Abandon de l'affaire intentée contre Helena Maleno
Le 5 mars 2019, la Cour d'appel de Tanger au Maroc a abandonné les charges qui pesaient contre la défenseuse des droits des migrants Helena Maleno Garzón. Elle était accusée d'avoir "favorisé l'immigration clandestine" et d'"aide illégale au passage de migrants" dans le cadre de son travail pour la protection des droits des migrants. La Cour d'appel a réaffirmé la conclusion du juge d'instruction, datée du 11 décembre 2018, indiquant qu'il n'y avait aucune preuve que la défenseuse ait commis un crime. Si Helena Maleno avait été reconnue coupable, elle risquait la prison à perpétuité.
Helena Maleno est journaliste et chercheuse ; elle vit au Maroc depuis 14 ans. Elle est experte dans le domaine de la migration et du trafic d'êtres humains, et porte une attention particulière aux droits des femmes et des enfants. Son travail est reconnu au niveau international et elle a reçu plusieurs prix, dont le prix "Nacho de la Mata" (2015), décerné par le Conseil général des avocats espagnols, le prix des droits humains de l'Asociación Pro Derechos Humanos de España (2018), et le MacBride Peace Prize (2018) décerné par l'International Peace Bureau. Les experts en droits humains de l'ONU dénoncent la criminalisation d'Helena Maleno au Maroc, notamment le Rapporteur spécial sur la situation des défenseur-ses des droits humains et le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires. Helena est membre fondatrice de Caminando Fronteras, une organisation non gouvernementale qui se concentre sur la protection des droits des migrants depuis 16 ans. L'organisation offre une ligne de sauvetage aux migrants qui cherchent à atteindre l'Europe par la mer, souvent dans des embarcations de fortune. L'organisation reçoit des appels de migrants en danger et alerte les autorités maritimes espagnoles, marocaines et algériennes. Caminando Fronteras apporte également une aide juridique, sociale et sanitaire aux migrants et documente les atteintes aux droits humains perpétrées des deux cotés de la frontière.
Outre ces accusations criminelles, Helena Maleno est la cible de menaces, campagnes de diffamation, intimidation et harcèlement à cause de son travail légitime et pacifique. Le 31 janvier 2019, le ministre espagnol du Développement intérieur a fait une déclaration publique dans laquelle il accusait des organisations de défense des droits des migrants, dont Caminando Fronteras, de favoriser l'immigration illégale et le trafic d'êtres humains au travers de leur travail humanitaire en mer Méditerranée. Ces défis auxquels Helena Maleno est confrontée affectent également de nombreux autres défenseur-ses des droits des migrants en Europe. Son affaire est emblématique de l'environnement de plus en plus hostile, de la criminalisation et de l'intimidation auxquels les défenseur-ses des droits humains qui travaillent sur les questions relatives aux migrants et aux réfugiés en Europe doivent faire face depuis plusieurs années.
Women's Link Worldwide, Justice Associates (JASS), Front Line Defenders, l'Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT) et la Fédération Internationale des Droits de l'Homme (FIDH) saluent la décision de la Cour d'appel de Tanger de clore l'enquête criminelle contre Helena Maleno. Toutefois, les organisations restent préoccupées par la situation générale des défenseur-ses des droits humains qui cherchent à promouvoir et protéger les droits des migrants. Elles rappellent aussi les obligations du Maroc et de l'Espagne de respecter et protéger tous les défenseur-ses des droits humains, en toutes circonstances, et à garantir qu'ils-elles puissent mener à bien leurs actions légitimes sans craindre ni restrictions ni représailles, y compris l'acharnement judiciaire.