Guinée: Front Line Defenders est préoccupée par la répression des médias indépendants
Front Line Defenders est préoccupée par la répression accrue des médias indépendants par le gouvernement guinéen et par les tentatives répétées, ces dernières semaines, de museler les journalistes travaillant pour des organes de média privés qui critiquent la politique gouvernementale en matière de droits humains.
Le 2 novembre 2017, la Haute Autorité de la Communication (HAC) a suspendu les activités de la station de radio Espace FM appartenant au groupe Hadafo Media pour «atteinte à la sécurité de la nation» contrairement aux articles 39 et 40 de la loi sur la Liberté de la presse. Le 1er novembre 2017, au cours de son émission "Les Grandes Gueules", un journaliste de la radio a souligné que le manque de ressources et de matériel dans l'armée guinéenne constituait une menace potentielle pour l'Etat en cas de crise. L'émission diffusée du lundi au vendredi est une plate-forme où les journalistes discutent des questions politiques et sociales qui ont cours dans le pays et toutes questions relatives à la situation des droits humains dans le pays. Espace FM a également réalisé par le passé des rapports d'enquête qui ont mis au jour des pratiques de corruption au sein du gouvernement.
La HAC a ordonné la suspension de la station de radio pendant sept jours entre le 3 et le 9 novembre 2017. En août 2014, les autorités menaçaient déjà Espace FM de fermeture. Le groupe Hadafo Media se compose d'une chaîne de télévision, de deux stations de radio à Conakry et de trois stations de relais en provinces.
En début de semaine, le 31 octobre 2017, des dizaines de journalistes ont été attaqués par la police locale et des gendarmes alors qu'ils couvraient l'arrestation d'Aboubacar Camara, le directeur de la radio Gangan. Les journalistes rassemblés à la gendarmerie de Matam à Conakry ont été sévèrement battus à coups de matraque, piétinés et frappés à coups de pied alors que leur équipement, notamment des téléphones, des caméras et des enrégistreurs, a été détruit par les gendarmes. Aboubacar Camara, secrétaire général de l'Union des Radios et Télévisions Libres de Guinée (URTELGUI), avait été arrêté le 30 octobre 2017 et libéré sous caution le 31 octobre 2017 pour "outrage au chef de l'Etat" et "diffusion de fausses nouvelles". Il a été accusé d'avoir déclenché une rumeur selon laquelle le président de la Guinée était mort, ce qu'il a démenti. Il est inculpé en vertu de la loi de 2010 sur la Liberté de la presse et doit maintenant comparaître devant le procureur pour l’examen des accusations portées contre lui.
Le Code pénal, qui a été révisé et adopté le 4 juillet 2016, maintient des dispositions qui criminalisent l’outrage, la diffamation et l'injure, y compris contre des personnalités publiques, avec des peines allant jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et une amende. Les dispositions restent vagues et floues, laissant aux autorités un large pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne la poursuite des personnes qui expriment des opinions dissidentes ou qui dénoncent des violations des droits humains, notamment les défenseurs des droits humains.
Le travail des défenseurs des droits humains et des journalistes est essentiel pour documenter et alerter sur les événements d'intérêt public et le respect des normes internationales en matière de droits humains. Front Line Defenders appelle les autorités guinéennes à garantir les droits à la liberté d'information et à la liberté d'expression et à garantir que les défenseurs des droits humains et les journalistes puissent mener leurs activités légitimes et pacifiques, notamment surveiller et documenter les actions de la police et des autres forces de sécurité, sans menace pour leur sécurité et sans crainte de représailles.