Abandonnez les accusations de "subversion" et libérez la défenseuse des droits humains Chen Jianfang
Des ONG internationales de défense des droits humains appellent le gouvernement chinois à abandonner les poursuites pour "subversion du pouvoir de l'État" à l'encontre de la défenseuse des droits humains Chen Jianfang (陈建芳) et à la libérer immédiatement et sans condition. Mme Chen a passé plus de six mois en détention au secret et risque maintenant une longue peine de prison ; les autorités l'accusent d'avoir mis en danger la sécurité de l'État.
Le gouvernement chinois est apparemment en train de punir Mme Chen pour avoir exercé son droit à la liberté d'expression et de réunion pacifique. Mme Chen est une ardente défenseuse des droits humains qui utilise les manifestations publiques et intente des procès pour combattre l'injustice sociale à Shanghai. Les autorités l'ont empêchée de voyager pour assister à des formations ou à des conférences internationales sur les droits humains en dehors de la Chine. Au cours des dix dernières années, elle a souvent été victime d'expulsions forcées, de harcèlement policier, de détention et de torture.
La police de Shanghai a initialement arrêté Chen Jianfang et son mari le 20 mars, chez eux, et ils ont disparu pendant plusieurs mois alors qu'ils étaient en garde à vue. La police l'a officiellement arrêtée le 22 mai pour "subversion du pouvoir de l'État" mais cette information n'a été rendue publique qu'en octobre, alors qu'elle a été libérée sous caution le 3 avril. Le 30 août 2019, le parquet n°1 de Shanghai a inculpé Chen Jianfang pour "subversion du pouvoir de l'État", l'une des accusations politiques les plus graves du code pénal chinois pouvant entraîner une peine d'emprisonnement à perpétuité. L'affaire de Chen Jianfang a été transférée devant le tribunal intermédiaire n°1 de Shanghai. Chen Jianfang attend son procès dans la prison de Shanghai.
Quelques jours avant son arrestation, Chen Jianfang a écrit un essai pour rendre hommage à la militante Cao Shunli (曹顺利) à l’occasion du cinquième anniversaire de la mort de Cao en détention, le 14 mars. Le même jour, plusieurs experts indépendants des droits humains des Nations Unies ont publié une déclaration dans laquelle ils réitèrent leur appel pour l'ouverture d'une enquête sur la mort de Cao.
Chen n'a pas bénéficié d'un procès équitable. Elle n'est pas été autorisée à rencontrer l'avocat de son choix depuis le mois de mars. On ignore si elle a pu avoir un avocat pendant sa détention préventive. Chen a été victime de disparition forcée pendant plusieurs mois. On ne sait rien de son état dans le centre de détention. La torture est une pratique courante dans les centres de détention chinois et Chen court un risque élevé d'être torturée.
En août, quatre experts en droits humains des Nations Unies ont écrit au gouvernement chinois pour exprimer leur préoccupation quant à la détention arbitraire et à la disparition forcée de Chen Jianfang, au refus qu'elle contacte son avocat et sa famille, ainsi qu'à son traitement en détention. Le Secrétaire général de l’ONU a également évoqué son cas dans son rapport annuel sur la coopération avec l’ONU et ses mécanismes (le "rapport sur les représaille"»), publié en septembre 2019.
L’inculpation de Chen Jianfang fait suite à une récente hausse des persécutions sévères contre les défenseur-ses des droits humains par le gouvernement chinois. La dernière escalade est marquée par un crime politique grave que les autorités utilisent contre les DDH en détention : "subversion du pouvoir de l'État". En juillet, la police du Hunan a arrêté trois employés d'une ONG de lutte contre la discrimination et pour la défense de la santé, et les a officiellement arrêtés le mois suivant pour "subversion". Cheng Yuan, Liu Dazhi et Wu Gejianxiong n'ont pas été autorisés à consulter un avocat. Les raisons de leur détention ne sont pas connues, mais peuvent être liées au fait que leur ONG, Changsha Funeng, a reçu un financement étranger. Bien que l'accusation de subversion ait été utilisée par le passé contre des DDH, notamment contre le dissident pour la démocratie Qin Yongmin (秦永敏) ou contre des avocats lors de la vague de "répression des 709" en 2015, l'utilisation de ce crime contre des défenseur-ses des droits sociaux, économiques et culturels qui exercent leurs droits politiques civils augmente les risques pour ces défenseur-ses. Depuis 2013, Xi Jinping a considérablement réduit l'espace dont disposent les militants et les ONG pour défendre l'environnement, le logement, le droit à la terre, du travail, de la santé publique et les droits des personnes handicapées, et pour éliminer la discrimination. Le gouvernement chinois a pris une mesure supplémentaire pour punir les défenseur-ses des droits humains en les taxant d'"ennemis de l'État".
Dans un avis récent, le groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a constaté que le gouvernement chinois utilisait le crime de "subversion du pouvoir de l'État" (art. 105 de la loi pénale) pour persécuter les dissidents et la défense des droits n'est "ni nécessaire pour protéger les intérêts publics ou privés contre un préjudice, ni proportionnelle à la culpabilité. La punition devrait correspondre au crime, pas au criminel". Ce même groupe de travail a également rappelé aux autorités chinoises à plusieurs reprises que, dans des lettres officielles, dans certaines circonstances, une privation de liberté généralisée ou systématique et arbitraire peut constituer un crime contre l'humanité.
Nous appelons le gouvernement chinois à libérer immédiatement et sans condition Chen Jianfang, Cheng Yuan, Liu Dazhi, Wu Gejiangxiong et tous les autres défenseur-ses des droits humains arrêtés en représailles pour avoir exercé leurs droits.
Chinese Human Rights Defenders
FIDH, dans le cadre de l'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains
Front Line Defenders
Human Rights Watch
International Service for Human Rights
Safeguard Defenders
Organisation mondiale contre la torture (OMCT), dans le cadre de l'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains