Guatemala : Nouvelles attaques contre des défenseuses des droits humains autochtones et des membres du Comité Campesino del Altiplano — CCDA
Front Line Defenders exprime sa profonde inquiétude face à l’absence de protection efficace et d’enquête sur les attaques, menaces, déplacements forcés et tentatives de criminalisation d’au moins huit défenseuses des droits humains, membres du Conseil de la communauté indigène Chirrix Tzul, dans la région de Chama Grande, municipalité de Cobán, département de l’Alta Verapaz, et membres du Comité Campesino del Altiplano – CCDA.
Le département de l’Alta Verapaz, situé au nord du Guatemala, a toujours été confronté à des conflits agraires importants, notamment la dépossession des terres indigènes, le vol des récoltes et la perte des habitations. La défense des territoires et des droits collectifs des peuples autochtones est systématiquement stigmatisée et sanctionnée par des attaques, notamment des déplacements violents, laissant les familles et les communautés qui défendent les droits humains dans une situation vulnérable. Historiquement, les défenseuses des droits humains de la région sont en première ligne, face à un système judiciaire qui continue de favoriser les accapareurs de terres et les hommes d’affaires, notamment les propriétaires de monocultures de palmiers africains ou de mégaprojets hydroélectriques et miniers dans la région.
Le Comité Campesino del Altiplano — CCDA dans le Verapaz est une organisation de défense des droits humains qui promeut le développement des petits agriculteurs et des communautés autochtones au Guatemala afin d’améliorer leur niveau de vie grâce à des programmes visant à instaurer l’égalité et à accroître la participation aux processus sociaux, économiques, culturels et politiques. À cette fin, le CCDA dénonce l’empiétement des accapareurs de terres sur leurs terres ancestrales et appelle à de meilleures politiques pour promouvoir le développement rural.
Le 9 avril 2024, environ 42 femmes de la communauté autochtone, dont huit défenseuses membres du CCDA, ont été expulsées de leurs maisons. Elles ont déclaré avoir subi des violences physiques et sexuelles de la part de groupes armés, identifiés par les membres de la communauté comme étant liés à des accapareurs de terres cherchant à s’emparer des terres de la communauté. Les agressions ont été signalées au Parquet en charge des crimes de féminicide le 11 avril 2024. Après l’attaque, les défenseuses et leurs familles se sont installées dans un refuge temporaire.
Le 20 mai 2024, le groupe d’hommes d’affaires intéressés par les terres a tenté de criminaliser les défenseuses en les accusant d’accaparement de terres et de vol aggravé. Ces accusations ont été formulées sans aucune preuve substantielle. Le 3 décembre 2024, les défenseuses ont été convoquées avec leurs agresseurs au parquet pour témoigner des agressions qu’elles ont subies le 9 avril. Cette confrontation a été organisée sans tenir compte des protocoles de protection mis en place pour les victimes afin de garantir leur intégrité physique et émotionnelle. L’affaire fait toujours l’objet d’une enquête et aucun progrès significatif n’a été enregistré.
Peu après l’audience, le 6 décembre 2024, un groupe d’hommes armés, identifiés par la communauté comme des gardes liés aux accapareurs de terres, a suivi les défenseuses du CCDA jusqu’aux lieux où elles ont trouvé refuge. Les hommes armés les ont ouvertement photographiées dans le but apparent d’intimider les femmes. À cause de cette situation à haut risque, les huit défenseuses ont de nouveau été évacuées, avec leurs familles, et ont été transférées dans un nouveau refuge, où elles se trouvent encore aujourd’hui.
Front Line Defenders a déjà souligné les risques sérieux et de plus en plus fréquents auxquels sont confrontés les défenseur⸱ses des droits humains dans le département de l’Alta Verapaz, ainsi que l’impact de ces attaques sur les familles des défenseur⸱ses des droits des populations autochtones et leurs communautés, qui sont constamment contraintes de quitter leurs communautés dans un contexte de menaces et d’absence de réponse adéquate de la part de l’État. La situation actuelle des défenseuses du CCDA montre que cette violence se poursuit et s’aggrave sur leur territoire.
Dans ce contexte, Front Line Defenders condamne la violence contre les défenseur·ses des droits humains dans le département de l’Alta Verapaz et exprime une inquiétude particulière concernant la situation spécifique des défenseuses des droits humains autochtones, qui font constamment face à la violence des accapareurs de terres dans le but de restreindre leur travail légitime en faveur des droits collectifs. Front Line Defenders réitère son appel aux autorités guatémaltèques pour qu’elles enquêtent, arrêtent et condamnent les responsables du harcèlement et des attaques contre ces défenseuses autochtones dans le département de l’Alta Verapaz, et pour qu’elles assurent la sécurité totale des membres du CCDA afin qu’ils puissent retourner dans leur communauté.