Des organisations internationales de défense des droits humains demandent des avancées sur la situation des droits humains au Nicaragua un an après le début de la crise
San José, 24 avril 2019 - Douze mois après le début de l'importante mobilisation citoyenne au Nicaragua en faveur de la justice, de la liberté et de la démocratie, des organisations internationales dénoncent le fait que le pays reste plongé dans une grave crise sociale et politique qui bafoue gravement les droits humains des Nicaraguayens.
Le 18 avril a marqué le 1er anniversaire du début d'une profonde crise politique et des droits humains, sans précédent dans l'histoire récente du Nicaragua, qui laisse un bilan dramatique en raison de la forte répression par le gouvernement des manifestations et des revendications sociales en matière de démocratie, de justice et de respect des droits humains.
Selon des informations communiquées par la Commission interaméricaine des droits humains (CIDH), à ce jour, la crise a fait un total de 325 morts ; plus de 3000 blessés ; un nombre indéterminé de disparus ; 777 personnes arbitrairement détenues et poursuivies. Selon les organisations de la société civile, 230 des personnes arrêtées ont été libérées et sont en résidence surveillée, tandis que plus de 500 sont toujours en détention. En outre, plus de 300 professionnels de la santé ont été licenciés ; 144 étudiants de l'Université nationale autonome du Nicaragua (Universidad Nacional Autónoma de Nicaragua, UNAN) ont été expulsés ; plus de 70 journalistes et professionnels des médias ont été contraints à l'exil ; et environ 62 000 Nicaraguayens ont été déplacés de force en quête d'un refuge dans les pays voisins, principalement au Costa Rica.
Selon le rapport du Groupe international d'experts indépendants pour le Nicaragua (Grupo Internacional de Expertos Independientes para Nicaragua, GIEI), créé en vertu d'un accord entre le gouvernement du Nicaragua, la Commission interaméricaine des droits humains (CIDH) et l'Organisation des États américains (OEA), la gravité des violations des droits humains résultant des actions des forces de sécurité et des groupes paramilitaires liés au gouvernement a entraîné des crimes contre l'humanité au Nicaragua. Il est important de garder à l'esprit que ce type de crime représente le plus grand nombre d'atteintes des droits humains en vertu du droit international, en raison de son extrême gravité et de son exécution intentionnelle et généralisée à l'encontre de la population civile.
Un an après le début de la crise et au vu des graves violations des droits humains dont la population est victime, les organisations signataires regrettent que l'État du Nicaragua continue de réprimer ceux qui manifestent pacifiquement, les organisations de la société civile, les médias et tout autre groupe social qui réclame justice et démocratie.
De plus, nous dénonçons le manque d'engagement de l'État vis-à-vis de ses obligations internationales. Il convient de rappeler que, depuis l’arrivée de la CIDH et du HCDH dans le pays, plusieurs mois après le début de la crise, ces organes se sont heurtés à un certain nombre d'obstacles et de restrictions pour documenter les graves atteintes aux droits humains et pour assister l'État à faire appliquer la justice, aboutissant à l’expulsion des deux organisations de défense des droits humains du pays et empêchant le suivi et la surveillance de la situation dans la région.
Depuis lors, le travail sans relâche des organisations et des défenseurs des droits humain au niveau local résiste aux tentatives du gouvernement de faire taire la voix de ceux qui dénoncent la situation grave que traverse le Nicaragua. À l'occasion de l'anniversaire du début des mobilisations citoyennes, nous, les organisations internationales signataires de cette déclaration, compatissons à la douleur de toutes les victimes de la crise et exprimons notre soutien à la lutte pour un Nicaragua libre de toute répression et favorable aux droits humains pour tous les Nicaraguayens.
En réaffirmant notre volonté de maintenir une surveillance internationale des actions et des responsabilités internationales de l'État du Nicaragua, les organisations signataires demandent au gouvernement nicaraguayen de :
Premièrement : Cesser la répression et la criminalisation des manifestations sociales, de garantir la vie, la sécurité et l'intégrité de la population nicaraguayenne en mettant fin à l'état d'urgence de facto dans le pays.
Deuxièmement : Libérer immédiatement toutes les personnes emprisonnées pour des raisons politiques, et en annulant toutes les procédures intentées à leur encontre, afin de garantir que leurs casiers judiciaires rentent vierges. Nous demandons aussi au gouvernement de s'abstenir de harceler ou de surveiller les personnes libérées ; et de garantir leur droit à la vie et à l'intégrité face à de possibles agressions.
Troisièmement : Garantir la liberté de manifester et de rassemblement du peuple du pays, inscrite dans la constitution du Nicaragua, conformément à ses obligations internationales.
Quatrièmement : Reconstituer les entités juridiques des organisations de la société civile qui ont été annulées de manière arbitraire ; ainsi que la restitution de leurs avoirs et biens confisqués.
Cinquièmement : Garantir la liberté d'expression par le biais du libre exercice de la presse, en évitant de criminaliser ou de persécuter les journalistes ; par la restitution des bureaux et des informations confisqués ; et en levant le blocus douanier sur les actifs de la presse écrite.
Sixièmement : Garantir la participation et la validation des victimes à chacune des décisions adoptées dans le cadre du processus de réparation ou de justice découlant des violations des droits humains commises.
Septièmement : Autoriser le retour de la CIADH et des mécanisme du Haut commissariat aux droits de l'Homme relatif à la protection et au respect des droits humains.
Organisations Signataires :
Centro Por la Justicia y el Derecho Internacional (CEJIL)
Due Process of Law Foundation (DPLF)
Front Line Defenders
Iniciativa Mesoamericana de Mujeres Defensoras de Derechos Humanos (IM-Defensoras)
Institute on Race, Equality and Human Rights (Race and Equality)
Oficina en Washington para Asuntos Latinoamericanos (WOLA)
Oxfam International
Plataforma Internacional Contra la Impunidad
Unidad de Protección a Defensoras y Defensores de Derechos Humanos, Guatemala (UDEFEGUA)