu'elle commençait à filmer la rue, la porte de sa voiture a été ouverte et un officier s'est jeté sur elle et l’a frappe à plusieurs reprises en essayant de lui prendre son téléphone. Bien qu'Arroi Baraket ait assuré l'officier qu'elle ne faisait que filmer la rue et non la police, celui-ci a continué à la frapper jusqu'à ce qu'il prenne son téléphone. Pendant l'incident, la défenseuse des droits humains a soulignée qu'elle était journaliste et qu'elle avait le droit de filmer dans les espaces publics.
Par la suite, Arroi Baraket s'est adressée aux autres agents présents sur les lieux pour déposer une plainte au sujet de l'agression. Elle a exigé que son téléphone lui soit restitué afin qu'elle puisse contacter un avocat pour l'accompagner au poste de police le plus proche où elle pourrait officiellement porter plainte. Cependant, l'agent a continué à l'insulter, à l'intimider, à la photographier et à se moquer d'elle en utilisant un langage misogyne. Plus tard dans la nuit, Arroi Baraket, accompagnée de son avocat, s'est rendue au poste de police du quartier d'Al-Khadra dans l'intention de déposer une plainte contre l'agent. À son arrivée, Arroi Baraket a appris qu'elle était accusée et que sa plainte en tant que victime avait été ignorée. Le lendemain matin, à 5 heures, elle a été présentée au parquet de Tunis en tant qu'accusée. Après avoir été interrogée par le procureur général adjoint, elle a été libérée et on lui a demandé de se présenter devant le parquet le Mardi 21 Septembre 2021.
Front Line Defenders et MRG pensent que les charges retenues contre Arroi Baraket sont directement liées au fait qu'elle est défenseuses des droits humains et journaliste. Les organisations signataires sont également préoccupées par le fait que les charges retenues contre Arroi Baraket s'inscrivent dans un schéma plus large d’harcèlement subi par les défenseuses des droits humains basé sur la discrimination de leur genre, et, dans ce cas, d'utilisation des forces de sécurité de l'Etat pour intimider les femmes journalistes et les empêcher de défier l'autorité masculine. Malheureusement, le cas d'Arroi Baraket n'est pas un incident isolé, et s'inscrit dans une politique d'impunité et une culture de l’harcèlement et de l'intimidation par la police dans le pays.
Front Line Defenders et MRG demandent aux autorités tunisiennes d'abandonner immédiatement toutes les charges contre Arroi Baraket et de mener une enquête immédiate et impartiale contre le policier qui l'a attaqué pour avoir filmé la rue avec son téléphone.