Les défenseurs des droits humains font preuve d’un courage remarquable face aux attaques et aux assassinats — nouveau rapport
Au moins 401 défenseurs tués dans 26 pays à cause de leur travail pacifique en 2022
Malgré les attaques contre les droits humains et l’état de droit dans de nombreux pays, les défenseurs des droits humains (DDH) ont fait preuve d’un courage et d’une persistance remarquables en défendant des sociétés plus démocratiques, plus justes et plus inclusives en 2022, a déclaré Front Line Defenders aujourd’hui lors du lacement de son nouveau rapport.
Analyse Globale 2022, le rapport de Front Line Defenders, présente un panorama des menaces auxquelles sont confrontés les DDH dans toutes les régions du monde.
Le rapport cite également les 401 DDH tués en 2022 dans 26 pays — sur la base des statistiques du Mémorial des DDH, une initiative collective d’organisations de défense des droits humains qui œuvre pour recueillir et vérifier les données liées aux homicides de DDH chaque année.
« Un triste cap a été franchi. Pour la première fois, plus de 400 défenseurs des droits humains ont été assassinés en 2022. Alors que l’Amérique latine est restée la région la plus meurtrière au monde pour les défenseurs des droits humains, le contexte de l’invasion massive de l’Ukraine par la Russie crée un environnement encore plus dangereux pour les défenseurs », a déclaré Olive Moore, directrice intérimaire de Front Line Defenders.
« Ces défenseurs des droits humains ont été délibérément ciblés et tués en raison de leur travail pour les droits humains. Parce qu’ils choisissent de dénoncer l’injustice, ils le paient de leur vie.
Analyse Globale donne un aperçu de la portée et de la gravité des mesures de répression des États contre les défenseurs des droits humains. Mais le rapport brosse également un tableau d’une résilience remarquable — c’est un témoignage pour les DDH et leurs organisations, réseaux et mouvements sociaux qui, dans presque tous les pays, ont lutté contre l’aggravation des conditions économiques, le renforcement de l’autoritarisme et la crise climatique pour défendre les droits collectifs. »
La hausse des assassinats ciblés
En 2022, le Mémorial des DDH a enquêté sur, et vérifié, les homicides de 401 DDH commis dans 26 pays, contre 358 DDH tués dans 35 pays en 2021.
Cinq pays — la Colombie, l’Ukraine, le Mexique, le Brésil et le Honduras — comptent plus de 80 % des homicides, selon les données du Mémorial du DDH. À elle seule, la Colombie représente 46 % du total, avec au moins 186 homicides documentés et vérifiés par Somos Defensores, partenaire du Mémorial du DDH. Les défenseurs œuvrant pour le droit à la terre, les droits des peuples autochtones et l’environnement étaient la catégorie la plus fréquemment ciblée, représentant près de la moitié (48 %) du nombre total d’homicides.
Dans le contexte de l’invasion massive de l’Ukraine par la Russie, les défenseurs engagés dans l’aide humanitaire et les journalistes travaillant sur les droits humains ont également été spécifiquement ciblés ; au moins 50 assassinats commis par les forces les forces militaires russes ont été recensés.
Un large éventail de menaces
Les données d’Analyse Globale 2022 sont basées sur plus de 1500 menaces et violations signalées à Front Line Defenders, et sont classées par région, type de menace, secteur de travail des droits humains et genre.
Les principales menaces signalées à Front Line Defenders en 2022 comprenaient : les arrestations ou détentions (19,5 %), les poursuites judiciaires (14,2 %), les attaques physiques (12,8 %), les menaces de mort (10,9 %) et la surveillance (9,6 %). En Asie et dans les Amériques, les menaces de mort étaient les violations les plus fréquentes à l’encontre des défenseurs ; en Afrique il s’agit des arrestations et détentions ; tandis que dans les régions Europe et Asie Centrale (EAC) et Moyen-Orient et Afrique du Nord (MOAN), les actions judiciaires contre les DDH arrivent en tête.
Les défenseuses des droits humains (FDDH) étaient fréquemment la cible de menaces de mort, ce qui représentait la troisième violation la plus fréquente contre elles. Les violences physiques étaient la violation la plus fréquente signalée par les DDH transgenres et de genre variant/genre non conforme.
Les cinq catégories de défense des droits humains les plus ciblées étaient l’environnement, le droit à la terre et les droits des peuples autochtones (11 %), la liberté d’expression (10 %), les mouvements de contestation/la liberté de réunion (9 %), les droits des femmes (7 %), et l’impunité et l’accès à la justice (6 %).
Les femmes en première ligne des conflits et des crises
Les FDDH et leurs mouvements ont joué un rôle crucial pour combattre les attaques menées contre les droits humains en 2022.
Tout au long de l’année, dans de nombreux pays, dont l’Afghanistan, la RDC, le Salvador, l’Iran, le Myanmar, le Soudan et l’Ukraine, les FDDH ont continué à se mobiliser contre les forces d’occupation et les régimes autoritaires les plus répressifs, et à les dénoncer.
Elles en ont payé un tribut lourd et genré, notamment au travers d’attaques contre elles et leur famille, de campagnes de diffamation et de calomnie sur Internet, de violence sexuelle et d’autres violations ayant une incidence sur leur santé mentale et leur bien-être.
La criminalisation rampante des DDH
Considérée comme une tendance plus large, la criminalisation des DDH — par le biais d’arrestation, de détention et de poursuites judiciaires — était la forme d’attaque la plus importante observée dans les données, représentant plus du tiers (34 %) de toutes les violations. L’utilisation généralisée et arbitraire de lois antiterroristes pour détenir et poursuivre les DDH a affaibli leur moral, leurs capacités et leurs ressources.
Bien que cela ait pris différentes formes selon les pays, les autorités en Biélorussie, en Inde, au Nicaragua, dans les Territoires palestiniens occupés et au Zimbabwe, entre autres, ont utilisé la lutte contre le terrorisme et d’autres lois restrictives pour soumettre les défenseurs et leurs organisations à des arrestations répétées, des perquisitions, des interrogatoires, des menaces de fermeture ou des fermetures effectives, entre autres tactiques.
À l’échelle mondiale, les accusations judiciaires les plus fréquemment citées contre les DDH comprenaient : d’autres accusations criminelles (21,8 %), la sécurité nationale/sécurité de l’État/la sédition (19,0 %), le terrorisme/l’appartenance/le soutien à une organisation terroriste (12,8 %) ; la diffamation/les insultes à l’État/l’atteinte à l’unité nationale (10,1 %) ; et la diffusion de fausses informations ou rumeurs/propagande (9,0 %).
Les gouvernements et les entreprises privées ont ciblé les DDH avec un large éventail de menaces numériques. Les plus fréquemment citées étaient : le blocage d’Internet/des réseaux sociaux/de site Web (22,9 %) ; les menaces de violence/harcèlement en ligne (9,4 %) ; la saisie des ordinateurs/téléphones (8,7 %) ; la surveillance physique (8,3 %) ; et le doxxing (8,3 %).
« Les gouvernements répressifs du monde entier ont utilisé le droit comme une arme contre les défenseurs des droits humains dans le but de les réduire au silence et d’entraver leur travail, et les défenseurs sont les premiers à souffrir de toutes les formes de persécution, y compris par la loi, ainsi que de nombreuses menaces numériques et physiques », a déclaré Olive Moore.
« Mais ce harcèlement continu n’a pas réussi à dissuader les défenseurs des droits humains de poursuivre leur travail ; il les a plutôt incités à continuer à lutter contre la répression et à défendre la justice. La communauté internationale doit être solidaire des défenseurs et faire tout ce qui est en son pouvoir pour les protéger ».
Analyse Globale note qu’il y a également eu des avancées positives en 2022 en ce qui concerne les normes internationales pour protéger les DDH, notamment avec la nomination d’un Rapporteur spécial sur les défenseurs de l’environnement et une proposition de directive européenne sur la diligence raisonnable en matière de durabilité des entreprises. Cependant, la protection des défenseurs des droits humains dans le monde est encore loin d’être suffisante et exige une attention et une action concertées de tous les gouvernements.
NOTES AUX RÉDACTEURS :
À propos des données sur les homicides : Front Line Defenders gère la collecte de données vérifiées par des partenaires sous l’égide du Mémorial des DDH (HRD Memorial). Les partenaires du Mémorial des DDH sont : ACI-Participa (Honduras) ; Amnesty International ; Comité Cerezo (Mexique) ; la FIDH ; Front Line Defenders ; Global Witness ; Human Rights Defenders’ Alert – India ; Karapatan (les Philippines) ; l’OMCT ; El Programa Somos Defensores (Colombie) ; Red TDT (Mexique) ; et UDEFEGUA (Guatemala).
À propos des données sur les autres violations contre les DDH : Ces données proviennent des 1 583 menaces et violations signalées, sur la base des actions urgentes de Front Line Defenders et des subventions approuvées entre le 1er janvier et le 31 décembre 2022. Pour plus de détails, voir la section Méthodologie du rapport.