Les attaques de diffamation et d’intimidation contre les défenseur⸱ses des droits humains en Géorgie doivent faire l’objet d’une enquête
Front Line Defenders condamne fermement la vague alarmante de diffamation et d’intimidation visant les défenseur⸱ses des droits humains géorgiens dans le cadre des manifestations de masse à Tbilissi, encouragées par la réapparition de la proposition de loi sur la transparence de l’influence étrangère. Bien que les partisans du projet aient assuré qu’ils allaient abandonner la loi, celle-ci a refait surface pour être examinée par le Parlement à la mi-avril. Depuis, le débat s’est accompagné de manifestations de masse quasi quotidiennes devant le Parlement à Tbilissi. Si elle est adoptée, la loi ajoutera des obligations de déclaration, soumettant les défenseur⸱ses des droits humains à un examen minutieux et à des sanctions administratives. À l’approche de la dernière lecture parlementaire de la loi largement critiquée, prévue pour la semaine du 13 mai 2024, les menaces contre les défenseur⸱ses des droits humains et les représentants de la société civile s’intensifient.
Le 9 mai 2024, des inconnus ont vandalisé les bureaux de nombreuses organisations de défense des droits humains en y apposant des affiches et des graffitis. Les affiches suivaient le même schéma : elles présentaient des photos des dirigeants des organisations, accompagnées du nom du défenseur ou de la défenseuse et de commentaires offensants les qualifiant de « vendus » et de « traîtres ». D’autres affiches et graffitis n’étaient pas personnalisés, mais contenaient des messages diffamatoires similaires.
Parmi les défenseur⸱ses des droits humains personnellement visés, on peut citer Eka Tsereteli de Women’s Initiative Supporting Group, Nona Kurgovanidze de Georgian Association of Young Lawyers, Giorgi Kldiashvili de l’Institute for Development of Freedom of Information, Nino Dolidze de l’International Society for Fair Elections And Democracy, David Chipashvili de Green Alternative, Aleko Tskitishvili de l’Human Rights Center, Baia Pataraia d’Union Sapari, Vladimer Mkervalishvili de Rights Georgia, Nino Zuriashvili de Studio Monitori, Gela Mtivlishvili de Mits Ambebi, Levan Tsutskiridze de l’Eastern European Center for Multiparty Democracy, Zaza Abashidze du Governance Monitoring Centre, Ucha Nanuashvili, Tamar Khidasheli du Democracy Research Institute, Giorgi Tabagari, Mariam Kvaratskhelia et Ana Subeliani de Tbilisi Pride, Tamar Kintsurashvili du Media Development Fund, et Eduard Marikashvili de la Georgian Democracy Initiative.
Depuis le 7 mai 2024, plus de 100 DDH et organisations de la société civile géorgiens ont été la cible d’attaques orchestrées avec des appels intimidants par téléphone ou des messageries. Des défenseur⸱ses ont reçu des appels provenant de numéros apparaissant faussement comme étant enregistrés dans des pays étrangers. Les DDH qui ont décroché ont reçu des menaces les enjoignant à cesser de manifester contre la loi sur les agents de l’étranger. Nombre d’entre eux ont indiqué que les agresseurs avaient également menacé et intimidé leurs proches, notamment les personnes âgées, les conjoints et les enfants, d’intimidations similaires, afin de les empêcher de soutenir les manifestations de Tbilissi. Le 8 mai 2024, un représentant du parti Georgian Dream (Rêve géorgien) a annoncé son intention de créer une base de données comprenant les personnes qui soutiennent les manifestations contre le projet de loi sur les agents de l’étranger. Cette décision a été critiquée par d’autres partis politiques et des représentants de la société civile, qui craignaient que ladite base de données ne soit utilisée à mauvais escient pour orienter les mesures répressives.
La loi vise les organisations non gouvernementales et les médias qui obtiennent plus de 20 % de leur financement hors du pays, et les oblige à s’enregistrer auprès du ministère de la Justice en tant qu’« organisations servant les intérêts d’une puissance étrangère ». Le parti « Rêve géorgien » avait d’abord présenté une « loi sur les agents de l’étranger » similaire en mars 2023, avant de la retirer de l’examen après deux jours de manifestations massives à Tbilissi. Ce retrait a notamment permis à la Géorgie d’obtenir le statut de candidat à l’UE en décembre 2023, une voie d’adhésion souhaitée par la majorité de la population. En avril 2024, le même parti a présenté une loi presque identique devant le Parlement, désormais intitulée « Loi sur la transparence de l’influence étrangère ». Les défenseur⸱ses des droits humains géorgiens ont largement critiqué cette manœuvre, soulignant l’influence des agendas pro-russes et « loi de 2014 sur les agents de l’étranger » en Russie qui a été utilisée par les autorités russes pour démembrer la société civile. Cette manœuvre législative de la mi-avril a déclenché de vastes manifestations, essentiellement pacifiques, à Tbilissi et dans d’autres grandes villes du pays, des centaines de personnes se rassemblant presque chaque jour. Les médias locaux et les défenseur⸱ses des droits humains ont documenté l’utilisation de spray au poivre, de gaz lacrymogène et de canons à eau par la police pour disperser les manifestants. La police antiémeute a également été vue en train d’agresser violemment et d’arrêter des manifestants, souvent sans sommation. Les DDH ont signalé que depuis la mi-avril, plus de 100 personnes ont été violemment arrêtées et sont maintenant inculpées.
Les DDH en Géorgie poursuivent leur travail inlassable, pacifique et légitime, unis pour s’opposer aux lois sur les représentants de l’étranger. L’État doit reconnaître le rôle crucial des défenseur⸱ses des droits humains et des représentants de la société civile et créer un environnement favorable à leur action en faveur des droits humains. Front Line Defenders est très préoccupée par la sécurité des DDH travaillant dans un tel contexte, car elle pense qu’ils sont pris pour cible en raison de leur travail pacifique et légitime en faveur des droits humains. Front Line Defenders condamne fermement la vague alarmante de diffamation et d’intimidation visant les défenseur⸱ses des droits humains géorgiens dans le cadre des manifestations de masse à Tbilissi, encouragées par la réapparition de la loi sur la transparence de l’influence étrangère. L’organisation demande instamment aux autorités géorgiennes d’enquêter sur ces attaques et de traduire les auteurs en justice immédiatement. Front Line Defenders exhorte les autorités géorgiennes à retirer immédiatement et sans condition la loi sur la transparence de l’influence étrangère et de s’engager à ne pas la renvoyer pour examen.