Déclaration conjointe — Pakistan : Le gouvernement n’a pas respecté les conclusions du Groupe de travail des Nations Unies pour mettre fin à la persécution de Muhammad Ismail et de sa famille
CIVICUS, l’alliance mondiale de la société civile et Front Line Defenders, appellent le gouvernement pakistanais à se conformer immédiatement aux recommandations du Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire (GTDA) pour l’affaire du défenseur des droits humains Muhammad Ismail et à mettre fin à tous les actes de harcèlement contre lui et sa famille.
Il y a un an, le GTDA de l’ONU a jugé que l’arrestation et la détention de Muhammad Ismail étaient arbitraires. Dans son avis adopté en septembre 2021, le Groupe de travail des Nations Unies a conclu que Muhammad Ismail était visé pour son travail en faveur des droits humains et que sa détention contrevenait aux normes internationales en matière de droits humains, en particulier à la Déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH) et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), ratifiés par le Pakistan.
Muhammad Ismail, défenseur des droits humains pakistanais et père de la défenseuse des droits humains Gulalai Ismail, est victime d’acharnement judiciaire depuis 2019. Muhammad Ismail est pris pour cible en raison de son propre travail et du travail de sa fille, Gulalai Ismail, qui a été forcée de fuir le Pakistan en 2019, en raison des risques graves qui pesaient contre sa vie. Il fait face à des allégations de cybercriminalité pour avoir pris position contre les institutions gouvernementales. Il est également sous le coup d’accusations fabriquées de toutes pièces liées à la sédition ainsi qu’à la loi de 1997 contre le terrorisme (LAT), pour financement présumé du terrorisme, pour publication et diffusion de documents contre l’État et pour aide et apologie d’actes terroristes.
Un an après la publication de l’avis du Groupe de travail des Nations Unies, les autorités continuent à ignorer ses conclusions et à persécuter Muhammad Ismail devant des tribunaux en vertu de fausses accusations. De plus, ses audiences sont souvent retardées et ajournées, ce qui cause d’énormes difficultés. Nous exhortons le gouvernement à abandonner toutes les accusations et à mettre fin à la répression à laquelle il fait face.
Parmi ses principales conclusions, le GTDA des Nations Unies estime que l’arrestation et la détention de Muhammad Ismail sont arbitraires et qu’elles relèvent des catégories I (sans fondement juridique suffisant), II (pour l’exercice de ses droits garantis par le PIDCP), III (son droit à un procès équitable) et V (pour son travail en tant que défenseur des droits humains et son lien avec sa fille Gulalai Ismail).
Le Groupe de travail des Nations Unies a conclu qu’il a été victime de disparition forcée, et que son droit de contester la légalité de sa détention en vertu des paragraphes 9 (3) et (4) du PIDCP, ainsi que son droit à intenter un recours effectif en vertu de l’article 8 de la DUDH et du paragraphe 2 (3) du Pacte, ont été violés. De plus, sa détention provisoire pendant plus de deux mois (du 2 février au 15 avril 2021) n’était pas dûment constituée et n’avait donc aucune base légale.
Le groupe a également déclaré que sa conduite relève du droit à la liberté d’opinion et d’expression protégé par l’article 19 de la DUDH et l’article 19 du PIDCP ; qu’il a été privé de son droit à bénéficier d’un procès équitable sans retard injustifié et qu’il a été détenu pour des motifs discriminatoires, sur la base de son statut de défenseur des droits humains et de ses opinions politiques ou autres, ainsi que de ses liens de naissance ou familiaux, contrairement aux articles 2 et 7 de la DUDH et aux articles 2 (1) et 26 du PIDCP.
Dans le rapport, le GTDA a également noté avec inquiétude les accusations portées contre l’épouse de Muhammad Ismail, Uzlifat Ismail, ainsi que les mesures prises contre Gulalai Ismail pour son plaidoyer en faveur de la communauté pachtoune. Il a recommandé au gouvernement pakistanais de mener une enquête complète et indépendante sur la détention arbitraire de Muhammad Ismail et de prendre les mesures appropriées contre les personnes responsables d’avoir bafoué ses droits. Le GTDA a également appelé le gouvernement à lui proposer immédiatement un recours.
Les défenseur⸱ses des droits humains au Pakistan ne devraient pas être harcelés et intimidés lorsqu’ils accomplissent leur travail et exercent leurs libertés fondamentales. Nous exhortons le gouvernement de Shehbaz Sharif, qui s’est engagé à garantir la liberté d’expression, à prendre des mesures immédiates pour mettre en œuvre sans délai les recommandations du Groupe de travail des Nations Unies.
Muhammad Ismail est l’un des visages de la campagne internationale de CIVICUS #StandAsMyWitness, appelant à la libération des défenseur⸱ses des droits humains emprisonnés à travers le monde.