Le Conseil de l'Europe fait part de ses profondes préoccupations concernant la détérioration de la situation des droits humains en Turquie
Au nom de la "lutte contre le terrorisme", les autorités turques adoptent des mesures de plus en plus restrictives contre les défenseur-ses des droits humains, les opposants politiques et les journalistes. Les experts locaux et internationaux pensent que le gouvernement utilise la rhétorique et la peur du terrorisme pour mettre en place une vaste répression contre les défenseur-ses des droits humains qui sont critiques et qui veulent construire une société forte et stable. De nombreux groupes locaux ont fait part de leur inquiétudes à propos des attaques contre la liberté d'expression et d'association, ainsi que contre les exactions et les meurtres de civils kurdes dans le sud-est de la Turquie.
"Le respect des droits de l’homme s’est détérioré à une vitesse alarmante ces derniers mois dans le contexte de la lutte contre le terrorisme en Turquie", a déclaré Nils Muižnieks, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, à l’issue d’une visite de neuf jours à Istanbul, Diyarbakir et Ankara début avril 2016.
Le Commissaire a déclaré que la Turquie a le droit et le devoir de lutter contre le terrorisme mais que le gouvernement devrait "s’abstenir de s’écarter des principes des droits de l’homme et de l’État de droit dans cette lutte", faisant part de ses profondes préoccupations concernant la proportionnalité des mesures anti-terroriste.
Au cours des récents mois, il y a également eu des attaques contre la liberté d'expression et les autorités turques ont saisi ou fermé plusieurs médias. Par exemple, Jan Böhmermann, comédien de la télévision allemande, fait l'objet de poursuites criminelles pour avoir diffusé un poème qui se moquait du président turc Recep Tayyip Erdogan. Les autorités ont lancé un total de 1845 affaires contre des journalistes et d'autres personnes accusés d'avoir insulté le président.
Le 15 mars 2016, les universitaires Mme Esra Mungan, M. Kıvanç Ersoy et M. Muzaffer Kaya ont été arrêtés pour terrorisme et placés en détention le temps de l'enquête, après avoir signé une pétition appelant à la fin des violences. Les trois universitaires ont été victimes de mauvais traitements et placés à l'isolement.
Read the letter of the Academics for Peace urging the embassadors in Turkey to observe the trial
Le Commissaire Muižnieks a déclaré:
“Le recours à une notion extrêmement large du terrorisme pour punir des déclarations non violentes et la criminalisation du moindre message qui semble simplement coïncider avec des intérêts perçus comme étant ceux d’une organisation terroriste ne sont pas des phénomènes nouveaux en Turquie, mais leur ampleur a pris des proportions alarmantes.”
Depuis août 2015, la Turquie a lancé des opérations anti-terrorisme contre les milices du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Dans ces attaques, des civils vivant dans les zones kurdes ont été déplacés et tués, mais à ce jour, les autorités n'ont pas ouvert d'enquête indépendantes et transparentes sur ces meurtres.
Les défenseur-ses des droits humains qui luttent ouvertement pour les droits et les libertés de leurs communautés ne sont pas les seules à être en danger en Turquie. Dans plusieurs villes, le gouvernement a aussi mis en place des couvre-feux long et illimités, qui, selon le commissaire "interfèrent massivement avec les droits de la population", car ils affectent leur liberté de circulation, leur droit à l'éducation et le droit à la santé.
"Lors de ma visite sur le site de l’assassinat de Tahir Elçi à Sur, j’ai pu avoir un aperçu de l’ampleur très choquante de la destruction dans certaines de ces zones" a déclaré M. Muižnieks. "Le gouvernement m’a appris que 50 terroristes avaient été tués pendant les opérations à Sur ; or, au moins 20 000 personnes ont été déplacées, d’innombrables bâtiments ont été détruits et de nombreux civils ont de toute évidence beaucoup souffert à cause des terroristes et des dommages collatéraux".