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24 Juin 2022

Déclaration conjointe — Égypte : Mohamed El-Baqer : 1000 jours de détention arbitraire

23 juin 2022 – Le défenseur des droits humains Mohamed El-Baqer doit être libéré immédiatement et sans condition, ont déclaré 19 organisations de défense des droits humains. Sa détention est arbitraire, vise à le punir pour son travail légitime en faveur des droits humains et ne fait que mettre sa vie et son bien-être psychologique en grave danger.

Le 25 juin 2022 marquera les 1000 jours de détention arbitraire de Mohamed El-Baqer. Mohamed El-Baqer, défenseur des droits humains, avocat et directeur du Centre Adalah pour les droits et libertés, est actuellement détenu dans la prison de haute sécurité 2 de Tora au Caire, connue pour ses conditions de détention cruelles et inhumaines. Il lui est interdit de sortir de sa cellule pour marcher ou voir le soleil, et il se voit refuser l’accès à des soins de santé adéquats, un lit ou un matelas, et de l’eau chaude. Ses proches ne sont autorisés à lui rendre visite qu’une fois par mois et ne peuvent pas lui apporter des photos de famille car il n’est pas autorisé à les garder.

Le 29 septembre 2019, Mohamed El-Baqer exerçait ses fonctions d’avocat en droits humains dans les locaux de la Sûreté de l’État au Caire, où il représentait le blogueur et activiste Alaa Abdel Fattah, arrêté arbitrairement plus tôt ce jour-là, lorsqu’il a lui-même été arrêté.

Ils ont tous les deux été accusés dans l’affaire criminelle 1356/2019, en vertu d’accusations vagues et infondées qui sont très souvent utilisées pour criminaliser les voix dissidentes en Égypte, notamment : « avoir rejoint un groupe terroriste », « financement d’un groupe terroriste », « diffusion de fausses informations portant atteinte à la sécurité nationale » et « utilisation des réseaux sociaux pour commettre une infraction relative aux publications ».

Près d’un an plus tard, le 30 août 2020, Mohamed El-Baqer a été convoqué à un interrogatoire et son nom a été ajouté à l’affaire no 855/2020 pour des accusations presque identiques, une pratique des autorités égyptiennes communément appelée « rotation ».  Seulement trois mois plus tard, en novembre 2020, Mohamed El-Baqer et 27 autres militants, dont Alaa Abdel Fattah, ont été ajoutés à la « liste des terroristes » de l’Égypte, pour une période de cinq ans dans le cadre de l’affaire 1781/2019 portant sur la sécurité de l’État. En raison de cette désignation, Mohamed El-Baqer fait l’objet d’une interdiction de voyager, ses avoirs sont gelés et il lui est interdit d’accomplir un travail politique ou civique pendant cinq ans. Le 18 novembre 2021, la Cour de cassation a rejeté l’appel interjeté par ses avocats contre la décision de l’inclure sur la « liste des terroristes ».

Après plus de deux ans de détention provisoire, la Cour d’urgence de l’État pour délits mineurs a condamné Mohamed El-Baqer à quatre ans de prison, et Alaa Abdel Fattah à cinq ans, pour avoir « diffusé de fausses informations portant atteinte à la sécurité nationale » dans une autre affaire criminelle : l’affaire 1228 of 2021. Le défenseur des droits humains et blogueur Mohamed Oxygen a également été condamné à quatre ans de prison dans la même affaire. Ils ont tous été reconnus coupables d’avoir diffusé de fausses informations sur les réseaux sociaux, car l’accusation prétend qu’ils ont publié ou partagé des fausses informations sur leurs réseaux sociaux en 2019. Le verdict ne peut pas être soumis à un appel.

Le droit de Mohamed El-Baqer à bénéficier de procédures régulières a été continuellement violé par d’innombrables renouvellements injustifiés de sa détention préventive par le Procureur suprême pour la sûreté de l’État et par la Cour pénale du Caire. Ses avocats n’ont pas été autorisés à avoir une copie des dossiers avant et pendant le procès et ont donc été empêchés de facto de présenter leur défense. Le verdict ne peut pas être soumis à un appel. De plus, pendant sa détention, il a fait l’objet de menaces et de mauvais traitements.

Malgré de nombreux appels internationaux pour la libération de tous les défenseur⸱ses des droits humains détenus arbitrairement en Égypte, y compris les déclarations publiques de la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’Homme et deux résolutions du Parlement européen sur la situation des défenseurs des droits humains en Égypte, les autorités ont ignoré ces demandes. En outre, l’incapacité de l’Union européenne à fixer des critères concrets et mesurables en matière de droits humains pour faire progresser les relations bilatérales UE-Égypte contribue à l’impunité en cas de violations des droits humains en Égypte.

Les autorités égyptiennes utilisent régulièrement des tactiques répressives telles que la détention préventive prolongée, la reprise d’anciennes affaires contre les dissidents, les disparitions forcées, la torture, les procès injustes et l’acharnement judiciaire pour faire taire toutes les voix critiques, y compris par le biais d’enquêtes non fondées sur des accusations liées à la sécurité nationale et à la lutte contre le terrorisme.

Par conséquent, les organisations soussignées exhortent les autorités à libérer immédiatement et sans condition M. Mohamed El-Baqer et tous les défenseur⸱ses des droits humains détenus arbitrairement en Égypte, y compris Alaa Abdel Fattah et Mohamed Oxygen, et à mettre fin à toutes les formes de harcèlement à leur encontre. 

Enfin, nous appelons les États-Unis, l’UE et ses États membres à condamner fermement la répression contre les défenseur·ses, les journalistes et les militants politiques en Égypte et à utiliser tous les instruments à leur disposition pour faire face à la crise des droits humains dans le pays, afin de respecter leurs propres engagements en matière de droits humains.

Signataires :

ACAT-France

Cairo Institute for Human Rights Studies (CIHRS)

CIVICUS 

Committee for Justice (CFJ)

Democracy for the Arab World Now (DAWN)

Egyptian Commission for Rights and Freedoms (ECRF)

Egyptian Front for Human Rights (EFHR)

Egyptian Human Rights Forum (EHRF)

EgyptWide for Human Rights

El Nadeem Centre 

FIDH, within the framework of the Observatory for the Protection of Human Rights Defenders

Front Line Defenders

HuMENA for Human Rights and Civic Engagement 

International Service for Human Rights (ISHR)

Lawyer for Lawyers

PEN International

Project on Middle East Democracy (POMED)

The Tahrir Institute for Middle East Policy (TIMEP)

World Organisation Against Torture, within the framework of the Observatory for the Protection of Human Rights Defenders