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14 Octobre 2022

Déclaration conjointe — Stop à la persécution : Les autorités iraniennes doivent immédiatement libérer les technologues et les défenseur·ses des droits numériques

Nous, les organisations de défense des droits humains soussignées, condamnons fermement la persécution, le harcèlement et l’arrestation impitoyables des technologues et des défenseur·ses des droits numériques par les autorités iraniennes dans le contexte de la répression meurtrière des manifestations nationales, et exigeons leur libération immédiate et inconditionnelle. 

Dans une tentative d’écraser le soulèvement populaire et de restreindre davantage l’activité sur Internet et les flux d’information, les autorités iraniennes intensifient leur répression violente contre les gens à travers l’Iran, et ciblent désormais les experts et les technologues d’Internet. À ce jour, les autorités iraniennes ont arrêté un nombre alarmant d’ingénieurs technologues et d’administrateurs de réseaux qui défendent les droits numériques en Iran. Les personnes détenues ont critiqué les restrictions sur Internet, exprimé leur soutien aux manifestations ou plaidé pour les droits numériques. Nous sommes préoccupées par la pression croissante sur cette communauté, y compris les journalistes et blogueurs spécialistes de la technologie, ainsi que la suppression de leurs critiques contre les autorités. Toute tentative d’enquête ou d’appeler à la transparence sur les questions de répression numérique ou des manifestations est brutalement réprimée. Le Monde ne peut laisser la République islamique d’Iran normaliser ce genre de persécution. Le gouvernement doit libérer ces détenus immédiatement.

Des technologues de renom, des défenseur·ses des droits numériques et des experts de l’accès à Internet ont été arrêtés par les autorités depuis le début des manifestations suite à la mort de Mahsa (Jhina) Amini, 22 ans, en détention. 

Le 5 octobre, les autorités ont arrêté Amiremad (Jadi) Mirmirani, blogueur et l’un des principaux technologues et défenseur des droits numériques en Iran. Selon un membre de sa famille sur Instagram, les autorités ont pris d’assaut la maison de M. Mirmirani et l’ont arbitrairement arrêté : « Aujourd’hui, à 14 heures, ils ont sonné à la porte et ont dit qu’il y avait une fuite de gaz. Nous nous sommes approchés de la porte et ils nous ont attaqués. Ils sont entrés avec force en nous intimidant et en nous menaçant d’utiliser des pistolets paralysants et des armes à feu sur nous. Ils sont entrés sans mandat et ont emmené Jadi sans aucune justification juridique. » 

Pendant ces manifestations, Aryan Eqbal, un autre spécialiste de la technologie et de l’accès à Internet, a été arrêté et agressé physiquement. L’épouse de l’expert Eqbal a souligné que son mari n’était impliqué dans aucune activité illégale permettant de justifier son arrestation. Elle a déclaré au journal Shargh : « La seule préoccupation d’Aryan a toujours été le droit des gens à un libre accès à Internet. Et cela non seulement dans son propre pays, mais dans le monde entier. Il n’a fait qu’exprimer son opposition au projet de loi sur la protection et aux perturbations et limites imposées à son peuple pour accéder à Internet, rien d’autre. »

De nombreux technologues et défenseur·ses des droits numériques arrêtés ont exprimé leur opposition au projet de loi draconien sur la protection des utilisateurs. Parmi les éléments les plus alarmants du projet de loi figure la politique visant à bloquer tous les services étrangers qui refusent de coopérer avec les autorités, ainsi qu’à criminaliser et à désactiver l’utilisation de la technologie de contournement (comme les VPN) — deux politiques qui définissent le contour des restrictions d’Internet pendant ces manifestations. Le projet de loi est en cours de ratification au Parlement iranien depuis plus de deux ans, mais en raison des critiques et de l’opposition à l’échelle nationale et internationale, ses politiques sont appliquées discrètement

Les politiques et le développement découlant de ce projet de loi répressif facilitent de nouvelles méthodes inquiétantes de perturbations d’Internet pendant les manifestations. Ces nouvelles méthodes comprennent la désactivation d’Internet au moyen de couvre-feux de réseau mobile, car la majorité des internautes utilisent les données mobile pour accéder à Internet. De plus, nous sommes témoins d’attaques concertées et sophistiquées visant à désactiver les VPN — coupant la dernière planche de salut à des services Internet étrangers et sécurisés, notamment Instagram et WhatsApp (récemment bloqués pendant ces manifestations). 

La répression numérique de l’Iran pendant les manifestations nationales est sévère. La censure intense sur Internet, ainsi que les interruptions et les coupures partielles et intermittentes depuis le 16 septembre, a des répercussions extrêmes sur la libre circulation de l’information et de la documentation. Ces attaques contre les technologues sont une nouvelle escalade effrayante de la répression de la République islamique d’Iran contre les droits humains et éliminent tout espoir de droits numériques. 

Nous sommes profondément alarmés par la répression violente et effrénée et par l’usage illégal de la force meurtrière à travers l’Iran contre les manifestants et les passants qui ne représentent pas une menace imminente de mort ou de blessures graves ; nous sommes aussi préoccupés par l’arrestation violente et la détention arbitraire des défenseur⸱ses des droits humains et des droits numériques et par les restrictions d’Internet. Depuis le début des manifestations nationales il y a trois semaines, les groupes de défense des droits humains ont signalé le meurtre d’au moins 201 manifestants et spectateurs, dont au moins 23 enfants. Il semble que le nombre de morts soit plus élevé. Les autorités iraniennes ont également arrêté arbitrairement plus de soixante-dix défenseurs des droits humains, en plus d’au moins 40 journalistes et étudiants militants, dont certains sont déjà accusés d’avoir « agi contre la sécurité nationale ». Des milliers de personnes auraient été arrêtées. 

Cette dernière répression contre les technologues et les défenseur·ses des droits numériques est un signe effrayant qu’aucune voix ou forme d’expression n’est épargnée dans cette répression brutale.   

Le gouvernement iranien doit immédiatement libérer les technologues détenus et toutes les personnes arrêtées arbitrairement pour avoir exercé leurs droits et elles doivent mettre fin à cette violente répression des manifestations, en ligne et hors ligne. Les autorités iraniennes doivent faire l’objet d’une enquête indépendante et criminelle pour avoir commis, en toute impunité, des crimes graves en vertu du droit international et d’autres violations graves des droits humains.

Signataires :

Access Now

ARTICLE19

Electronic Frontier Foundation (EFF) 

Front Line Defenders