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2 Avril 2020

Déclaration conjointe à propos de la liberté personnelle de Wang Quanzhang après sa libération

L'avocat en droits humains chinois Wang Quanzhang devrait être libéré après avoir purgé sa peine le 5 avril 2020. Wang Quanzhang a été arrêté lors de la vague de répression des 709 (709 Crackdown) en 2015. Après avoir été détenu secrètement pendant plus de 1200 jours, il avait été jugé à huis clos le 26 décembre 2018 et condamné à quatre ans et six mois de prison en janvier 2019, ainsi qu'à la privation de ses droits politiques pendant cinq ans.

  1. Pour garantir que son traitement après sa libération soit conforme à la loi chinoise et aux normes internationales relatives aux droits humains, nous - les organisations soussignées - exhortons le gouvernement chinois à :
  2. Respecter les souhaits et les droits fondamentaux de Wang Quanzhang et de sa famille, et permettre à Wang de retourner immédiatement à Pékin pour retrouver sa femme et son fils ;
  3. Respecter et assurer la protection des libertés personnelles de Wang Quanzhang et de sa famille, en particulier leur liberté de mouvement ;
  4. Garantir que Wang Quanzhang ou sa famille ne seront pas assignés à résidence ni surveillés constamment;
  5. Protéger Wang Quanzhang et sa famille contre toute forme de harcèlement ou de persécutions futurs ;
  6. Garantir un droit égal à l'éducation pour le fils de Wang Quanzhang.

Qui est Wang Quanzhang?

Wang Quanzhang a commencé à exercer son métier d'avocat en 2007 à Pékin et a fréquemment pris en charge des affaires politiquement sensibles relatives aux droits humains, y compris, mais sans s'y limiter, celles concernant la liberté de religion, le droit à la terre et la liberté de la presse. Il a également rédigé des articles d’analyse politique sous un pseudonyme, ainsi que des rapports sur la société civile chinoise. Au cours de la répression des 709, Wang a été arrêté par la police le 3 août 2015 et a été officiellement inculpé de "subversion du pouvoir de l'État" le 14 février 2017.

Absence de procédures régulières

Depuis son arrestation jusqu'au début de son incarcération, Wang a été détenu au secret pendant plus de trois ans et n'a pas été autorisé à rencontrer sa famille ou des avocats commis d'office. Les avocats nommés par la famille ont été licenciés, probablement sur décision des autorités, et ont eux-mêmes été la cible de représailles. La Cour a allégué que l'affaire concernait des "secrets d'État" et que, par conséquent, le procès ne serait pas ouvert au public. Bien que le tribunal ait prononcé la peine il y a plus d'un an, il n'a pas encore rendu public le document complet du verdict

Famille continuellement harcelée

Li Wenzu, l'épouse de Wang, s'est battue pour ses droits tout au long de ces années de détention, organisant plus de 30 manifestations devant la Cour suprême populaire et lançant des actions de campagne pour sensibiliser la communauté internationale et nationale au sort de son mari, et notamment une marche de 100 km de Pékin à Tianjin pour soutenir son mari. En 2017, elle et les partenaires d'autres avocats en droits humains visés par la répression des 709 ont agi sur les réseaux sociaux, où ils ont partagé des vidéos d'eux en train de se faire raser la tête. Leur "perte de cheveux" était un jeu de mots chinois, signifiant la perte de l’état de droit en Chine, et cette action directe a attiré l’attention et suscité une préoccupation nationale et internationale quant à la situation de Wang.

Tout en défendant les droits de Wang, Li et leur fils sont constamment surveillés et harcelés par des agents de la sécurité publique. La veille du procès de Wang Quanzhang, Li a été forcée à rester chez elle à Pékin et n'a pas pu assister à l'audience. Leur fils a également dû abandonner l'école deux fois en raison de la pression croissante que la police a exercée sur les écoles voisines, notamment en donnant l'ordre à tous les jardins d'enfants du district de ne pas accepter leur fils en 2016. L'enfant âgé de six ans a été exclu de l'école primaire en 2019.

Inquiétudes pour la santé

Dès 2018, l'avocat de la défense Liu Weiguo avait informé Li Wenzu, l'épouse de Wang, que ce dernier avait été forcé de prendre des médicaments inconnus pendant sa détention. En outre, il est probable que Wang ait été torturé pendant cette période. En juin 2019, après avoir vu Wang pour la première fois depuis 2015, Li Wenzu a noté que son mari avait l'air mince, sa mémoire semblait trouble et il semblait anxieux et craintif. Lors de visites ultérieures en prison, Li a vu que Wang avait perdu plusieurs dents. Des défenseur-ses des droits humains

sont violemment torturés ou victimes d'autres mauvais traitements en garde à vue et en prison. Les pratiques courantes comprennent : la médication forcée, la privation de sommeil, l'enchaînement des détenus à un dispositif de contention connu sous le nom de "banc du tigre", le placement dans une cellule d'isolement et les longs interrogatoires. Wang Yu, Li Heping et Xie Yang font partie des victimes notables.

Libéré de prison mais pas totalement libre

Il est très probable que Wang Quanzhang, à sa libération, soit contraint de se rendre à Jinan dans la province du Shandong, où son foyer est enregistré. Li Wenzu soupçonne que les autorités de la prison menacent Wang de le conduire à Shandong pour empêcher la famille de se réunir à Pékin. Li a reçu une "lettre" que Wang a ostensiblement écrite expliquant pourquoi il devrait aller à Jinan au lieu de retourner à Pékin à sa libération, une décision inhabituelle pour l'avocat axé sur la famille.

Il s'agit d'une tentative visant à isoler Wang Quanzhang de son réseau ; cette tactique a également été utilisée contre 709 autres avocats, dont l'avocat Jiang Tianyong, libéré le 28 février 2019 mais qui reste assigné à résidence dans le Henan, et qui est privé de son droit à recevoir des soins médicaux appropriés.

Selon la loi chinoise, comme l'a souligné l'avocat Jiang Tianyong, un individu libéré de prison doit être envoyé à son adresse résidentielle normale en priorité, "l'adresse résidentielle normale" étant le lieu où l'on réside depuis au moins un an. Wang vivait et travaillait à Pékin avant son arrestation, il a donc le droit et devrait être autorisé à retourner à Pékin.

La Déclaration universelle des droits de l'Homme (DUDH) garantit à tous les individus "la liberté de mouvement et de résidence à l'intérieur des frontières de [la Chine]". La garantie universelle de la liberté de circulation doit être interprétée et appliquée conformément aux décisions du Comité des droits de l'Homme des Nations Unies.1 Dans son Observation générale n°27, le Comité a déterminé que toute restriction du droit à la liberté de circulation doit être :

  1. prévue par la loi ; et,
  2. raisonnable eu égard aux circonstances particulières pour protéger la sécurité nationale, l'ordre public, la santé ou la moralité publiques ; et
  3. être proportionnée à l'intérêt à protéger ; et,
  4. compatible avec tous les autres droits reconnus ; et,
  5. temporaire.

Limiter la liberté de Wang de choisir son propre lieu de résidence n'aurait donc aucune justification légale.

L'avocat Wang et sa famille ont assez souffert.

Nous - les organisations soussignées - exhortons le gouvernement chinois à respecter l'article 37 de la Constitution de la République populaire de Chine ainsi que les articles 3 et 13 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, afin de garantir la liberté personnelle de Wang Quanzhang après sa libération, et de s'abstenir de le soumettre à une forme quelconque d'assignation à résidence, de surveillance ou de toute autre forme de contrôle sur sa liberté personnelle.

Les organisations soussignées,

China Human Rights Lawyers Concern Group Chinese Human Rights Defenders
Front Line Defenders
Human Rights Committee of Taipei Bar Association International Service for Human Rights
Human Rights Watch
Lawyers for Lawyers
Lawyers’ Rights Watch Canada
New School for Democracy
Safeguard defenders
Taiwan Support China Human Rights Lawyers Network The Rights Practice

1 Comité des droits de l'Homme de l'ONU (CDH), CCPR remarque générale No. 27: Article 12 (Freedom of Movement), 2 November 1999, CCPR/C/21/Rev.1/Add.9, disponible sur: https://www.refworld.org/docid/45139c394.html [accessed 9 March 2020]