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22 Août 2023

Lettre conjointe aux représentants de l’UE concernant les prisonniers bahreïnis en grève de la faim, notamment le DDH Abdulhadi Al-Khawaja

À l’attention de :

M. Josep Borrell Fontelles,

Haut représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité/ Vice-président de la Commission européenne

 

M. Eamon Gilmore,

Représentant spécial de l'UE pour les droits de l'Homme

 

M. Luigi Di Maio,

Représentant spécial de l'Union européenne (RSUE) pour la région du Golfe

Ministres des Affaires étrangères des États membres de l’UE,

 

Messieurs le Haut Représentant et Vice-président Borrell, le Représentant spécial Gilmore, et le Représentant spécial Di Maio,

Nous, les organisations soussignées, vous écrivons de toute urgence au sujet de la grève de la faim menée par des centaines de personnes détenues pour des raisons politiques dans la prison de Jau au Bahreïn. Nous vous demandons instamment de faire pression sur les autorités bahreïnies pour qu'elles libèrent immédiatement et sans condition toutes les personnes détenues arbitrairement en raison de leurs convictions politiques, sur la base d'accusations abusives ou à l'issue de procès manifestement inéquitables, notamment les défenseur⸱ses des droits humains Abdulhadi Al-Khawaja et Abduljalil Al-Singace, et, en attendant, qu'elles garantissent à tous les prisonniers un accès urgent à des soins médicaux et des conditions de détention humaines.

Le Bahrain Institute for Rights and Democracy, qui s'est entretenu avec des personnes détenues à la prison, ainsi qu'avec certains membres de leur famille, a constaté que les personnes détenues arbitrairement à la prison de Jau sont contraintes de supporter des conditions extrêmement difficiles, notamment de passer 23 heures par jour dans leur cellule. Les prisonniers demandent la fin de la mise à l'isolement, plus de temps hors de leur cellule, la prière en congrégation à la mosquée du bâtiment de la prison, des visites en tête à tête sans barrières de verre, des soins médicaux appropriés et l'accès à l'éducation.

Nous sommes particulièrement inquiets pour la vie d'Abdulhadi Al-Khawaja, un éminent défenseur des droits humains bahreïno-danois qui a entamé une grève de la faim pour protester contre son emprisonnement injuste et le refus continu de soins médicaux urgents pendant sa détention.

M. Al-Khawaja, cofondateur du Gulf Centre for Human Rights et du Bahrain Center for Human Rights, est injustement emprisonné depuis 12 ans. Il a été arrêté en 2011 pour son rôle dans les manifestations pacifiques lors du soulèvement en faveur de la démocratie au Bahreïn et purge actuellement une peine de prison à perpétuité dans ce pays. L’état de santé d’Abdulhadi Al-Khawaja s’est considérablement détérioré au cours de son incarcération. Il a été soumis à de graves tortures physiques, sexuelles et psychologiques.

Les autorités pénitentiaires omettent régulièrement de fournir des soins ou d’autoriser M. Al-Khawaja à accéder à un traitement médical adéquat. En février 2023, Abdulhadi Al-Khawaja a été victime d’une arythmie cardiaque ; pendant plusieurs mois, il s’est vu refuser un traitement médical adéquat, malgré la persistance de ses problèmes cardiaques et le risque de faire un arrêt cardiaque.

Le 9 août 2023, M. Al-Khawaja a entamé une grève de la faim avec des centaines d’autres détenus pour réclamer de meilleures conditions dans le centre de réhabilitation et de réforme de Jau. Deux jours plus tard, le 11 août, il a été transporté d’urgence à l’unité de soins intensifs d’un hôpital militaire du Bahreïn en raison de graves problèmes cardiaques. Le médecin de garde a souligné le danger imminent pour la vie d’Al-Khawaja et lui a administré une injection intraveineuse jusqu’à ce que son rythme cardiaque se stabilise.

Abdulhadi Al-Khawaja a ensuite été renvoyé en prison, où il poursuit sa grève de la faim. Il continue à avoir besoin de soins médicaux urgents et adéquats, que les autorités pénitentiaires ne lui fournissent pas. Selon un médecin indépendant consultant pour la famille et connaissant bien le cas et l’état de santé de M. Al-Khawaja, ce dernier pourrait ne pas survivre plus de quelques jours, compte tenu de la détérioration de son état, de ses problèmes de santé chroniques et du risque de faire un arrêt cardiaque soudain et mortel.

Nous sommes également très préoccupés par la santé du Dr Abduljalil Al-Singace, un universitaire et défenseur des droits humains bahreïni primé, qui purge une peine de prison à perpétuité au Bahreïn. Il a entamé une grève de la faim sans nourriture solide depuis le 8 juillet 2021, pour protester contre la confiscation de ses notes manuscrites par les autorités pénitentiaires. Pendant sa grève de la faim, il se nourrit de suppléments liquides multivitaminés, de thé avec du lait et du sucre, d'eau et de sel. Le Dr Al-Singace est placé à l'isolement et se voit refuser l'accès à un traitement médical adéquat, bien qu'il soit détenu dans un établissement médicalisé, le Kanoo Medical Center.

Les autorités bahreïnies, notamment le ministère de l'Intérieur, le bureau du médiateur et l'unité spéciale d'enquête, sont responsables de la détérioration des conditions de détention des personnes en grève de la faim. Le ministère de l'Intérieur supervise la prison de Jau, et son médiateur a récemment donné une image trompeuse des conditions de détention, selon l'Institut bahreïni pour les droits et la démocratie.

Le respect des droits humains est inextricablement lié aux intérêts de l'UE dans la région du Golfe, et la détention et le décès éventuel d'éminents défenseurs des droits humains bahreïnis détenus par l'État menacent ces intérêts. En décembre 2022, le Parlement européen a adopté une résolution demandant la libération de M. Al-Khawaja et du Dr Al-Singace. Cette résolution demande également à M. Borrell, en tant que Haut représentant et vice-président de l'UE, d'évoquer publiquement et en privé le cas de M. Al-Khawaja et d'exiger sa libération immédiate et inconditionnelle. L'UE s'est également engagée à soutenir les défenseur⸱ses des droits humains au niveau mondial par le biais de ses Orientations sur les défenseur⸱ses des droits humains.

Nous demandons respectueusement à l'UE de tirer parti de son partenariat étroit sur le commerce et la sécurité avec le Bahreïn et d'exhorter les autorités bahreïnies, tant en public qu'en privé, à libérer immédiatement et sans condition toutes les personnes détenues arbitrairement uniquement en raison de leurs convictions politiques, sur la base d'accusations abusives ou à l'issue de procès manifestement inéquitables, en particulier les défenseur⸱ses des droits humains Abdulhadi Al-Khawaja et Abduljalil Al-Singace, et, dans l'intervalle, de veiller à ce qu'elles reçoivent des soins médicaux adéquats et vitaux, conformément à leurs souhaits et avec leur consentement éclairé, afin d'éviter une tragédie imminente.

Merci pour le temps et l’attention que vous consacrerez à cette question urgente.

Sincères salutations,

  1. Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain (ADHRB)
  2. Amnesty International
  3. Bahrain Institute for Rights and Democracy (BIRD)
  4. Cairo Institute for Human Rights Studies (CIHRS)
  5. Democracy for the Arab World Now (DAWN)
  6. English PEN
  7. European Centre for Democracy and Human Rights (ECDHR)
  8. Freedom House
  9. Front Line Defenders
  10. Gulf Centre for Human Rights (GCHR)
  11. Human Rights First
  12. International Service for Human Rights (ISHR)
  13. PEN International
  14. Project on Middle East Democracy (POMED)
  15. Rafto Foundation for Human Rights
  16. The #FreeAlKhawaja Campaign