Inde : Arrestation du défenseur des droits humains Arul Arumugam et acharnement judiciaire contre les principaux dirigeants du mouvement paysan au Tamil Nadu
Front Line Defenders est profondément préoccupée par l’arrestation du défenseur des droits humains Arul Arumugam par la police du Tamil Nadu le 4 novembre 2023, ainsi que par son incarcération continue en vertu de multiples plaintes (First Information Reports – FIR) et en vertu de la loi régressive Goonda’s Act. Le défenseur et 20 agriculteurs/leaders communautaires ont été arrêtés en raison de leur participation à une manifestation pacifique contre l’acquisition par la force de terres par la State Industries Promotion Corporation of Tamil Nadu (SIPCOT) dans le district de Tiruvannamalai. Arul Arumugam est actuellement détenu à la prison centrale de Palayamkottai, dans le Tamil Nadu.
Arul Arumugam est un défenseur des droits humains originaire de l’État du Tamil Nadu, et un ardent défenseur des droits des agriculteurs et des communautés locales touchés par les déplacements liés aux projets de développement — en particulier la violation du droit à la terre et aux moyens de subsistance. Depuis le 2 juillet 2023, les agriculteurs locaux manifestent pacifiquement contre l’acquisition de 3 174 acres de zones humides par la SIPCOT pour la création d’un parc industriel. Les terres qui doivent être acquises par la SIPCOT s’étendent sur neuf villages agricoles, ce qui signifie que leur dépossession pourrait avoir de graves répercussions sur les moyens de subsistance des agriculteurs qui les utilisent pour leurs cultures. Au lieu d’engager un dialogue constructif avec les agriculteurs concernant leurs préoccupations, le gouvernement du Tamil Nadu a réagi en réprimant leur manifestation pacifique et en criminalisant les défenseur⸱ses des droits humains et les leaders associés à cette protestation.
Le 4 novembre 2023, vers 1 heure du matin, la police du Tamil Nadu a arrêté 21 agriculteurs, dont le défenseur des droits humains Arul Arumugam. Les agriculteurs avaient fait part de leur opposition à l’acquisition de terres par la SIPCOT. Le défenseur des droits humains et l’assemblée d’agriculteurs ont été arrêtés en vertu du FIR 324/23 déposé au poste de police d’Anakkavoor ; il est accusé d’entrave à un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions, de troubles de l’ordre public, d’avoir empêché la vente volontaire de terres au gouvernement et de dégradation de biens publics. Le FIR a été déposé le 29 août 2023 alors qu’Arul Arumugam et des agriculteurs marchaient ensemble pour assister à une audience publique organisée par l’administration du district de Tiruvannamalai. La police les a empêchés d’arriver à l’audience et les a accusés de rassemblement illégal et d’autres infractions liées. De nombreuses plaintes ont été déposées contre les agriculteurs et Arul Arumugam entre juillet et septembre 2023.
Le 14 novembre 2023, des militants de la société civile ont écrit au Premier ministre du Tamil Nadu pour demander la libération immédiate des agriculteurs arrêtés et des leaders de la manifestation.
Fait inquiétant, le 15 novembre 2023, la police a invoqué la loi de 1982 sur les Goonda à l’encontre de sept des personnes arrêtées, dont Arul Arumugam. La loi de 1982 sur la prévention des activités dangereuses des contrebandiers, des trafiquants de drogue, des Goonda, des personnes effectuant du trafic immoral, des délinquants forestiers, des délinquants du sable, des accapareurs de terres et des pirates vidéo - communément appelée Goonda’s Act (loi sur les voyous) — est une loi draconienne sur la détention préventive qui rend difficile l’obtention d’une libération sous caution devant un tribunal. Bien que les charges portées en vertu de la Goonda’s Act aient été abandonnées contre six des agriculteurs, Arul Arumugam reste accusé en vertu de cette loi.
Le 20 novembre 2023, les 20 agriculteurs et leaders arrêtés dans le cadre du mouvement de protestation se sont vu accorder une libération conditionnelle par le tribunal de district de Tiruvannamalai. Il est à craindre que l’arrestation, les multiples accusations et l’invocation de la loi sur la détention préventive aient pour but de faire pression sur les agriculteurs afin qu’ils cessent de manifester, mais aussi de réduire au silence ceux qui s’expriment pacifiquement contre les violations des droits humains dans la région. Une plainte déposée auprès de la Commission nationale des droits humains de l’Inde concernant les arrestations injustifiées et l’incarcération continue d’Arul Arumugam a été rejetée par la Commission le 30 novembre 2023, ordonnant au commissaire de la police du district de Tiruvannamalai de prendre les mesures qui s’imposent.
Front Line Defenders condamne fermement la répression des manifestations pacifiques des agriculteurs du Tamil Nadu ainsi que le maintien en détention du défenseur des droits humains Arul Arumugam à cause de son travail pacifique et légitime en faveur des droits humains. Nous demandons aux autorités indiennes de libérer immédiatement Arul Arumugam et d’annuler les accusations fabriquées de toutes pièces à son encontre et à l’encontre des 20 autres leaders de la manifestation.