Retirez toute accusation injuste contre Daniel Frits Maurits Tangkilisan
Nous, organisations, collectifs, militants et défenseur·ses des droits humains soussignés, demandons instamment au tribunal de district de Jepara, dans le centre de Java, en Indonésie, d’acquitter le défenseur de l’environnement et des droits humains Daniel Frits Maurits Tangkilisan, basé à Karimunjawa, en Indonésie, de toutes les charges qui pèsent contre lui.
Daniel Frits Maurits Tangkilisan est un défenseur des droits humains et de l’environnement basé en Indonésie et appartenant au mouvement Karimunjawa Struggle. L’objectif de ce mouvement est de protéger ceux qui souffrent de violations des droits humains résultant de pratiques illégales d’élevage intensif de crevettes, ainsi que de plaider pour la protection du parc national de Karimunjawa, une réserve marine déclarée qui s’étend sur 1 100 kilomètres carrés (425 miles carrés) et qui est aujourd’hui réputée pour ses récifs coralliens. L’existence d’élevages intensifs illégaux de crevettes entraîne des rejets de déchets qui endommagent l’écosystème marin et côtier, et provoque une crise de l’eau propre. Les défenseurs des droits humains et de l’environnement à Karimunjuwa sensibilisent activement la population à l’importance de la protection des zones marines et côtières, ainsi qu’à la sécurité des habitants de la région.
Un partisan de l’élevage intensif illégal de crevettes a porté plainte contre Daniel Frits Maurits Tangkilisan, après que celui-ci a utilisé l’expression « communauté de cerveaux de crevettes » (ou cervelles d’oiseau) sur son compte Facebook personnel, pour critiquer les partisans de l’élevage intensif illégal de crevettes.
Suite à cela, Daniel Frits Maurits Tangkilisan a été accusé d’incitation à la haine en vertu de l’article 28, paragraphe 2, ainsi que de l’article 45a, paragraphe 2, de la loi sur les transactions électroniques et d’information (loi ITE). Depuis le 1er février 2024, Daniel Frits Maurits Tangkilisan a été convoqué à 11 audiences. Lors de la dernière, le 19 mars 2024, le procureur général a proposé une peine de dix mois de prison, assortie d’une amende de 5 000 000 de roupies (316 USD).
Nous dénonçons fermement les accusations et les poursuites judiciaires engagées contre Daniel Frits Maurits Tangkilisan. Ces poursuites illustrent le sort des défenseur·ses de l’environnement en Indonésie, qui sont contraints de faire face à des défis juridiques simplement pour avoir exercé leur liberté d’expression en défendant l’environnement tout en préservant leur principale source de revenus. La criminalisation incessante de Daniel Frits Maurits Tangkilisan contredit de façon flagrante plusieurs obligations internationales de l’Indonésie, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP).
Au lieu de protéger la liberté d’expression des citoyens, le gouvernement néglige les accusations d’incitation à la haine contre Daniel Frits Maurits Tangkilisan. L’Indonésie ignore également de manière flagrante le vœu qu’elle avait fait en obtenant sa réélection en tant que membre du Conseil des droits de l’homme des Nations unies de 2024 à 2026, à savoir défendre les droits civils et politiques fondamentaux de tous les individus.
Conformément à l’article 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence est interdit par la loi. Néanmoins, les conditions qu’un acte ou une expression doivent remplir pour être qualifiés d’incitation à la haine sont strictes.
Selon le plan d’action de Rabat, un système judiciaire équitable doit prendre en compte plusieurs facteurs, notamment le contexte, le locuteur, l’intention, le contenu et la forme, la portée de l’acte d’expression et la probabilité de préjudice. Dans le cas de Daniel Frits Maurits Tangkilisan, nous sommes convaincus que ces éléments ne sont pas réunis, compte tenu du contexte dans lequel la déclaration a été faite — la protection du droit à un environnement sain — et de l’absence de dommage imminent.
La criminalisation des défenseurs des droits humains et de l’environnement persiste en Indonésie, malgré l’existence d’une disposition anti-poursuites bâillon dans la loi sur la protection et la gestion de l’environnement. Cette disposition protège explicitement les défenseur·ses de l’environnement contre les poursuites pénales ou civiles. Cependant, elle n’est pas souvent appliquée, comme en atteste le cas de Daniel Frits Maurits Tangkilisan.
À l’approche de l’audience du 4 avril, il est essentiel que toutes les parties prenantes, y compris la communauté internationale et le public, exigent la disculpation de Daniel et exhortent le tribunal de district de Jepara à l’acquitter. Nous ne resterons pas silencieux face à cette menace. Nous sommes solidaires de Daniel. Le rôle central de Daniel Frits Maurits Tangkilisan et d’autres défenseur·ses de l’environnement est crucial pour préserver le patrimoine naturel de Karimunjawa d’une expansion commerciale négligente sur le plan environnemental.
Compte tenu de notre préoccupation quant à ces questions, nous exhortons le tribunal de district de Jepara de :
Annuler l’affaire d’incitation à la haine visant le défenseur de l’environnement de Karimunjawa, Daniel Frits Maurits Tangkilisan ;
Demander au plaignant de rétablir la réputation de Daniel Frits Maurits Tangkilisan, qui a été taxé de blasphémateur ;
Améliorer la transparence et prévoir des délais raisonnables pour statuer sur les affaires liées à l’intérêt public ;
Utiliser des mécanismes anti-poursuites bâillon et des tribunaux soucieux de l’environnement pour traiter les affaires liées à l’environnement.
Nous appelons également le gouvernement indonésien à :
Démontrer son engagement en faveur de la liberté d’expression en déclarant sans équivoque que les défenseur·ses de l’environnement ne peuvent être poursuivis pour leur activisme ;
Abroger immédiatement les articles problématiques de la loi ITE et les autres réglementations répressives. Les lignes directrices sur l’application de la loi ITE n’ont pas été appliquées de manière efficace par la police et les procureurs ;
Donner la priorité à la protection de l’environnement et la garantir, et mettre en œuvre des politiques fortes pour assurer la durabilité pour les générations futures.
En outre, nous demandons à la communauté internationale de surveiller activement la criminalisation de la liberté d’expression en Indonésie. En Indonésie, les défenseur⸱ses des droits humains et les militants écologistes sont devenus des groupes critiques susceptibles d’être criminalisés à l’aide d’instruments juridiques ouverts à de multiples interprétations, tels que la loi ITE et le Code pénal. En tant que membre du Conseil des droits de l’homme des Nations unies pour la période 2024-2026, l’Indonésie doit rendre des comptes pour ne pas avoir garanti le respect, la protection et la réalisation des droits humains pour ses citoyens, conformément aux normes internationales en matière de droits humains.
Signataires :
ALTSEAN-Burma
Amnesty International Indonesia
Asian Forum for Human Rights and Development (FORUM-ASIA)
ATM – Alyansa Tigil Mina (Alliance to Stop Mining-Philippines).
Community Resource Centre (CRC)
DAKILA
Egyptian Initiative for Personal Rights (EIPR)
FIDH (Fédération internationale des droits de l'homme), dans le cadre de l'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains
Franciscans International, Switzerland
Front Line Defenders
Greenpeace Southeast Asia
JPICC-CMSP Justice, Peace and Integrity of Creation Commission-Conference of Major Superiors in the Philippines
KRuHA – People’s Coalition for the Right to Water
Legal Initiatives for Vietnam
Manushya Foundation
Mines,Minerals, & People , India
MiningWatch Canada
Open Net Korea
Protection International
Public Virtue Research Institute
PWESCR
Resister Indonesia
Sentra HAM FHUI
Southeast Asia Freedom of Expression Network (SAFEnet)
SPELL-Solidarity for People’s Education and Lifelong Learning
Suara Rakyat Malaysia (SUARAM), Malaysia
The Asian Muslim Action Network (AMAN) Indonesia
The Commission for The Disappearances and Victims of Violence (KontraS)
The William Gomes Podcast
Organisation mondiale contre la toture (OMCT), dans le cadre de l'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains
CIVICUS